Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - A Champforgeuil, les violences familiales devant la barre... et une relaxe

TRIBUNAL DE CHALON - A Champforgeuil, les violences familiales devant la barre... et une relaxe

« De tels dossiers, dans le cadre du confinement, il y en a eu beaucoup, et je comprends les poursuites du parquet, mais… » On reproche à monsieur X des violences aggravées sur sa compagne de toujours, le 3 avril à Champforgeuil. « Aggravées » : sur sa conjointe, enceinte, et il était ivre. Entretemps il a enfreint le cadre de son contrôle judiciaire, il a perdu l’autorité parentale sur ses enfants, et il a été incarcéré. « Ça va trop loin », dit son avocate.

A l’audience des comparutions immédiates ce mercredi 20 mai, une visio est programmée pour juger monsieur X, 36 ans, père de trois enfants, et bientôt de quatre, puisque sa compagne est enceinte. « Une relation passionnelle », a écrit l’expert psychiatre, « une relation devenue toxique », plaide maître Leray. L’auteur présumé et la victime présumée sont ensemble depuis 18 ans, mais l’été dernier tout part à vau l’eau : elle dit avoir été agressée, pire, violée. « Il a cru qu’elle l’avait trompé, explique maître Girardot pour la victime, ils se séparent alors et reprennent la vie commune en septembre. Madame va être privée de ses enfants, et son conjoint lui ôte tous les moyens de communication avec l’extérieur, ainsi que ses clés. »

Comment il a perdu l’autorité parentale

La défense s’inscrit nettement en faux. « La toxicité de ce couple entache les débats. Le souci central de monsieur, ce sont ses enfants, et c’est ce qui l’a envoyé en prison. Quand il était sous contrôle judiciaire, madame ne s’occupait pas de ses enfants, elle les avait mis chez son père, elle refusait qu’ils voient leur propre père. Monsieur a requis les services d’un huissier, qui s’est rendu chez le père de madame. Madame a dit ‘oui, il peut les voir du 13 au 19 avril’, mais arrivé au 13, elle a dit ‘non’. N’en pouvant plus, le 24, il est allé voir ses enfants directement chez le grand-père. Elle a immédiatement appelé la police. Elle le tient comme ça. » Police, ordonnance de protection, perte de l’autorité parentale, incarcération.

Des voisins appellent la police

Le 4 avril, la famille revenait dans sa maison de Champforgeuil, une maison vide puisque bientôt vendue. A la mi-journée des voisins appellent les forces de l’ordre : violences conjugales dans la maison d’à côté. Les policiers, voient, en arrivant, une femme sortir par le garage, en pleurs. Ils enjambent le muret d’enceinte, puis la font passer à l’extérieur. L’agresseur présumé observe que « si elle est partie, c’est bon, c’est fini », et il rentre dans la maison avec les enfants. Les policiers tentent de parler avec lui. Ils constatent que les enfants vont et viennent et sont calmes. Leur père leur fait à manger, puis appelle quelqu’un qui va les garder, et se laisse alors interpeller.

Question de regards

La présidente Catala souligne les écarts entre ce que relatent les procès-verbaux, et la lecture à charge qui en fut faite, alors qu’aucun élément objectif ne vient justifier une telle lecture. Pour autant elle ne laisse rien de côté et interroge le prévenu sur tout. Il était ivre ? Alcoolémie à zéro. Il frappait sa femme ? Les témoins sont « auditifs » comme dira le parquet. « Arrête, X, de me taper à la tête et au ventre » : « Qui, alors qu’il est sous le coup d’une agression, songe à parler ainsi, si ce n’est pour se constituer une preuve ? » plaide Mathilde Leray. « Monsieur était barricadé », requiert le vice-procureur. « Je leur ai parlé par la fenêtre, dit le prévenu, je leur ai dit que je voulais juste faire manger les enfants et faire venir quelqu’un pour les garder. » C’est ce qui s’est passé.

