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Info-chalon.com a lu pour vous "Socrate de Montceau les Mines"...où l'année particulière d'un jeune prof de philo

Info-chalon.com  a lu pour vous "Socrate de Montceau les Mines"...où l'année particulière d'un jeune prof de philo

C’est le premier roman d’un professeur de philosophie qui aime faire le clown sur scène et donner à sa discipline des habits de lumière.  Le roman est écrit à la deuxième personne, le narrateur se tutoie ou se vouvoie au fil des chapitres qui correspondent aux mois de l’année scolaire. Le héros s’interpelle sans arrêt, alternant récits de son quotidien de jeune prof parisien muté en province pour l’année scolaire 2001-2002 et digressions philosophiques non dépourvues de références sérieuses.

Le héros est sur le fil : le fil de sa vie, de sa raison aussi. L’une et l’autre vont basculer au gré des rencontres, imaginées ou réelles et de ses  ressentis. Car, il a fort à faire, avant, pendant et après deux aller-retours en TGV Paris-Le Creusot. Découvrir Montceau-les-Mines pour un parisien intello, qu’on imagine au rythme des longues phrases parsemées de virgules déclamer ses soliloques comme un Fabrice Lucchini égaré entre rives de la Bourbince et Bois du Verne, cela reste une épreuve : « Montceau t’a plu tout de suite, à grosses gouttes…Tu souriais et tu as juste pensé : « Nous y voilà » avec une solennité semblable à celle du condamné à mort qui se dit au pied de l’échafaud : « Voilà une journée qui commence mal ». »

Car, il faut bien l’écrire au risque de désespérer et de rendre colériques les Montcelliens, l’année du prof va peu à peu sombrer dans la malédiction. Aussi bien sur le plan privé que professionnel. Montceau devient, bien malgré elle, le théâtre de sa déchéance, l’endroit où tout se délite. Jeune mari plutôt infidèle, le héros socratique craque pour une beauté théâtrale locale, voit l’une de ses élèves happée par la malédiction des disparues de l’A6, une autre incarner le débat sur le voile à l’école.

Tout cela n’est jamais ni très sérieux, ni très vrai et décrit un univers aussi bien observé que fantasmé. Un univers peu épargné par l’ironie grinçante de l’écrivain : des casiers de la salle des profs, aux collègues syndiqués, en passant par la description du centre-ville ou de la zone commerciale, personne ne sort indemne de sa moquerie douce. Le narrateur est déterminé, au début, à faire de la philosophie le centre de sa vie, une mission sacrée et impossible. Il se livre régulièrement à des questionnements sans fin, se fait régulièrement émoustiller par la gent féminine, ce qui génère quelques longueurs dans le roman.

Yves Cusset a le sens de la formule qui claque et fait mouche : « Dans la salle des profs on est tranquille, l’ennemi reste dehors » ou « La République est en danger, on baisera plus tard ». On aborde l’élection présidentielle de 2002, la difficulté d’être (ou de n’être pas) soi, l’inéluctabilité des choses qui se mettent en place sans espoir de retour. Yves Cusset, qui a l’habitude de philosopher sur scène se moque autant du narcissisme de son personnage qu’il y enferme le lecteur. Un premier roman plaisant à lire.

 

Extraits

 

« Montceau les Mines me replonge dans les villes que je construisais de toute pièces dans l’espace de ma chambre d’enfant pour y loger mes playmobil »

 

Le proviseur du lycée Henri-Parriat, le jour de la rentrée, au jeune prof : « C’est  vous qui avez les TS3. Eh bien, je vous souhaite bien du plaisir. Faire de la philosophie avec les TS3, autant faire courir le 100 m haie à des culs de jatte ». Tel est son message de bienvenue. (…) Et bien moi, je les aime déjà mes chers culs-de-jatte, moi, mes TS3 à moi tout seul je vais les accompagner, les encourager, les protéger, ils n‘auront besoin que du respect d’eux-mêmes pour franchir les barrières que l’initiation à la philosophie, avec la complicité de toute l’institution scolaire dresse sur leur chemin. »

 

« L’enseignement est un sacerdoce et la philosophie un sacrilège. Et voilà le résultat sacrilège de cet entretien. Nolwenn qui vient afficher en pleine nuit son mal de vivre sur l’écran de mon portable, au fond d’une douce nuit baignée de sommeil tout conjugal »

 

« Socrate de Montceau-les-Mines » d’Yves Cusset. Editions François Bourin, collection Mélanges. 14 €.

Florence GENESTIER