Bresse Chalonnaise

"Héron, héron", petit patapon...Quelle croissance exponentielle de l'opportuniste garde-boeufs, mes aïeux !

"Héron, héron", petit patapon...Quelle croissance exponentielle de l'opportuniste garde-boeufs, mes aïeux !

D’origine africaine, le héron garde-bœufs est de plus en plus présent sur le sol français. Commensal par nature, l’échassier tire profit du lien de subordination, consentement tacite avec les bêtes à cornes dans le Chalonnais, en Bresse chalonnaise par exemple, où il vit sa vie à demeure, étroitement dépendant des milieux humides favorables.

Pour l’animal à plumes, les bovins c’est vachement bon !

Certaines espèces animales voient leurs effectifs se stabiliser tant bien que mal, voire être tirés vers le bas. A l’inverse, d’autres se multiplient. C’est le cas du héron garde-bœufs, protégé, qui s’accoutume aux circonstances, climatiques notamment. « Il y a une belle héronnière (peuplée de colonies mixtes) à l’île Chaumette (Epervans), sur un site privé. Avec les hivers doux à répétition, il arrive à s’installer durablement. Au début des années 2010, une dizaine d’individus étaient comptabilisés. Au mois de novembre 2015, le nombre est monté à trois cents, et une bonne partie de décembre on a pu en recenser jusqu’à cent », confie Alexis Révillon, animateur&chargé d’études naturalistes à l’A.O.M.S.L. (Association Ornithologique et Mammalogique de Saône-et-Loire). A quoi passent-ils le plus clair de leur temps ? « La journée, les hérons repèrent les prés pâturés par des vaches, ils peuvent faire plusieurs kilomètres par jour. Les vaches vont forcer les insectes à bouger, d’où l’intérêt de l’oiseau de les accompagner. Ils mangent en hiver des micromammifères (des campagnols), et sont susceptibles de se nourrir de vers de terre. En 2011-2012 il y a eu une belle vague de froid, les hérons ont alors squatté les tas de fumier et les élevages de volailles afin de se mettre au chaud. Ils ne supportent pas le gel », indique Alexis.

+ 1700% en vingt-trois ans !

Le héron garde-bœufs a pour l’heure jeté son dévolu sur cinq sites dans le département, la première observation remontant à 1994. Il est ainsi loisible de le suivre par groupuscules interposés à La Charmée, Saint-Marcel, au bord de l’ex-nationale à Lux, mais aussi à Saint-Boil. En Bourgogne, outre la Saône-et-Loire, on ne l’identifie que dans la Nièvre (le Val de Loire), ce qui fait dire à Alexis Révillon « qu’il reste un bourguignon sudiste. » A l’échelle nationale, c’est l’explosion démographique dans toute sa splendeur : 2300 couples en 1994, 7250 en 2000, 14.130 en 2007, 16.337 en 2012. Entre 1989 et 2012, l’exhaussement a été de 1700 % ! Qui plus est, le garde-bœufs ne prête le flanc à la critique, n’entrant pas en concurrence avec quiconque. « Il est largement insectivore, et plutôt allié de l’agriculteur. Parmi les hérons, c’est sûrement le moins piscivore (amateur de poissons), il ne l’est pas du tout en fait. Avec un bec plus court, moins fin, il se différencie de ses cousins. Sa colonisation de l’Europe a débuté dans les années 80, on le trouve également en Amérique du sud. Il sait s’adapter, en trente-cinq ans il a doublé son aire de répartition ! », approfondit Alexis. Les spotters de la gent ailée, munis de leurs jumelles ou de leur longue-vue, boivent du petit lait de par les mensurations relativement imposantes de l’oiseau. « Il ne se laisse pas approcher, mais la distance de fuite n’est pas très importante », informe l’investigateur patenté qu’est Alexis.  

 

Crédit photo : Alain Petitjean (cliché réalisé en 2015 à Epervans)

                                                                                                

                                                                                             Michel Poiriault