Chalon sur Saône

536 emplois perdus et passés entre les mains du tribunal de commerce de Chalon en 2015

536 emplois perdus et passés entre les mains du tribunal de commerce de Chalon en 2015

Les parlementaires de Saône-et-Loire n'étaient pas présents à l'audience de rentrée solennelle 2016 du tribunal de commerce de Chalon. Une absence regrettée par Gérard Morel, qui, comme l'an passé, avait des choses à leur dire à propos du projet de réforme de la justice commerciale. Des remarques que le président du tribunal de commerce ne s'est néanmoins pas privé de faire avec force conviction devant l'assistance rassemblée dans l'habituelle salle d'audience du tribunal correctionnel.

« Nous ne nous sommes jamais désintéressés, ni opposés, bien au contraire, à la réflexion d'ensemble sur la justice du XXIe siècle engagée par la Chancellerie et qui correspond à une nécessaire adaptation et modernisation de notre modèle judiciaire » a ainsi confié le président Morel, en ne manquant pas de rappeler « On a quand même tenté de nous écarter au nom de notre soi-disante incompétence et notre dépendance corporatiste, et, malgré notre volonté d'être à l'écoute, constructif, il a fallu entreprendre un mouvement de suspension de nos activités pour finalement être entendus, sur nos propositions. Les faits sont là... Nous rendons une justice de proximité, humaniste et pas cher, en plus rapide et plutôt fiable, car peu infirmée, me semble-t-il ». 
« Oui aux réformes, mais ne cassons pas ce qui marche... »
A propos de la loi Macron, Gérard Morel a été catégorique. « Oui aux réformes, mais ne cassons pas ce qui marche... Monsieur le ministre Macron, avec votre loi, vous vouliez redonner du pouvoir d'achat aux Français. J'y souscris complètement. Mais il m'apparaît plus simple de moins nous en prendre ».
Quant aux perspectives de développement économique pour les années qui viennent, le président du tribunal de commerce de Chalon s'est montré pessimiste.
« Je ne vois pas sur 2016 ce qui va déclencher une reprise significative de création d'emplois marchands durables se substituant aux nombreux relais et emplois publics, recours bien insuffisant contre l'envolée du chômage ».
Et de s'en expliquer « Depuis plusieurs décennies, d'année en année, les prélèvements fiscaux et sociaux asphyxient le pays, bloquent l'économie, sans pour autant enrayer les déficits publics. S'y ajoute le fait que l'aide publique au développement de la France baisse régulièrement, où va l'argent, où sont les grues ? La dette publique, qui va atteindre 58% du PIB, poursuit méthodiquement l'euthanasie du secteur privé et installe inexorablement les Français dans la sphère de l'Etat et dans la dépendance des transferts sociaux». Afin d'essayer de rendre la santé à une économie française malade, le « docteur » Gérard Morel a proposé quelques remèdes.
« Devant la cohorte des petites et moyennes entreprises qui déposent le bilan, ne serait-il pas le moment d'engager les véritables réformes de structures nécessaires ? Devant les millions de chômeurs, ne serait-il pas temps d'oser expérimenter de nouvelles dispositions concernant le travail dans l'entreprise ? ». Tout en ne se faisant guère d’illusions. « Malheureusement, je vous le dis, mesdames et messieurs les élus, nous avons le sentiment que les vraies réformes s'arrêtent où commence l'intérêt électoral. Alors, la guerre contre le chômage, malgré des ultimes manœuvres, me paraît bien désespérée ».


La prévention des difficultés
des entreprises désormais prioritaire

L'audience de rentrée solennelle 2016 a aussi été l'occasion pour le président Morel d'évoquer la prévention des difficultés des entreprises. « Elle doit s'inscrire définitivement dans les priorités principales du tribunal de commerce. C'est en plus le domaine naturel du juge du commerce ». Soulignant notamment «Il est évident qu'à partir du moment où le chef d'entreprise ne considère plus la prévention comme un déshonneur, un échec, une ingérence dans ses affaires, mais comme un formidable bouclier, lorsque les procédures sont engagées à temps, alors un grand pas sera franchi dans le sauvetage de l'entreprise ».

