Chalon sur Saône

Tribunal correctionnel de Chalon - Les vignerons de Buxy relaxés

Tribunal correctionnel de Chalon  - Les vignerons de Buxy relaxés

C’est une affaire fleuve. Un fleuve d’hectolitres de crémant, de vin blanc et de vin rouge. Vendredi matin, plus d’un an après le premier procès, le tribunal examinait un nouvel aspect du dossier. Cette fois-ci la cave des vignerons de Buxy, l’ancien président et deux informaticiens comparaissaient. Les prévenus ont été relaxés. L'action fiscale des douanes est jugée recevable mais la demande du fait de la relaxe des trois prévenus est rejeté.

Drôle d’impression d’audience ce vendredi 6 novembre au tribunal de Chalon. Celle de voir se déliter, en direct, l’une après l’autre, les accusations reprochées aux prévenus… Si les prévenus se retrouvent à la barre cette fois-ci, c’est de la seule initiative des Douanes. Le parquet ne formule aucune réquisition à l’audience, ce qui est étonnant. Le ministère public, d’un air blasé, souligne qu’un accord sur cet aspect du dossier a été recherché avant de repasser par le prétoire. Cette fois-ci, trois hommes et une cave coopérative étaient cités pour « absence de déclaration conforme de raisins par producteur de vins » de janvier 1997 à décembre 2001. Le dossier est technique et compliqué. La direction nationale des douanes soupçonne une fraude généralisée, la Cave et son ancien président évoquent une erreur.

L’affaire a plus de quinze ans. Elle oppose la direction nationale  des Douanes à la Cave de Buxy, soupçonnée de fraude et de tromperie pour les années 1997, 1998 et 1999. L’enquête a été longue, l’instruction judiciaire ouverte en 2005. Un procès s’est déjà tenu l’an dernier à Chalon et cette première affaire repasse en appel bientôt. En juillet 2014, Gérard Maître, désormais retraité, l’ex-président de la cave de Buxy a été reconnu coupable de tromperie pour deux faits, concernant la production excessive de vins blancs et la pressurisation non conforme de crémant. Il a été relaxé pour le Passe-tout-grain. Il a alors été condamné à 3000 euros d’amende avec sursis et à verser des dommages et intérêts à l’INAO et à l’UFC-Que choisir, parties civiles. Ce vendredi matin, le tribunal se consacrait exclusivement au volet fiscal de l’affaire et à l’absence de déclaration de récolte.

Près de vingt ans après les faits, la législation et les règlements ont évolué comme la gestion des caves. Au départ de l’affaire, comme l’a souligné Me Gaëtan Di Marino, l’un des avocats de la défense, près de la totalité des coopérateurs de la cave « soit 216 personnes étaient cités à comparaître, certaines pour 3 litres de dépassement ! Là, il n’y en a plus que quatre. Vous ne pouvez pas leur faire supporter ce qui l’aurait été par 216 ! ».

Pour les Douanes, représentée par une cadre qui reprend le dossier au pied-levé et dépourvue d’avocate, la fraude est établie. « Les fausses déclarations de récoltes, les fraudes, sont intentionnelles. On ne peut pas les considérer comme involontaires. Il y a eu volonté d’optimiser les récoltes et de ne pas envoyer trop de raisins en distillation, une fois le plafond de rendement des parcelles AOC atteint. » A savoir, l’appellation AOC, en cas de dépassement du plafond de production par le producteur, ne peut plus être revendiquée pour la vente. Quant aux deux informaticiens ayant conçu le logiciel en place à l’époque à la Cave de Buxy, les Douanes leur reprochent d’avoir « conçu un programme qui a permis ces fraudes ». L’accusation cite à maintes reprises une condamnation des deux hommes dans une affaire similaire dans le Mâconnais et en déduit leur culpabilité dans cette affaire buxynoise. Or, s’ils ont été entendus pendant l’enquête mâconnaise, ils n’ont pas été condamnés pour autant… Une des fragilités, parmi d’autres, des accusations douanières évoquées pendant l’audience. « On ne leur a donné aucune instruction pour tripatouiller le logiciel. Ils faisaient de la maintenance, c’est tout » souligne Me Eve Muzin, du barreau d’Aix-en-Provence, l’avocate de la Cave. « Les douanes tentent de faire croire par des pirouettes que les coopérateurs ont fraudé sur 3 ans pour trois couleurs. Pour les blancs, où est l’intention frauduleuse ? Pour le Crémant, l’erreur a toujours été reconnue par M. Maistre.» Une relaxe générale des prévenus a été demandée.

« On ne sait pas sur quelle base la poursuite au pénal se fonde, déplore la présidente Therme au cours de l’audience, comme un reproche à peine voilé à l’administration douanière. On envoie des textes au tribunal et on lui dit « débrouillez-vous ». Sur quel texte raisonne-t-on ? ». C’est bien là toute la question, car la réponse de l’administration n’est pas claire. Les protagonistes font de louables efforts pour se souvenir quel texte de loi était effectivement applicable à la fin des années  quatre-vingt dix en matière de récolte. « Vous ne pouvez pas nous poursuivre en vous basant sur des textes qui datent de dix ans après les faits ! » lâche Me Di Marino. Voilà un des aspects complexes du dossier. De son côté, la Cave et son ancien président ont reconnu pour le Crémant une erreur de saisie et de calcul. A l’époque, l’apport quotidien des vendanges, certifié par des tickets délivré à chaque cargaison au vigneron, n’était pas exempt d’erreurs. Depuis, la Cave tient un registre des anomalies de livraisons. Reste qu’au pénal il est nécessaire de démontrer l’intention frauduleuse du prévenu pour obtenir condamnation. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le tribunal ne montrait pas de signe de conviction forte à l’issue de l’audience.  La défense jubilait sous toge.

Cela n’a pas empêché les douanes de réclamer, selon leur barême de calcul habituel, neuf millions d’euros de pénalités à la Cave de Buxy en se basant sur 3 M d’€ par année d’infraction. Le jugement vient de tomber ce vendredi matin. Les trois prévenus ont été relaxés par le tribunal. 

Florence Genestier