Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Dans la nuit du 29 au 30 juin, la nuit avait été agitée à Châtenoy le Royal

TRIBUNAL DE CHALON - Dans la nuit du 29 au 30 juin, la nuit avait été agitée à Châtenoy le Royal

avec à la clé... une comparution immédiate.

« Quel cirque ! » s’exclame la représentante du ministère public. Quel cirque, en effet, lors de la nuit du 29 au 30 juin, à Châtenoy-le-Royal. La police s’est déplacée trois fois. La main sur l’arme quand le prévenu crie, de derrière sa porte, « je suis armé ». Gazeuse en action quand un voisin, le visage ensanglanté, se pointe un pot de fleur à la main pour le lancer. Le gaz pénètre chez le prévenu, ça le fait sortir de chez lui, les policiers l’arrêtent. Il est jugé en comparution immédiate ce jeudi 2 juillet.

Quel cirque… A l’origine de « cette folie totale », comme dit lui-même le prévenu ? « Une cannette de bière avait disparu. » Une cannette de bière avait disparu… Du coup ça l’énerve. On suppose qu’il part vite dans les largeurs. Il pourrit sa compagne, « elle se barre au fond de l’allée de peur d’en prendre une » expose le président Dufour. Le voisin le plus proche s’en mêle. A l’audience, la victime n’est pas présente, le voisin non plus, on ne peut que les imaginer à partir de ce qu’en dit le prévenu, on imagine assez bien le voisin dans le box lui aussi, mais son casier ne doit pas être aussi chargé que celui de cet homme de 34 ans, un homme grand et massif au timbre de voix doux, quand il est calme.

Les trois, bien imbibés

Cette nuit-là, il était ivre, sa copine l’était aussi, le voisin également. Ça a fait une bagarre de pochetron, chacun convaincu de son droit à beugler, à frapper, à agresser. D’autres voisins ont appelé les forces de l’ordre, la troisième fois, c’était le prévenu lui-même : son voisin immédiat avait entrepris de fracasser sur sa porte tout ce qu’il pouvait lancer. Entre-temps la copine en avait pris pour son compte, entre les « casse-toi » et les coups de manche à balai. Ce n’est pas la première qu’on entend l’histoire de cette relation : elle est belge, ils sont tombés amoureux, elle prend soin du père du prévenu car il est malade. Sur le versant négatif, ils boivent (on croit se souvenir qu’elle se drogue ou se droguait), il est extrêmement jaloux, l’accuse de coucher avec tout le monde, l’insulte, la prive de ses papiers, dit-elle, casse des choses dans l’appartement et la frappe quand il pète un boulard.

Sa vie pèse une tonne, il a 32 mentions à son casier judiciaire

« Elle ne veut plus vivre avec lui, poursuit le président pour les juges assesseurs, elle pense qu’il finira par la tuer. » D’hématomes en dermabrasions, le médecin a fixé 3 jours d’ITT. Le colosse en bégaie, et se défend : « Depuis ma sortie de prison je ne touchais à rien. Je prenais du Seresta, de la méthadone, j’allais droit. Ce soir-là elle m’a un peu gonflé, mais je ne lui ai jamais interdit quoi que ce soit, je ne suis pas un terroriste, je ne suis pas un taliban. » Le président l’interroge pour savoir si oui ou non il y avait des violences habituelles, ou plutôt pour savoir comment le prévenu se place, par rapport à ses passages à l’acte. Sa vie pèse une tonne, il a 32 mentions à son casier judiciaire.

« Si vous êtes tous les deux agressifs quand vous buvez… »

« Quand je bois, je ne suis pas le même homme. Ça a foutu ma vie en l’air, ça. Elle, elle est pareille. Quand elle boit, elle est tarée, elle me lance des piques. – Si vous êtes tous les deux agressifs quand vous buvez... – Ben oui, ben voilà. Je ne vous cache pas que je suis amoureux d’elle. – Certes, mais si c’est pour finir dans la salle des Assises, dans le box, parce que vous l’aurez tuée… » Le prévenu baisse la tête, puis reprend : « Elle m’avait demandé un mariage blanc pour ses papiers. – Mais monsieur, elle est belge ! Elle n’a pas besoin de carte pour être en France. – Elle voulait la nationalité française. Au début, c’était tout beau tout rose, mais… » mais le président en revient aux faits. Quand le gaz lacrymogène a envahi son studio, le grand costaud a mis son bébé chat à l’abri dans la salle de bain.

« J’ai 14 fiches de paie, je les garde comme un trophée »

Que pense-t-il de son casier ? « J’ai eu une enfance très difficile. Je n’ai pas eu l’éducation que j’aurais dû avoir. J’ai été placé en foyer, me suis retrouvé dans une spirale, et ça a continué, continué, continué. » Le travail ? « C’est triste à dire, le plus longtemps que j’ai tenu, c’est en prison. J’ai 14 fiches de paie, je les garde comme un trophée. » Reconnu handicapé, pourquoi ? « Je suis bipolaire, schizophrène, et j’ai une maladie de (inaudible). »

« Quand est-ce que vous, monsieur, vous vous remettez en question ? »

Le président attaque la moelle : « Ça s’arrête quand ? Ça change quand ? » Le prévenu est mal, il baisse la tête, puis la relève : « Elle m’a fait craquer. » Le magistrat l’interrompt : « C’est toujours les autres. Quand est-ce que vous, monsieur, vous vous remettez en question ? Parce que, à chaque fois, c’est bien vous qui commettez les faits. » Réponse : « J’ai des sentiments pour elle, mais c’est vrai que ça me met en danger. » Ce studio, c’est son premier logement à lui.

« On a l’emprise, les insultes, la jalousie, et il se victimise »

Mathilde Kara-Mitcho prend les réquisitions : « On a toutes les caractéristiques du violent conjugal. On a l’emprise, les insultes, la jalousie, et il se victimise. » Elle requiert 24 mois de prison dont 6 mois seraient assortis d’un sursis probatoire de 2 ans. Elle demande son maintien en détention. Interdiction de contact avec madame, mais pas avec le voisin, pour ne pas empêcher le prévenu d’aller à son studio. Maître Jérôme Duquennoy rebondit sur ce point : maintenir son client en prison pour une durée si longue, c’est lui faire perdre son logement.

« La prison, ça me fait peur. Ça peut rendre fou, à la longue »

Le colosse a la parole en dernier : « Je ne cache pas que la prison, ça me fait peur. Ça peut rendre fou, à la longue. Je sais que quand on lit mon casier judiciaire, c’est pas en ma faveur, je le sais très bien. Mais des fois, je n’ai aucune estime pour moi-même, des fois je ressens que je suis une bestiole, une chose. Avoir ce studio, c’est une chance, même si là-bas c’est le bordel total, le voisin a 4 ou 5 chiens et des tas de gens viennent le voir. Quand j’entends madame la procureur, croyez pas que ça me fait rien. J’ai un CPIP*, j’ai une assistante sociale, vous pouvez me demander ce que vous voulez. »

18 mois de prison ferme

Le tribunal prononce une relaxe partielle (on l’accusait d’avoir cassé deux portes, mais ça n’est pas lui), le déclare coupable du reste, le condamne à 24 mois de prison dont 6 mois assortis d’un sursis probatoire de 2 ans, obligation de soins, de travailler, d’indemniser, interdiction de contact avec madame. Maintien en détention.

Florence Saint-Arroman

*CPIP : conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation
https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseiller_p%C3%A9nitentiaire_d%27insertion_et_de_probation