Livres
Info-Chalon a lu pour vous « Le crépuscule de la démocratie », de Nicolas Grimaldi
Publié le 28 Juillet 2015 à 17h25
C’est l’été ! Le rythme de la société ralentit. Un moment idéal pour se reposer, souffler, prendre un peu de recul, lire, méditer. Pour vous aider dans cette entreprise, Adèle Pantre vous a concocté une petite sélection de livres qui, pas ou peu connus, méritent pourtant le détour, comme par exemple « Le crépuscule de la démocratie », de Nicolas Grimaldi.
Chaque année paraissent des milliers de livres et, parmi eux, certains, allez savoir pourquoi, ne connaissent pas le succès que, pourtant, ils méritent à n’en pas douter. Le crépuscule de la démocratie, de Nicolas Grimaldi [1], en est un criant exemple. Relativement court (moins de 160 pages), rédigé avec un style d’un extrême classicisme qui ravira tous ceux qui aiment la langue française telle qu’on ne l’écrit malheureusement plus assez, cet essai remarquable avait pourtant tout pour conquérir un public, du moins un certain public : la communauté de ceux qui, croyant encore à la politique, à la primauté de cette dernière sur l’économique, refusent de voir le monde se transformer en un immense hypermarché dans lequel déambulent, hébétés, des consommateurs qui n’ont plus d’humains que l’apparence. Mais, curieusement, ce public-ci n’a pas été au rendez-vous.
Bien évidemment, en publiant ces quelques lignes, Info-Chalon n’a nullement la prétention de réparer l’injustice faite à Nicolas Grimaldi. Juste celle d’attirer l’attention de quelques-uns de ses lecteurs sur un ouvrage qui, parlons net, mérite d’être lu, médité, relu, et médité encore. Pour quelles raisons ? En dehors de celles évoquées plus haut – concision, style clair et dépouillé de toute fioriture -, on peut probablement avancer celles qui suivent. Outre qu’il procède à une intelligente radioscopie – on n’ose employer le terme d’autopsie…- de nos sociétés démocratiques telles qu’elles ne fonctionnent plus, Nicolas Grimaldi nous fait part de précieuses réflexions sur ce qui, sous sa plume, semble être la cause première de la déliquescence regrettable du politique : la médiocrité des « représentants du peuple » et de ces structures qui les propulsent au premier plan et assurent leur (trop) longue carrière au service d’eux-mêmes : les partis politiques. Frappant.
Adèle PANTRE
[1] Nicolas Grimaldi, Le crépuscule de la démocratie, Grasset, 2014, 156 p
« Morceaux » choisis :
« La vie politique est […] devenue une sorte de noria. Aussi impatients que soient les principaux partis de parvenir au pouvoir, il ne leur faut à chaque fois qu’un peu de patience pour le retrouver. […] [Les partis sont] des sortes de clubs où s’inscrivent, dès qu’ils sont en âge de miser au casino, tous ceux qui se sentent à l’étroit dans le peu qu’ils paraissent, et aspirent par conséquent à occuper autant de charges publiques qu’ils en trouveront à leur portée. Comme pour n’importe quelle loterie, sans doute les billets ne sont pas tous gagnants, mais la première condition pour emporter la mise est d’avoir pris son billet. […] La noria électorale ne manquera pas de faire tourner la roue. […] Rien qui ressemble aux sentiments et aux émotions de la vie politique comme ceux d’un casino. Ici et là, en effet, on peut tout attendre de la chance. […] La chance est un autre nom de la fortune. Etant aveugle, la fortune n’a pas plus égard à la vertu qu’au talent. Elle laisse donc équitablement sa chance à tout le monde » (p 11-13)
« En se dévouant à la chose publique, comme ils disent, y en a-t-il un seul qui ne soit pas mû par le souci exclusif et obsédant de sa propre carrière et de ses intérêts ? » (p 40)
« Pour se protéger, chacun s’affilie à un groupe. Les concours qu’il en recevra seront à la mesure de ceux qu’il lui procurera. Ce principe élémentaire d’échange, chacun le connaît sans avoir eu à l’apprendre. » (pp 60-61)
« En quelque situation que ce soit, tout inconnu est suspect de bouleverser les équilibres habituels si on lui en laisse l’occasion. Autant par lâcheté que par prudence, on croira donc toujours se protéger de l’inconnu en lui préférant quelqu’un du clan. Et voilà comment, tout spontanément, sans que soient nécessaires ni concertation, ni conspiration, ni complot, aucun exceptionnel mérite ne saurait prévaloir contre la rassurante médiocrité de forts rassurants copinages. Aussi importe-t-il bien moins pour réussir à n’importe quelle époque et dans n’importe quelle société d’avoir un exceptionnel talent ou quelque singulière compétence, que de s’être insinué dans divers réseaux d’influence, de s’y être acquis des sympathies, d’y être devenu peu à peu familier à beaucoup et intimes à quelques-uns. C’est à quoi servent toutes sortes de cercles, de sectes et de clans, mais bien plus généralement encore tous ces établissements d’enseignement très privé où les familles les plus distinguées inscrivent leurs enfants pour leur éviter la promiscuité de fréquentations inutiles. Existent ainsi dans presque tous les pays du monde des écoles, des universités, des clubs où se retrouvent durant quelques années les enfants des classes privilégiées. Ni ces écoles, ni ces universités, ne disposent de professeurs si exceptionnels qu’elles puissent assurer à ceux qui les fréquentent aucun enseignement de très haut niveau. Aussi n’y sont-ils pas envoyés pour ce qu’ils y apprendront, mais pour les relations qu’ils s’y feront. Car c’est tout naturellement que les diverses sortes de camaraderie qu’ils auront eu l’occasion d’y nouer justifieront plus tard toutes sortes de connivences. » (pp 62-62)
« Le seul fait d’être élu suffit […] pour avoir aussitôt d’autres intérêts, d’autres préoccupations, d’autres motivations, que ceux qui vous ont élu. Aussi sincèrement qu’on pense les représenter, on ne les représente plus. Car c’est tout naturellement qu’un député du monde paysan appartient au monde des députés et n’a plus rien de paysan. » (p 98)
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