Chalon sur Saône

TRIBUNAL DE CHALON - Regarder le palais de justice autrement, poser sur lui des yeux un peu informés

TRIBUNAL DE CHALON - Regarder le palais de justice autrement, poser sur lui des yeux un peu informés

Cela donne à l’institution une autre texture. Le ressort du tribunal de Chalon-sur-Saône couvre plus de la moitié du département, de la Bresse à l’Autunois, cela concerne pas loin de 350 000 personnes, et tous les aspects juridiques de leurs vies, leurs états civils, leurs vies professionnelles, leurs mariages, leurs divorces, la mise sous tutelle ou les problèmes de surendettement, les infractions relevant du tribunal de police, les mesures concernant les enfants. La liste n’est pas infinie mais immensément longue.

A l’occasion des journées du patrimoine, le palais de justice a ouvert ses portes, le samedi. Visites guidées, accrochage d’une exposition toujours visible, et reconstitution d’un procès historique : celui de l’avocat dont la rue du palais porte le nom, Emiland Menand. D’abord la façade : remarquez ces colonnes massives et austères, remarquez leur hauteur et celle de la grande porte. Inspiration antique : les temples. Pourquoi ?
La prison, définitivement délaissée lors de l’ouverture du centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand, fut déconstruite au profit de l’extension du palais, mais son empreinte est conservée. A gauche de la façade, au fond de la cour, un pan de son mur. Ailleurs, les pierres de Buxy, rosées.

Vous entrez : le hall des pas perdus est majestueux lui aussi, voire écrasant. Les architectes ont fait  le choix de l’ouvrir sur la lumière du jour et sur un jardin. Vous longez le couloir face à vous, vous arrivez dans un autre hall, celui de la coupole, celle de l’ancienne prison. A vos pieds, une rosace : c’est la trappe qui servait de puit de jour aux gardiens des condamnés à mort, dont la cellule était enterrée. Marie-Annick Fargex, guide conférencière au service patrimoine de la ville de Chalon, et maître Hopgood, avocat féru d’histoire, racontent des temps passés mais pas si lointains, contrairement à ce qu’on pourrait croire, où les peines de prison n’existaient pas. On enfermait les gens avant leurs jugements, et les peines étaient variées, de la torture au châtiment, puis à la déportation, dans des colonies, dans des bagnes.

La prison en tant que peine ne date que de 1791. L’ancienne prison de Chalon fut une des premières prisons cellulaires du pays. Il y avait aussi une petite prison au Châtelet, l’impasse de l’ancienne prison en témoigne, ses locaux sont désormais de jolis appartements et un des locataires assure que les murs n’en sont pas hantés. Et pourtant ils ont dû en entendre, des cris et des plaintes. Des colères sans doute également. Des larmes.

La visite prenait fin en salle d’audience correctionnelle, mise en scène avec tous ses acteurs. Maître Ravat-Sandre, bâtonnier, Catherine Grosjean, juge et présidente du TGI, Damien Savarzeix, procureur de la République, et une greffière (sans greffe, pas de justice possible) y expliquent « comment ça marche » et pourquoi ce n’est pas comme dans les séries américaines.

Nos vies entières sont réglées par le droit, qu’on le veuille ou non. S’intéresser au palais de justice, à son histoire, à ce qu’il est, à ce qu’il devient, et à ses activités, c’est se pencher sur un des piliers de nos vies.

Florence Saint-Arroman