Il n'y aurait pas d'audience de rentrée solennelle sans quelques chiffres statistiques livrés par le président du tribunal de commerce. Gérard Morel a ainsi annoncé que les procédures collectives ouvertes en 2015 ont concerné 307 entreprises, représentant un chiffre d'affaires cumulé de 81 millions d'€, soit une augmentation de 22% par rapport à 2014. Parmi les 307 entreprises 48% sont implantées dans le bassin de Chalon, 27% dans celui de Montceau-Le Creusot, 18% dans celui de Louhans et 7% dans celui d'Autun.
Les principaux secteurs d'activités touchés sont le commerce (30%), le bâtiment (21%), l'hôtellerie-restauration (20%), l'automobile-transport (6%) et l'industrie (4%). Ces défaillances d'entreprises se traduisent par la perte de 536 emplois. Enfin le passif ainsi généré représente 48 millions d'€.
Des statistiques, qui viennent malheureusement justifier la nécessité de la prévention des difficultés des entreprises. Une démarche, que s'est plu à saluer le procureur Christophe Rode dans ses réquisitions.
« Le ministère public partage la vision pragmatique des juges consulaires, en soutenant que l'une des armes pour lutter contre ces liquidations est de favoriser la prévention des difficultés des entreprises. Votre action, à cet égard, notamment auprès de la chambre de commerce, est admirable... Mais sans doute faudrait-il que ces actions soient relayées et amplifiées par d'autres intervenants ou acteurs économiques ».
Christophe Rode pensait plus particulièrement aux professionnels du chiffre, que sont les experts comptables, les commissaires aux comptes, et autres centres de gestion agréés, ainsi qu’aux chambres et organismes professionnels. Le chef du parquet de Chalon s'est aussi interrogé sur le rôle et l'intervention du secteur bancaire, qui, selon lui, devrait être plus en phase avec l'économie réelle.
Mais pour le procureur Rode dans certains cas les difficultés ont tout simplement pour origine les insuffisances des dirigeants ou leur incapacité à gérer une entreprise. Et ce dernier de suggérer la création d'une sorte de permis de conduire une entreprise. « Nul ne saurait aujourd'hui contester l'impérieuse nécessité d'obtenir un permis pour conduire un véhicule, alors que dans le même temps aucun permis n'est exigé pour la conduite d'une entreprise, pas même l'exigence de savoir comprendre et parler le français ».


Une bataille contre la récession économique


Dans ses réquisitions Christophe Rode est également longuement revenu sur les tragiques événements du 13 novembre 2015. « Au travers de ces attentats et de l'état d'urgence qui en découle, les problèmes économiques risquent de nouveau d'envahir le quotidien de bien des entreprises et de leurs salariés qui seront à leur tour directement concernés par des pertes de marché, des baisses irréversibles d'activités, puis le chômage. Dès lors, la lutte contre Daech est non seulement un combat contre une organisation criminelle mais constitue également une bataille contre la récession économique ».
La cérémonie, à laquelle assistaient notamment Jehan-Eric Winckler, sous-préfet de Chalon, Henry Robert, premier président de la cour d'appel de Dijon, Jean-Jacques Bosc, procureur général près la cour d'appel de Dijon, Gilles Platret, conseiller régional-maire de Chalon, Catherine Grosjean, présidente du tribunal de grande instance de Chalon, Francis Gutierrez, président du conseil de prud'hommes de Chalon et maître Jean-Charles Meunier, bâtonnier de l'ordre des avocats de Chalon, avait débuté par l'installation officielle des sept juges consulaires réélus ou élus lors des élections du 14 octobre dernier. Gérard Crenn, Georges-Henri Duchesne, Pierre Ferreaux, Joseph Kim et Micheline Remon pour un mandat de 4 ans ainsi que Brigitte Caumont et Rodolphe Sajovic pour un mandat de 2 ans.
Gabriel-Henri THEULOT

Les activités du tribunal de commerce
de Chalon en 2015

Activité judiciaire
Pour le contentieux général, les affaires nouvelles inscrites sont en diminution de 15%, le nombre des dossiers à juger étant en baisse de 32%.
La durée moyenne du procès avant délibéré est de 168 jours tandis que celle du délibéré est de 36 jours.
Les ordonnances en injonction de payer baissent de 2% et les ordonnances présidentielles diminuent de 18 %.
Les procédures collectives
Le nombre d’ouvertures de procédure augmente de 22% à 307. A savoir 5 procédures de sauvegarde, 97 redressements judiciaires (+45%) et 205 liquidations judiciaires immédiates (+14%), dont 155 liquidations judiciaires simplifiées et 21 résolutions de plan.
35 plans de continuation et 5 plans de cession ont été arrêtés.
283 liquidations judiciaires ont été clôturées pour insuffisance d’actif et 7 pour extinction du passif.
Les interdictions de gérer au nombre de 25 sont en recul de 34% tandis qu’il n’y a eu qu’une sanction patrimoniale.
Les mouvements au registre du commerce et des sociétés
Les formalités s’élèvent à 6 779 contre 5 675 l’année précédente.
La hausse des immatriculations de commerçants de 300 % est due à l’obligation d’immatriculation des auto-entrepreneurs avant le 18 décembre 2015, celles des sociétés commerciales baissant de 8%. Les radiations augmentent de 2 % pour les personnes physiques et de 10 % pour les sociétés commerciales.
Le dépôt des comptes annuels des sociétés commerciales sont en augmentation de 10 %, le ratio des comptes déposés pour le millésime 2014 approchant les 84 %.
Les inscriptions relatives à l’endettement des entreprises
Le total des inscriptions de privilèges généraux, privilèges spéciaux, ainsi que les publications s’élève à 2 896.