Politique

Yannick Jadot (EELV) : "Macron est plus le champion de la ''terre brûlée'' qu’un leader en matière de climat"

Yannick Jadot (EELV) : "Macron est plus le champion de la ''terre brûlée'' qu’un leader en matière de climat"

Dans le cadre de la "Marche pour la forêt", initiée par l'ONF et soutenue par EELV, le député européen Yannick Jadot sera dans notre région le 22 octobre prochain. L'interview d'info-chalon.com.

A la suite d'un appel des personnels forestiers de l'Office National des Forêts (ONF) visant à défendre les forêts publiques contre les mesures du gouvernement, soutenu par EELV, quatre grandes marches parties des régions convergent depuis mi-septembre vers la grande chênaie de Tronçais dans l'allier, symbole des forêts de chêne prestigieuses héritées de Colbert. Ces quatres parcours, au départ de Mulhouse, Satrasbourg, Valence et Perpignan se regrouperont le 25 octobre.

Dans notre Région Bourgogne Franche-Comté, traversées par deux itinéraires, les marcheurs arpenteront les sentiers, de Dole à Bourbon Lancy, du 7 au 18 octobre. Le député européen Yannick Jadot accompagnera cette "Marche pour la forêt" en Bourgogne Franche-Comté le 22 octobre prochain. Pour en savoir plus, info-chalon.com l'a interrogé.

Dans un récent communiqué, EELV a appelé « à la mobilisation pour soutenir la « Marche pour la forêt », à l'initiative des personnels forestiers de l'Office National des Forêts, visant à défendre les forêts publiques contre les mesures du gouvernement ». Pour nos lecteurs, pouvez-vous expliquer pour quelles raisons ces forêts sont menacées par le gouvernement ?

L’objectif de cette marche est d’informer sur deux sujets fondamentaux parfois méconnus : la privatisation de la gestion des forêts publiques et l’industrialisation de ces dernières. Cette marche symbolise avant tout un ras-le-bol profond des employés de l’ONF, qui voient à la fois leurs effectifs se réduire et leurs missions évoluer vers des logiques commerciales dans lesquels ils ne se retrouvent pas. Ils craignent sérieusement qu’à moyen terme, la gestion des forêts communales soient déléguée à des prestataires privés, une privatisation qui irait à l’encontre des fonctions environnementales et sociales des forêts, et donc de l’intérêt général. 

Quelques jours après la sortie du rapport du GIEC qui nous alerte sur le caractère explosif du climat et le rôle clé que devront jouer les forêts pour nous sauver du chaos climatique, il est grand temps de réagir face à l’industrialisation intensive de la forêt en Europe, qui a pris cette dernière décennie un rythme effrayant. Toujours plus d’exploitation du bois, une réduction des âges d’exploitabilité des arbres et futaies, des rendements intenables... Nos forêts subissent aujourd’hui les mêmes méthodes que celles de l’agriculture intensive, avec les mêmes conséquences néfastes pour l’environnement. C’est pour toutes ces raisons que j’irai soutenir la marche le 22 octobre à Nevers. 

Affaire Benalla, démissions en série de ministres (Hulot et Collomb), propos envers un chercheur d’emploi jugés arrogants et déplacés… la cote de popularité du président de la République s’est spectaculairement effondrée ces dernières semaines. Si l’on en croit les récents sondages, du moins. Pourtant, s’il a récemment admis avoir commis « des erreurs », il n’entend pas modifier sa trajectoire, encore moins la politique menée par le gouvernement qu’il a nommé. Qu’espérez-vous d’une « Marche pour la forêt » ?

Il est essentiel que partout sur nos territoires, les citoyens et les citoyens, les associations, les ONG et les élus montrent au Président que sa politique de l’écologie d’affichage, personne n’y croit plus, et qu’il doit maintenant écouter les forces vives qui sont prêtes pour le monde de l’après carbone. Sans cette énergie vive, rien ne bougera. On l’a vu avec Notre Dame des Landes, on le voit sur d’autres grands projets inutiles, c’est aujourd’hui grâce à la mobilisation citoyenne, et aux élus qui ont le courage de faire entendre leurs voix, que le monde avance. Donc oui, Macron est plus le champion de la « terre brûlée » qu’un leader en matière de climat, mais aujourd’hui, on n’a pas le temps d’attendre un changement de majorité pour faire avancer les choses. Donc venez nombreux aux différentes marches pour les forêts qui auront lieu un peu partout sur le territoire, faites entendre votre voix, pour un présent et un futur plus durable, plus heureux et plus vert. 

Quels sont les pouvoirs d’un parlementaire européen en matière d’écologie, de protection de l’environnement ?

Ils sont grands. Malgré le fait que notre groupe soit minoritaire au sein du Parlement européen, nous avons arraché de nombreux succès ces dernières années: interdiction de la pêche électrique, bien-être animal, plus d’ambition climatique, plus d’énergie renouvelable dans notre mix, des logements rénovés, la lutte contre le TAFTA ... Nous, écologistes, mobilisons toutes nos forces pour bousculer les politiques absurdes et l’immobilisme des grands groupes traditionnels. Et la bonne nouvelle c’est que souvent, ça marche !

