Cinéma
Poursuivez demain dès aujourd’hui avec le petit dernier des Studios Disney
Publié le 25 Mai 2015 à 11h09
Attendu par les aficionados du monde merveilleux de Disney, A la poursuite de demain, le petit dernier des Studios fondés par le père de Mickey Mouse, est en ce moment à l’affiche du cinéma Nef. Le sentiment de notre féministe de service, Adèle Pantre.
Pour certains, A la poursuite de demain [1], à l’affiche du cinéma Nef depuis mercredi dernier, se veut surtout « un hommage au caractère visionnaire et avant-gardiste du fondateur des studios Disney, avec toutes les valeurs (même un peu naïves et bien-pensantes) qu’ils véhiculent » [2]. Admettons… Admettons-le d’autant plus aisément que ce n’est pas cela qui importe avec ce film mais plutôt que, pour ma part, j’ai surtout eu l’impression, en le voyant, qu’il s’agissait d’un film féministe.
Un film féministe, le petit dernier des studios Disney ? Le moins que l’on puisse en dire est tout de même que, pour un film d’aventures, productions habituellement prisées « des hommes qui en ont », celui-ci sort assez nettement des sentiers battus.
Par exemple, le héros n’est pas un héros mais…une héroïne : Casey. Une adolescente aussi débrouillarde et efficace que MacGiver quand il s’agit de bidouiller des machins habituellement maniés par des Geeks. Une adolescente « rebelle et entêtée » [2], repérée pour « réparer le monde » par un androïde à la morphologie de petite fille sage mais agile comme un ninja, rompue au maniement d’armes létales et douée d’une force de Terminator.
Vous l’aurez sans doute compris, rien qu’avec cela, on est loin du schéma classique du film d’aventure à la Indiana Jones ou à la Star Wars, dans lesquels ce sont les mecs qui donnent du fil à retordre aux « méchants », éventuellement avec le concours de figures féminines sans grande envergure, tombant vite dans les oubliettes de l’histoire (du cinéma).
Certes, durant tout le temps que dure A la poursuite de demain, le spectateur côtoie bien durant « un homme, un vrai », fantasme assumé de nombreuses femmes en quête d’un mâle au charme ravageur – George Clooney. Mais celui-ci n’est jamais, dans ce film, qu’un symbole, plus exactement le vestige d’une époque que l’on espère révolue, celle où seuls les hommes faisaient avancer le monde, lui imprimaient leur tempo. Non pas parce qu’ils étaient seuls en mesure de le faire, mais parce que, ayant longtemps réussi à maintenir les femmes dans l’ignorance et la gestion domestique de leurs foyers, ils avaient pris, en la matière, un net avantage sur ces dernières.
Autrement dit, si A la poursuite de demain ne devait pas en tant que tel être qualifié de film féministe, celui-ci en a-t-il l’étoffe. Dans tous les cas, il tend à confirmer une certaine tendance, encore illustrée récemment par le quatrième volet de la saga Mad Max, film justement qualifié de « féministe » par Jérôme Leroy [3] : cette tendance actuelle du cinéma et des séries télé [4] à faire de la place aux femmes et, surtout, à ne plus les envisager comme des faire-valoir de héros masculins, plus ou moins cruches. A ce propos, on mesure le chemin parcouru par les Studios Disney depuis le premier long-métrage d’animation de leur fondateur : Blanche-Neige et les sept nains (1937). Fini, désormais, la figure de la femme un peu fleur bleue qui éprouve spontanément le besoin de curer le bouge où vivent sept nains dégueulasses, avant de se marier et de se faire engrosser par un prince, aussi charmant soit-il. Dorénavant, les femmes, chez Disney, sabotent des installations de la NASA. Elles ne rêvent pas forcément de trouver l’homme de leur vie pour s’occuper des gosses que ce dernier se sera empressé de leur faire et de leur laisser langer, mais plutôt de changer le monde. Elles existent et désirent pour elles-mêmes.
Ceci remarqué, A la poursuite de demain mérite-t-il vraiment un détour par la case du cinéma Nef ? Si l’on s’en tenait uniquement au scénario, qui ne donne pas de migraine à un adulte, on pourrait probablement hésiter quelques instants avant de répondre par l’affirmative. Néanmoins, on se laisse facilement happer par l’histoire de cette adolescente refusant de baisser les bras face à l’adversité et à la sinistrose ambiante, au point d’incarner par moments ce joli conseil de l’écrivain Francis Scott Fitzgerald, selon lequel « il faudrait comprendre que les choses sont sans espoir et être pourtant décidé à les changer » [5]. La niaque de Casey, son insolence polissonne sont « un peu d’air frais », pour reprendre le titre d’un roman malheureusement peu connu de George Orwell [6]. Une invitation à repenser les rapports entre les femmes et les hommes dans le monde de demain. Et puis, surtout, son exemple étant de nature à donner aux jeunes filles l’envie de vivre et de lutter pour devenir ce qu’elles sont et s’imposer face aux hommes, il n’y a pas franchement de raison de priver ces dernières d’un film les incitant à se battre pour exister dans un monde encore trop masculin. En effet, les aventures de Casey valent celles de ces contes que je lis à ma fille, où les dragons sont désormais pourchassés par des…princesses [7].
A voir et faire voir sans modération donc. Aux petites filles, comme aux petits garçons.
Adèle PANTRE
[1] 2015. Durée : 2 h 10
Bande-annonce :
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19552958&cfilm=195031.html
[2] Journal du dimanche, 17 mai 2015, p 28
[3] Voir son billet sur Causeur.fr : http://www.causeur.fr/mad-max-charlize-theron-32868.html
[4] Voir, notamment, l’excellent article du Monde sur ce sujet : http://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2015/04/18/les-femmes-jouent-les-premiers-roles_4618473_1655027.html, ainsi que cet article des Inrockuptibles : http://www.lesinrocks.com/2012/09/29/cinema/femmes-series-libres-11307882/
[5] Francis Scott Fitzgerald, Gatbsy le magnifique, Le Livre de poche, (1925) 1976, 250 p
[6] George Orwell, Un peu d’air frais, 10/18, (1939) 1999, 308 p
[Robert Munsch, La princesse et le dragon, Editions Talents Hauts, 2005 ; http://www.talentshauts.fr/?p=catalogue8-1&book=1
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