Des vidéos illustrent la souffrance de cette femme

« J’ai été destinataire de vidéos, très désagréables, mais je pensais que madame serait présente alors je ne les produis pas, parce qu’on la voit se scarifier, ou bien implorer le pardon de monsieur. Je n’ai pas voulu les produire, par égard pour elle, mais je produis la plainte pour viol qu’elle a posée. » Cette agression est le nœud empoisonné de l’affaire : cette femme est en souffrance, elle en perd, dirait-on, l’équilibre. Lui, il tient des propos qui paraissent inouïs, son avocate travaille à prouver que ce qu’il dit est vrai. Cet homme souffre d’un kyste colloïde. Comment le sait-il ? « Suite à l’agression de ma femme, une famille est venue me passer à tabac, on m’a prescrit un scanner, et à cette occasion on a découvert ce kyste. » Quand la réalité dépasse la fiction…

Elle instrumentaliserait tout le monde, mais il reste vrai qu’elle a besoin d’aide

La fiction, soutient très énergiquement et trop volubilement, le prévenu, est du côté de sa compagne qui « instrumentaliserait la justice », comme dit la présidente, « pour trouver, socialement parlant, des aides, pour avoir un logement, etc. », complète le déjà-ex. Il estime que les seules victimes de ce dossier sont leurs enfants, et pense à celui qui est à venir, « j’ai toujours été là pour les naissances des autres ». Il a des mots trash pour parler des aspects de leur vie qui le sont, mais au final ne veut qu’une chose : que la justice l’aide pour qu’il ait un droit de garde équivalent à celui de la mère. Il va faire appel de l’ordonnance de protection. Il s’est toujours occupé de ses enfants. Leur mère a besoin d’aide, c’est certain.

Le parquet requiert 6 mois de prison dont 2 mois ferme

« Papa et maman se disputaient souvent », a dit leur fille aînée (9 ans). Sur le reste, quant à savoir quel parent les enfants « préfèrent » …, « on a posé des questions pas toujours très adaptées, je dois le dire, aux enfants », souligne la présidente. La petite a dit aussi que son père buvait chaque jour de l’alcool. « J’ai recommencé à boire quand elle m’a parlé de cette soupçonnée agression et de ses infidélités. Mais je n’achetais que des bouteilles de 25 cl. » Son avocate communique une prise de sang qui atteste d’une consommation finalement raisonnable d’alcool.
Le parquet requiert un maintien en détention pour 2 mois de prison, suivis d’un sursis probatoire (4 mois à la clé).

Séance de muscu pendant le délibéré

Il y a trois jours, un prévenu déclarait pratiquer le « nobody hurts », celui-ci fait de la muscu. Allez ! Triceps, abdo, tout, en appui sur les chaises du centre pénitentiaire. Il ne peut pas voir la salle, d’où il se trouve il ne voit que le tribunal, or celui-ci s’est retiré pour délibérer. Le prévenu est donc persuadé d’être tout seul, et fait, à son insu, la démonstration de sa force physique avec des séries de tractions, des pompes, et de bidules très chiadés (aux yeux des néophytes).

Relaxe

Le tribunal le relaxe, déboute la partie civile de ses demandes. « Cela veut dire que vous allez être remis en liberté, monsieur. » Celui-ci, les mains jointes : « Merci. Merci beaucoup-beaucoup-beaucoup. »
Impassible, madame Catala lui demande d’appeler le surveillant, elle va l’informer de la décision. Le surveillant se place devant la caméra, on ne voit que son tee-shirt, alors, monsieur X lui laisse sa chaise, « assieds-toi ! assieds-toi là ! ».
Ainsi, l’audience, qui a démontré une fois de plus qu’un train, n’est-ce pas, peut en cacher un autre*, prend fin sur l’image bucolique d’un détenu souriant, assis juste derrière un surveillant. Monsieur X n’est pas réputé dangereux.

Florence Saint-Arroman

*l’affaire pénale serait plutôt du côté de l’agression sauvage dont cette femme dit avoir été victime, puis des deux passages à tabac de son ex-compagnon