Vous avez écrit et publié il y a quelques années un ouvrage (Climat : la guerre de l’ombre) dans lequel vous mettiez en lumière l’influence de lobbies et de groupes d’intérêt privés au sein de l’Union européenne. Que faut-il faire selon vous pour que les décisions de l’Union européenne (directives, règlements) ne soient plus influencées par de tels groupes ? 

Le chemin est long et périlleux, mais cela fait partie des priorités de travail du groupe des Verts/ALE dans lequel je siège au Parlement européen. L’année dernière, notre groupe politique a fait adopter un texte pour une plus grande transparence dans les institutions, afin de mettre fin à ce que l’on appelle « les portes tournantes », autrement dit une proximité malsaine entre le milieu politique et les grandes entreprises. Les négociations au sein du Parlement européen furent extrêmement difficiles, notamment avec l’aile droite de l’institution, mais cette longue bataille pour plus de transparence et d’éthique a payé. Une "empreinte législative" permettra de prendre connaissance, pour chaque norme législative adoptée, de tous les représentants d’intérêts (entendez les lobbyistes) et autres acteurs, privés ou publics, extérieurs aux institutions, intervenus ou consultés dans le cadre de son élaboration. Ainsi, chaque citoyen pourra comprendre en un coup d'œil qui a pu influencer la rédaction de la législation européenne. Le registre de transparence sur les lobbies - qui jusqu'ici était volontaire - deviendra plus contraignant car les lobbyistes devront s'y inscrire pour avoir accès aux législateurs. 

Le chemin est encore long bien sûr, mais les vieilles pratiques politiciennes sont en train d’être ébranlées, et ce, grâce au combat acharné des écologistes.

Dans un livre qui a connu un certain succès, La vie secrète des arbre, un garde forestier, Peter Wohlleben, préconise une toute autre « gestion » des forêts ? Qu’en pensez-vous ? 

Malheureusement, je n’ai pas lu ce livre, mais je suis persuadé qu’il faut trouver un bon équilibre, entre les services que nous rend la forêt, et leur importance pour notre survie. Imaginez un monde sans forêt. Elles sont la base de la vie elle-même. Elles enrichissent les sols, maintiennent le cycle de l'eau et constituent une vaste source d'éléments nutritifs. Elles nous protègent des ouragans, des sécheresses et des inondations. Elles régulent l’atmosphère, et nourrissent, soignent et abritent plus de créatures que nous ne pouvons en compter. Passer un peu de temps en forêt peut améliorer l’humeur, la santé cardiovasculaire, réduire la tension artérielle et le stress. Elles inspirent nos enfants et constituent le point de départ de nombreux de nos contes de fées, de nos folklores et de nos mythes les plus précieux. 

Et puis il faut bien comprendre : plus les forêts sont en bonne santé, plus elles peuvent stimuler les économies en fournissant du bois. Donc exploiter nos forêts de manière durable oui, les soumettre aux règles d’une industrie intensive qui répondent à des logiques de rentabilité à court terme, hors de question.

Un service public européen des forêts serait une bonne idée pour vous ? Si oui, à quelles conditions ?

La politique forestière a toujours été du ressort des Etats, sans harmonisation européenne. Parfois même, ce sont les régions ou départements qui sont moteurs, selon la nature et le type des propriétaires. Il y a un semblant de politique forestière européenne pour la production bois et pour une certaine harmonisation qui ne va pas dans le bon sens, à savoir augmenter et rationaliser la dite production bois.

Pour les écologistes, le rôle premier de la forêt est avant tout écologique, car c'est très souvent, voire uniquement en forêt que se trouvent les derniers espaces naturels. La forêt a toujours eu et aura toujours à nos yeux un rôle prépondérant de préservation des sols, des ressources en eaux, de fixation du carbone. Elle produit aussi du bois, et c'est un espace récréatif pour de très nombreux européens. Si une vraie politique européenne pouvait voir le jour, rassemblant tous les gestionnaires des forêts publiques dans un premier temps, ce serait une avancée. La foresterie française a toujours été motrice et novatrice en Europe et dans le monde, son école étant un gage d'excellence, nous pouvons, si le gouvernement en a la volonté politique, travailler ensemble afin de proposer une vraie politique forestière européenne, écologiste ça va de soi.

 

Photo : Yannick Jadot, entouré de Cécile Prudhomme et Mourad Laoues, lors de la dédicace de son livre "Climat : la guerre de l'ombre", à la librairie Develay de Chalon-sur-Saône, en novembre 2015. (archives info-chalon.com)

 

Les dates des étapes de la Marche pour la forêt en Saône-et-Loire 
 
12/10 : St Gervais/Couches-St Sernin-du-Bois
 
13/10 : St Sernin-du-Bois- Broye
 
14/10 : Broye-Dettey
 
15/10: Dettey- St Radegonde
 
16/10: St Radegonde-Grury
 
17/10 : Grury-Bourbon-Lancy
 
18/10 : Bourbon-Lancy-Chevagnes ( 03230)