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Info-chalon.com a lu pour vous « Hors des sentiers battus- Chronique d'une vie politique 1962-2012 » de Jean-Pierre Soisson.

Info-chalon.com a lu pour vous « Hors des sentiers battus- Chronique d'une vie politique 1962-2012 » de Jean-Pierre Soisson.

Trois cents pages. Les souvenirs politiques de Jean-Pierre Soisson tiennent en trois cents pages, écrites, matin apres matin, à la main, au stylo plume. Député de l'Yonne de 1968 à 2012, maire d'Auxerre trente années, ministre douze ans avec cette particularité d'avoir oeuvré aussi bien pour Valery Giscard d'Estaing que pour François Mitterrand, président du conseil régional après deux élections mouvementées. L'occasion pour info-chalon.com de parcourir avec plaisir cinquante ans de vie politique en Bourgogne et et en France.

Jean-Pierre Soisson nous parle d'un temps,que comme le chanterait Aznavour, les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Les mémoires de Jean-Pierre Soisson, 80 ans sonnés, débutent en Algérie, pendant la guerre d'indépendance. Le jeune Jean-Pierre rêve de devenir préfet. Pour l'instant, en 1957 il est mobilisé sur cette terre encore française comme beaucoup de jeunes gens de sa génération, nés dans les années trente. Et pour l'instant, ce 20 novembre 1957, « la harka » - troupe de harkis, des soldats algériens qui ont choisi l'armée française – se révolte contre lui et attaque le camp qu'il dirige avec le FLN. Ce jour là, Jean-Pierre Soisson qui tient son rang d'officier de l'époque, dans un pays pas encore indépendant et considéré comme une province française, voit la mort de très près. Il a bien failli y passer. Tout ce qu'il vit ensuite, tous les jours d' après, sont un cadeau. C'est dans cet esprit-là qu'il raconte sa vie politique. D'Edgar Faure à Nicolas Sarkozy, de Valéry Giscard d'Estaing à Guillaume Larrivé, de Michel Rocard à Guy Roux, le patron de l'équipe de foot auxerroise de 1961 à 2005. Témoin d'une époque qui n'existe plus.

Ses premiers pas d'élu, il les fait sous Georges Pompidou, à l'Assemblée nationale. Léopold Sedar Senghor lui suggère d'être candidat et voilà le conseiller de la Cour des Comptes parti à l'assaut d'Auxerre, face à Louis Périllier, un candidat qui reçoit le soutien d'un certain François Mitterrand qui le bat en 1967 et qu'il bat en 1968. Dès lors, il ne bougera pas de l'assemblée pendant quarante ans, sauf pour devenir ministre, sous la droite comme sous la gauche. L'époque d'avant cumul.

Les mémoires de cette figure bourguignonne sont plaisantes à lire, les anecdotes nombreuses, le style clair et élégant. Un peu suranné, parfois. Il réussit à se raconter en tant qu'homme public, amateur de belles lettres, témoin survivant. Sans jamais faire d'allusion trop marquée à sa vie privée. Nous sommes loin du buzz et de la presse people. Jean-Pierre Soisson a pris son temps, marqué le pas pour raconter ses souvenirs politiques et politiciens. L'intelligence de son regard porté sur ses contemporains en politique ne manque ni de sel, ni de lucidité, ni d'humour. Quarante années d'une vie politique bien remplie, qui ressuscitent des figures atypiques et disparues, et ne ménagent guère les modernes. En pure courtoisie, un pas de côté.

Florence Genestier

Jean-Pierre Soisson « Hors des sentiers battus – Chronique d'une vie politique 1962-2012 » Editions de Fallois.22€.

EXTRAITS

« Les Français qui avaient vingt ans en 1954-56 et qui ont fait l'Algérie ont été confrontés à la guerre et à la violence. Cette violence, jamais ils ne l'ont oubliée. Elle a marqué leur vie. Ils ont été envoyés dans un pays lointain, sans que les gouvernements successifs leur aient expliqué le sens de leur mission, de leur combat. Quand ils sont rentrés, ils se sont tus »

« Le 30 juin, je suis élu député contre Louis Périllier. Les résultats face à 1967 sont très exactement inversés. C'est ma première élection au suffrage universel. Je serai réélu neuf fois. Je siègerai à l'assemblée nationale de 1968 à 2012. »

« Raymond Barre , dans mon souvenir m'apparaît proche de Georges Pompidou. Tous deux sont arrivés au sommet sans être élus et ils étaient souvent malhabiles dans leurs rapports avec l'Assemblée nationale. Mais tous deux avaient la même foi en la France, ils étaient profondément attachés à ses valeurs. Pompidou l'Auvergnat, plus paysan, Barre le Réunionnais, plus sensible au vent du large, tous deux ne concevant pas une France protectionniste, repliée sur elle-même apeurée »

« Le dernier conseil des ministres du gouvernement Bérégovoy se tient le mercredi 24 mars 1993, trois jours après le premier tour des élections législatives qui, effectivement, se sont traduitespar la déroute du Parti socialiste. François Mitterrand entame un long monologue :

  • Privé de vous , la semaine prochaine, je me sentirai un peu seul. Faut-il rester ou partir ? Certains rêvent que l'éxécution ait lieu assez vite. Mais je ne suis pas le roi au retour de Varennes ! Je resterai donc autant que je le pourrais, autant que maté me le permettra. D'ailleurs, à qui devrais-je remettre mon épée de général vaincu ? A M. Chirac, à M. Giscard d'Estaing, M. Bouygues o M. Poivre d'Arvor »

« C'est le mal qui guette notre pays. Par refus de la réalité, par lâcheté, les hommes politiques écartent les décisions courageuses, qui seraient nécessaires parce qu'ils les savent impopulaires. Ils courent ainsi à leur défaite en croyant l'éviter. »