Chalon sur Saône

Rentrée solennelle pour leTribunal de Grande Instance de Chalon sur Saône

Rentrée solennelle pour leTribunal de Grande Instance de Chalon sur Saône

Une nouvelle année débute, et si elle ne vend pas franchement de rêve à tous, Damien Savarzeix, procureur de la République, a annoncé lors de l’audience solennelle de rentrée, ce mercredi 17 janvier, qu’elle donnerait de l’AIR sur les ressorts du TGI de Chalon et de Mâcon, soit sur tout le département.

Comme le code de l’organisation judiciaire l’impose, les chefs de la juridiction, madame Catherine Grosjean, présidente du TGI de Chalon-sur-Saône, et monsieur Damien Savarzeix, procureur de la République, ont rendu compte de l’activité de l’année écoulée.
Une assemblée très attentive est venue participer au rituel institutionnel, concernée à des degrés divers, mais tout impliquée dans le fonctionnement de l’institution judiciaire, de son évolution, de ses avancées.
Le procureur a bien sûr ouvert son discours en rappelant la fermeté requise à l’égard des violences exercées contre les policiers et les gendarmes dans l’exercice de leurs missions, « ils doivent être respectés comme les acteurs premiers de notre sécurité », et il a eu un mot pour les surveillants pénitentiaires « exposés à la violence carcérale d’auteurs radicalisés », fait qui a connu ces derniers jours « un durcissement préoccupant ».
Autre préoccupation : la sécurité sur les routes, trop d’accidents ont eu cette année des conséquences dramatiques.
Du côté du parquet, l’année 2017 fut marquée par la création de deux groupements locaux de traitement de la délinquance (GLTD), un premier centré sur le quartier Saint-Jean à Chalon-sur-Saône, un second sur le quartier du Plessis à Montceau-les-Mines, et le procureur de la République annonce la création d’un prochain GLTD au Creusot. 2ème chantier : l'apurement des stocks de scellés qui ne cessent de s'accroître au sein du tribunal mais également dans les brigades et les commissariats, une masse considérable.
Enfin, « nous avons poursuivi notre travail d'accélération de la réponse pénale avec un objectif : assurer la présence à l'audience des auteurs pour exécuter les peines dans le prolongement direct de la décision judiciaire. » Pour les dossiers plus complexes, le délai de jugement reste insatisfaisant, et il faudrait des audiences supplémentaires, or le parquet du TGI de Chalon qui était enfin complet en septembre ne l’est à nouveau plus, l’un des substituts vient de le quitter pour une autre affectation.

 
Les hospitalisations psychiatriques
sans consentement en nette augmentation


Du côté du siège, Catherine Grosjean rappelle que deux postes de juges restent vacants…et que l’activité correctionnelle doit se conjuguer avec celle de la cour d’assises. La présidente du TGI relève que le ressort de Chalon connaît une augmentation des hospitalisations psychiatriques sans consentement, « il est indispensable d’analyser avec les professionnels de la santé les causes de cette augmentation qu’on ne retrouve pas au plan national ».
« Justice et psychiatrie », ce sera justement le prochain thème du conseil de juridiction, initié par la loi sur la justice du 21ème siècle. Catherine Grosjean souligne le succès du mode amiable en matière de médiation familiale, ainsi qu’en matière civile, et rend hommage aux conciliateurs de justice, « ces faiseurs de paix » disait Voltaire, ainsi qu’à un personnel invisible mais sans lequel, à l’instar du greffe, rien ne tournerait : les fonctionnaires de l’aide juridictionnelle, des scellés, de la régie et des frais de justice du tribunal.

L’Accompagnement Individualisé Renforcé (AIR)
ou une nouvelle réponse judiciaire


« Contrairement aux idées reçues, les magistrats incarcèrent beaucoup, l'actuelle surpopulation carcérale en est d'ailleurs la démonstration. (…) Les magistrats sont responsables, et donc ils incarcèrent pour des durées qui ne cessent de s'accroître comme en témoigne une récente étude de démographie pénitentiaire.
Ils le font régulièrement avec une conscience aigüe des limites de l'efficacité de leur décision. Les problématiques de fond du condamné n'étant pas réglées, l'allongement des peines ne fait que déplacer le problème, puisque l'auteur finira immanquablement par retrouver la liberté, et nous mesurons tous que le parcours délinquant d'un multi-récidiviste peut s'étaler sur plusieurs dizaines d'années.
Il est désormais impératif de repenser nos réponses judiciaires et plus précisément, si nous voulons maîtriser le périmètre de notre détention, refonder en profondeur la prise en charge des condamnés en milieu libre, pour lui donner un contenu qui prévienne efficacement le risque de récidive. »
Damien Savarzeix, chef du parquet de Chalon, présente ainsi ce qui a fondé l’élaboration d’un nouveau dispositif que se partageront les deux juridictions de Saône-et-Loire (2/3 pour le TGI de Chalon, 1/3 pour le TGI de Mâcon). Projet « résolument partenarial » puisque participent à son financement les grandes collectivités territoriales du département, la préfecture et la justice, il sera mis en œuvre par l’association Enquête et médiation (AEM), le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), les deux juridictions et le centre pénitentiaire de Varennes.

L'idée est d'intervenir sur tous les plans


Le public ciblé : des personnes multi-récidivistes sans pathologie psychiatrique lourde. Cela concernerait idéalement 160 personnes par an en Saône-et-Loire. Le principe : un accompagnement individuel et social renforcé sur une période de 6 mois (renouvelable 1 fois).
L’idée est d’intervenir sur tous les plans (logement, insertion familiale, sociale, professionnelle) avec une attention particulière à l’injonction de soins. Les multi-récidivistes représentent environ 40% des personnes qui comparaissent devant les tribunaux correctionnels, or « l'emprisonnement ne conduit de fait à aucune évolution de la plupart des auteurs parce qu'ils présentent le plus souvent une multiplicité de problématiques personnelles :
addiction à l'alcool, au stupéfiants, désocialisation, programmation à la violence résultant d'une histoire familiale..: autant de facteurs qui contribuent à déterminer leur comportement, et que la détention ne traite pas », et, « notre service pénitentiaire d'insertion et de probation, qui mesure pleinement ces enjeux et s'attache à développer des approches novatrices, ne dispose pas des moyens suffisants pour assurer un suivi de cette intensité. »
Faute de moyens, on trouve donc d’autres moyens, via l’AEM en l’occurrence, pour une expérimentation engagée sur 3 ans.  Le dispositif prévoit « une information continue des victimes, qui doivent être rassurées quant à la réalité de l'action judiciaire », il offre un coût « maîtrisé » : 260 000 euros pour une prise en charge de 160 personnes (à titre de comparaison, le procureur précise qu’une journée de détention coûte 300 euros par jour et par personne). Ce dispositif est aujourd'hui financé à 80%, les maires de Chalon-sur-Saône, de Montceau-les-Mines, du Creusot et d’Autun ont répondu favorablement pour le ressort du TGI de Chalon, et on attend la réponse finale de l'administration pénitentiaire.
Rendez-vous est donné dans un mois pour la signature de la convention fondant ce dispositif innovant qui veut espérer, à l’instar de Damien Savarzeix : « si la froide recherche d'efficacité pouvait conduire à l'humanisme ? », ou comment sortir l’idéologie de l’efficience du domaine managérial en lui donnant ce dont elle a besoin pour avoir du sens et en donner : des moyens, tout particulièrement humains.

FSA