Côte chalonnnaise

La Maison Chanzy de Bouzeron veut séduire les investisseurs à la City à Londres

La Maison Chanzy de Bouzeron veut séduire les investisseurs à la City à Londres

Une première française qui se veut gagnante. «On compte lever entre 2,5 et 5 millions d’€»

Rachetée en 2012 par un fonds d’investissement parisien (Olma Fund), la Maison Chanzy s’apprête à faire son introduction à la bourse de Londres. Son objectif, trouver de nouveaux financements pour développer l’activité négoce et pour se porter acquéreur de nouvelles parcelles. En étoffant ainsi sa gamme de vins, la Maison Chanzy veut se positionner comme une marque « de luxe » avec la signature de Jean-Baptiste Jessiaume, jeune vinificateur talentueux.
Jean-Baptiste Jessiaume n’a que 25 ans mais le nouveau directeur général du Domaine Chanzy à la vigne dans le sang. Il est le digne représentant de sa famille viticole, installée précédemment à Santenay depuis 1830 et cinq générations. « J’ai grandi dans le domaine et dans les vignes avec mon père », se souvient-il. Son père lui demandera d’ailleurs de faire ses armes dans les vignes du domaine familial à Santenay, où il arpentera la Côte de Beaune de long en large pour connaître « et pouvoir parler » de tous ses terroirs. Mais, « j’ai toujours été passionné par l’œnologie ». La preuve, il a reçu le trophée du Jeune talent de Bourgogne en 2012, prix décerné par le Groupement des jeunes professionnels du vin (GJPV).

Philosophie familiale

C’est donc sa signature et sa « philosophie familiale » qu’il insuffle désormais à la tête de la Maison Chanzy. Cette dernière compte 17 employés, répartis dans les vignes, le chai, les bureaux et le magasin à Beaune.
En arrivant il y a un an et demi, sa priorité fut de rénover le parc de fûts de chêne (20 % par an désormais) et refaire la cave qui abrite les blancs. Les grandes caves à rouges ont été nettoyées et réorganisées. Le Domaine Chanzy doit loger la production de 32 ha de vignes, largement réparties. Les appellations de la Côte Chalonnaise (Bouzeron, Rully, Mercurey) côtoient ainsi les vins de la Côte de Beaune (Santenay, Puligny…) ou celles de Nuits (Vosne-Romanée…). Avec l’activité négoce, après vinification et élevage, ce sont ainsi 37 appellations dans tous les niveaux d’AOC - dont dix Grands Crus - qui sont ainsi proposés.

« Equilibre » qualité/rendement

Un renouveau spectaculaire donc pour cette Maison qui avait besoin de retrouver sa confiance historique, suite à la décision du tribunal de Chalon en 2012 de la placer en redressement judiciaire.
Cette embellie se fait jour également dans les vignes, avec le travail de longue durée engagé par son oncle, Pascal. La vigne est conduite de façon raisonnée « avec une tendance bio », sans non plus chercher à tout prix la certification AB. Il s’agit d’« assurer la récolte » en cas de pression sanitaire trop forte. Sols labourés, faune respectée au maximum dans les vignes, désherbarge… « L’équilibre » qualité/rendement est partout recherché.
«  Nous sommes contents d’être ici avec des terroirs intéressants et notamment à Bouzeron et son aligoté de terroir. La Côte Chalonnaise a une belle carte à jouer. Les marchés sont porteurs », se réjouit déjà Jean-Baptiste Jessiaume.
Mozart berce les blancs
D’ailleurs, la récolte 2014 a été bonne en qualité. Le Domaine n’a pas « fait le plein » néanmoins. Ce millésime est toutefois plus « rassurant » économiquement, après les pertes en volume subies en 2012 et 2013.
Les fermentations malolactiques en blanc se terminent actuellement sur un fond(s) musical de Mozart, « pour essayer de gagner en qualité de fermentation », explique-t-il. « Ça ne peut pas faire de mal et c’est agréable pour les visiteurs », rajoute-t-il sur cette expérimentation de l’effet de certaines ondes et fréquences. En tout cas, c’est apaisant et anobli la cave. A côté, le calme règne. Dans la plus grande partie, les rouges - en fûts et en cuves inox - côtoient désormais quatre foudres ovales de 25 hectolitres chacun. Ils permettent pour l’heure d’élever en bois « sans trop marquer » la récolte des 12 ha de Bouzeron aligoté ou des 12 ha de pinots à Rully. Les rouges bénéficient tous de 10 jours de pré-fermentations à froid « pour aller chercher la couleur », suivis d’une vinification « traditionnelle ».

L’introduction en Bourse

« Lors du rachat, les investisseurs d’Olma Fund ont recherché des vignerons pour mettre à la tête une personnalité qui savait faire les vins et qui pourrait aussi apporter un portefeuille de Grands Crus qu’ils n’avaient pas », rappelle Jean-Baptsiste Jessiaume. Il a donc été choisi pour ses connaissances et son réseau professionnel familial en Côte de Beaune et de Nuits.
Car dans une dernière cave, on retrouve une partie des 80 pièces de vins achetées l’an dernier. Cette activité négoce est appelée à se développer avec en toile de fond l’idée de développer une marque « de luxe » avec une signature reconnue.
C’est la principale raison qui pousse aujourd’hui les « 6 amis franco-anglais » d’Olma Fund à tenter l’aventure sur la bourse de Londres. Ils avaient déjà réalisé une levée de fonds de 2 millions d’euro (300 investisseurs) sur la place de marché parisienne Alternativa tout en « injectant » 1,5 million d’euro en plus depuis la reprise. « Aujourd’hui, on compte lever entre 2,5  et 5 millions d’€ », espère Philippe der Megreditchian, qui a monté le dossier. 

Une première française à Londres

Prévue pour mi-janvier, cette introduction à la City serait historique. Il s’agirait de la première entreprise française cotée sur la place Londonienne. Le Sunday Times - 2e journal économique du pays – ou CNN lui ont déjà assuré une belle visibilité médiatique. En parallèle, les six associés organisent différents événements avec des financiers. Cette ouverture (entre 20 et 30 %) du capital de la SA (Société anonyme) s’adresse à une clientèle de particuliers anglais et peut-être quelques institutions. Le prix des actions sera certainement proche des prix pratiqués sur Alternativa (1,6 € l’action le 11 décembre 2014). Cette introduction en Bourse doit aussi permettre de « fidéliser » une clientèle « de passionnés de vins » qui aiment « boire et partager un petit bout de "leurs" vins coup de cœur ».
Cette hausse de capital doit aussi permettre au Domaine de se positionner pour racheter des vignes. « J’aime beaucoup Montagny », sourit Jean-Baptiste Jessiaume, qui n’en n’a pas encore dans sa carte.
Les investisseurs d’Olma Fund tiennent cependant à rassurer : « Nous venons du monde du luxe et nous voulons créer quelque chose de beau, de noble. Notre projet est un projet à moyen-long terme. Nous ne sommes pas de "vrais" financiers avec une sortie programmée », rassure Philippe der Megreditchian, non pas en guise de conclusion mais bel et bien en guise de renaissance.

Cédric Michelin
L'Exploitant Agricole de Saône et Loire