En ce moment à l’Axel de Chalon : « Les jardins du roi », d’Alan Rickman

Le deuxième long-métrage de l’acteur britannique Alan Rickman, « Les jardins du roi », est en ce moment à l’affiche, au cinéma Axel. Le sentiment d’Info-Chalon.

Pour tenir et tuer dans l’œuf toute nouvelle tentative de sédition de la part des Grands de son Royaume – les nobles de la Cour – qui, lors de la Fronde (1648 - 1953) [1], tandis qu’il était encore enfant, avait menacé dangereusement son autorité de futur Roi de France, Louis XIV avait – entre autre mesures – fait sortir de terre le château de Versailles, où il les a expédiés, forcés à résider et conduits à mendier ses grâces. Bref, il les a réduits à l’état de chien-chien attendant son su-sucre à l’heure où son maître prend le thé en compagnie de visiteurs ou de proches.

Aujourd’hui, pour avoir une idée plus précise de ce qu’il en est résulté de cette stratégie de mise au pas – une Cour globalement servile où tout le monde couche avec tout le monde au lieu de fomenter des coups de force contre le pouvoir ou d’intriguer contre le Souverain du Royaume -, on peut très utilement relire les Mémoires de Saint-Simon [2], chroniqueur féroce des turpitudes de ce cloaque où les protagonistes pétaient dans la soie, en attendant de se repoudrer la perruque ou encore d’assister au caca du Roi. L’exercice, la lecture de Saint-Simon, est de notre point de vue aussi plaisant qu’instructif. Par ailleurs, il a l’avantage non négligeable de nous rendre visible un phénomène récurrent au travers des siècles : le phénomène de Cour, c'est-à-dire cette tendance qu’ont tous les papillons du pouvoir, quel que ce soit la nature de ce dernier, à flatter celle ou celui à qui ils doivent leur ridicule existence de courtisans, c'est-à-dire d’êtres sans épaisseur, que l’histoire a tôt fait de renvoyer là d’où ils n’auraient jamais du sortir : le néant.

Après, il est possible que plusieurs de nos lecteurs n’aient guère d’atomes crochus avec l’œuvre de Saint-Simon, un peu aride il est vrai. Ils peuvent néanmoins, si le cœur leur en dit, consulter à très bon escient l’incontournable biographie de Louis XIV [3], rédigée par celui qui en est l’un des meilleurs spécialistes : Jean-Christian Petitfils.  Ils peuvent, enfin, aller voir Les jardins du roi, [4] du réalisateur Alan Rickman, en ce moment à l’Axel.

Bien que la critique ait cru bon de l’assassiner sans ménagement dès sa sortie, en raison des eaux romantiques dans lesquelles fraient les deux protagonistes de ce long-métrage – André Le Nôtre et Sabine de Barra –, une « histoire purement inventée » [5] déplorée par certains tandis que d’autres la qualifiaient d’ « histoire d’amour banale et ennuyeuse » [6], Alan Rickman réalise une satire plutôt réussie de la cour du Roi-Soleil, ce panier de crabes dont on parlait plus haut, avec laquelle la roturière du film – Sabine de Barra – doit composer. Ce qui n’est d’ailleurs pas sans jeter une lumière assez crue sur le rôle de potiches dévolu aux femmes à l’époque.

Quant à Alan Rickman, qui incarne Louis XIV dans le film, son interprétation de celui qui fut sans doute le plus grand monarque de France avant Charles de Gaulle, « monarque républicain » comme l’ont à juste titre qualifié certains universitaires [7], ne manque pas d’intérêt, loin s’en faut.

A voir, ne serait-ce que pour s’assurer que ce long-métrage méritait autant de litres de vitriol qu’il en a reçus au moment de sa sortie mercredi dernier.

S.P.A.B.

[1] Sur cette période, les Mémoires du Cardinal de Retz (Gallimard, coll. « Folio classique », édition dérivée de La Pléiade, (1984) 2003, 1245 p) constituent un précieux témoignage.

[2] Saint-Simon, Mémoires, Gallimard, coll. « Folio classique », édition dérivée de celle de La Pléiade, 1990.

[3] Jean-Christian Petitfils, Louis XIV, Perrin, (1995) 1997, 775 p

[4] 2015. Durée : 1 h 57

Bande-annonce :

http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19551118&cfilm=217719.html

[5]Alain Grasset, Le Parisien, 6.5.2015

[6] Jeanne Ferney, La Croix, 6.5.2015

[7 Notamment Maurice Duverger. Sur ce point : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342x_1974_num_39_2_1826_t1_0245_0000_1