Faits divers

Tribunal correctionnel de Chalon - 
Quand deux clans se font la guerre, les protagonistes se retrouvent devant la justice

Tribunal correctionnel de Chalon - 
Quand deux clans se font la guerre, les protagonistes se retrouvent devant la justice

Depuis plusieurs années deux clans habitant Autun et sa région se font la guerre, sans que l'on sache vraiment pourquoi et que les membres de ces familles d'origine maghrébine puissent vraiment l'expliquer. A longueur de semaines, les plaintes succèdent aux incidents, les incidents succèdent aux plaintes, avec régulièrement des passages devant la justice et parfois des séjours en prison. Par la voix de sa représentante Caroline Mollier, qui siégeait lundi dans le cadre d'une audience du tribunal correctionnel de Chalon, le parquet a exprimé ses craintes qu'un jour cela se termine mal et que les protagonistes se retrouvent dans l'enceinte d'une juridiction criminelle.
Lundi les trois frères Zidane, à savoir Anis, 31 ans, Hadel, 39 ans, Slim, 44 ans, et leur neveu Karim Thabet, 30 ans, étaient jugés en comparution immédiate pour avoir frappé violemment un membre du clan adverse, la famille Gmiza-Bahri, et un de ses copains. Les faits s'étant déroulés dans l'après-midi du 9 octobre 2014 dans une rue du centre d'Autun. A l'issue d'une convaincante plaidoirie de leur défenseur, Me Damien Varlet, seul Anis Zidane, qui a reconnu avoir donné des coups de poing, alors qu'il était en état d'ébriété, a été condamné et a écopé de 10 mois de prison, dont 4 mois avec sursis, assorti d'une mise à l'épreuve de 2 ans, avec obligation de travailler, de se soigner, d'indemniser les victimes et interdiction de les rencontrer. L'affaire étant renvoyée sur intérêts civils au 11 décembre 2014. Le parquet, craignant que des membres des deux clans profitent du procès pour régler leurs comptes, avait ordonné la présence de moult forces de l'ordre à l'intérieur du Palais de Justice de Chalon, et plus particulièrement dans la salle d'audience, et c'est sous escorte policière que les frères Zidane et leur neveu ont quitté les lieux.
Finalement on ne saura jamais ce qui s'est vraiment passé ce 9 octobre 2014. Comme l'a fait remarquer Me Varlet c'est la parole des uns contre la parole des autres. Le substitut Mollier déplorant qu'il n'y ait aucun témoignage d'un tiers. « Personne ne veut témoigner par peur de représailles de l'une ou de l'autre famille ». Ce qui est certain, c'est qu'en début de soirée un membre  de la famille Gmiza est venu déposer plainte à la gendarmerie d'Autun, signalant que, quelques heures plus tôt, à un feu rouge, lui et son copain Mehdi avaient été agressés par les frères Zidane et leur neveu, qu'ils avaient été passés à tabac, qu'ils avaient notamment reçu des coups de barre de fer et avaient même été blessés par un taser, et que lui avait essuyé  un coup de crosse de pistolet derrière la tête. La bagarre ne s’étant arrêtée qu’à la suite de l’intervention d’un oncle et d’une tante de la victime. Une version des faits qui a été contestée par Hadel et Slim Zidane et par Karim Thabet, lesquels ont déclaré qu'ils n'avaient rien fait. Slim Zidane n'oubliant pas de mentionner qu'il avait lui-même appelé les gendarmes. Pour sa part Anis Zidane a expliqué que ce jour-là il avait pas mal bu de bières et qu'alcool aidant il avait coursé la voiture des deux victimes, qui l’auraient provoqué, et qu'effectivement il avait donné des coups de poing, mais que la bagarre avait duré à peine trois-quatre minutes. 

Le contentieux entre les deux clans semble important. A la barre Karim Thabet a fait remarquer « Ils se font manipuler par un oncle qui m’en veut. Je suis sa tête de turc ». Et un des frères Zidane d’ajouter « En fait, je crois qu’ils font ça par jalousie. On a tous un travail, une famille, une maison ». Karim Thabet reprenant la parole. « Ils ont réussi à déstabiliser notre famille. Je suis prêt à quitter Autun, s’il le faut ».
Interrogé en qualité de partie civile par le président Laurent Marcel, le jeune Gmiza a fait observer « Je me suis fait tabasser par quatre pères de famille. Je ne dors plus, je fais des cauchemars, j’ai des douleurs partout ». Lors du dépôt de plainte, la victime et son ami ont présenté chacun aux gendarmes un certificat médical faisant apparaître des jours d'ITT. Cinq pour le premier, trois pour le second. « Quand on regarde les photos, il n’y a pas de traces de coups violents. Il n’y a pas d’hématomes derrière la tête. Est-ce qu’il n’y a pas des exagérations dans vos déclarations » a questionné le président Marcel, visiblement sceptique, et qui a souligné qu’on manquait de témoignages et qu’il n’y avait guère d’éléments dans ce dossier. 

Me Damien Varlet est allé beaucoup plus loin. « Depuis que je plaide je n'ai jamais vu un dossier aussi vide pour des réquisitions aussi sévères. C'est la confusion la plus totale. Moi j'attends toujours les preuves. Les déclarations des deux victimes ne sont pas concordantes ». Et de dénoncer la position du ministère public. « On ne sait pas qui a fait quoi, mais je maintiens mes poursuites... Ils ont un casier judiciaire, donc on les condamne, avec même pour certains un mandat de dépôt ». L'avocat autunois n'a pas non plus manqué de rappeler qu'alors que ses clients étaient en garde à vue, leurs familles avaient fait l'objet de menaces de la part de la partie adverse. Après avoir sollicité la relaxe pour les trois autres prévenus, Me Varlet a également noté concernant Anis Zidane « La peine n'est pas adaptée. Il a dit qu'il était alcoolisé et on n'a même pas demandé une obligation de soins ».

Auparavant le substitut Caroline Mollier avait en effet réclamé le mandat de dépôt pour Anis Zidane et Karim Thabet, afin d'éviter la réitération de faits similaires dans un avenir proche. Ayant requis à l'encontre de Slim Zidane 4 mois de prison avec sursis, d'Hadel Zidane 6 mois de prison, dont 3 mois avec sursis, d'Anis Zidane 10 mois de prison, dont 4 mois avec sursis, et enfin de Karim Thabet 12 mois de prison, dont 2 mois avec sursis. S'adressant au Tribunal la magistrate du parquet, ayant souligné que les quatre mis en cause avaient un casier judiciaire pour violences, avait confié « Votre décision doit être sévère. Il faut que ça s'arrête, parce qu'on en a tous marre, même les deux clans ». 

Gabriel-Henri THEULOT