Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Le 6 janvier 2021*, il sort de Fleury-Merogis, et illico il arrive vers Chalon où sa mère l’héberge dans une caravane

TRIBUNAL DE CHALON - Le 6 janvier 2021*, il sort de Fleury-Merogis, et illico il arrive vers Chalon où sa mère l’héberge dans une caravane

Le lendemain, le 7 janvier, une femme qui vit dans un pavillon à Champforgeuil connaît l’épouvante de se voir menacer d’un poignard par cet homme.

Il entré chez elle alors qu'elle faisait sa vaisselle, vêtu d'un treillis et tenant des propos aussi hors sujet que « On va à la piscine ».
La police a mis la main dessus sans tarder. C’était le milieu de matinée et l'individu recherché portait, outre un treillis et un couteau, une lampe frontale. Il a 39 ans, 25 condamnations, il est jugé ce jeudi 18 février. Le tribunal avait ordonné une expertise psychiatrique et l'avait placé en détention provisoire. Le psychiatre s’est fait insulter mais enfin il a rendu ses travaux et conclut à "une pathologie psychiatrique grave", l'héboïdophrénie (1). Avec ça, le discernement du prévenu était altéré au moment des faits. Il était davantage que ça : il n'a aucun souvenir de ce qu'il a fait.


Il commence par s'enfiler "une plaquette de Seresta"


De cela le tribunal ne semble pas douter, car son beau-père, entendu, a expliqué qu'il avait attendu son beau-fils ce matin-là, il devait le véhiculer jusqu'au SPIP (service pénitentiaire d'insertion et de probation) : le prévenu a deux mesures en cours, un sursis mis à l'épreuve et un suivi socio-judiciaire. Au lieu de ça, le beau-père poireaute un moment et voit cet étrange beau-fils se pointer, tout sale, tirant une petite remorque remplie de bric et de broc. Il essaie de le recadrer, mais l'autre s'énerve, commence par s'enfiler "une plaquette de Seresta", puis part sur Champforgeuil, une lampe frontale en figure de proue.


"On est encore morts d'angoisse", dit la victime


A cette heure-ci, madame X est chez elle, avec son bébé. Son compagnon est sorti faire une course. Elle est à l'évier de sa cuisine quand soudain elle réalise qu'un inconnu se tient à 1.50 mètre d'elle, accoutré comme pour carnaval et armé d'un poignard qu'il dirige dans sa direction. "On est encore morts d'angoisse", témoigne la victime à la barre. Son agresseur lui dit donc qu'ils vont à la piscine, pique des cartons avec son couteau, puis rafle un trousseau de clés et sort. La police l'arrête. Dans la voiture il tient encore des propos incohérents, du genre "j'ai participé à la construction de cette maison, j'ai offert des vélos, c'est pas bien de pas m'héberger".


"Je me retrouve tout seul à cogiter toute la nuit que j'ai gâché ma vie"


A l'audience, il dit : "Je me suis réveillé à l'hôpital, j'ai demandé à une policière pourquoi j'étais là." Que pense-t-il de tout ça ?, lui demande la présidente Verger. "C'est grave. J'étais venu voir mes enfants et ne pas faire de bêtises." Il dit aussi qu'à Fleury "c'était la prison et le confinement, tout ça" et puis en sortant : "Je me retrouve tout seul d'un coup, dans la caravane, à cogiter toute la nuit que j'ai gâché ma vie." Il a déjà fait 2 tentatives de suicide, une juge considère que le 7 janvier, il en a fait une troisième en se gavant de Seresta. Il fut addict au cannabis, puis à la cocaïne, puis à l'héroïne, puis l'est devenu aux médicaments. Il dit : "C'est un cercle vicieux, il faudra quoi pour arrêter les médicaments ?"


Des soins réguliers pourraient stabiliser son état


C'est une vraie question pour lui, mais dans l'immédiat le tribunal s'attache à savoir comment faire pour qu'il suive des soins constants. Selon le psychiatre, cela pourrait stabiliser son état. C'est dommage qu'en 2019, alors qu'il était suivi par l'association d'Enquête et de médiation (AEM) et que ça se passait bien, il ait choisi de partir dans l'Yonne avec sa compagne, car là-bas, le dispositif d'accompagnement renforcé n'existe pas, et en plus on lui dit d'attendre que son dossier arrive... Catastrophe.


Incidents en détention


A son casier, "beaucoup de faits de violence". Sa détention actuelle se passe "bof", dit-il. Incidents pour insultes à surveillants, et puis on trouve dans sa cellule, 50 grammes d'une poudre blanche, 7 smartphones, 2 puces, un cordon pour recharger les téléphones. "On m'a démandé d'y garder." La présidente veut savoir combien de fois il a été incarcéré, pour trouver encore le moyen de faire la nourrice... "Dix fois. Mais ça évite les problèmes, d'accepter. - Ah... Après, c'est un choix de vie, hein."


L'effroi


"L'effroi de se trouver en tête à tête avec un individu armé et menaçant, alors que madame est seule avec son bébé. J'espère que monsieur l'entend, cet effroi" dit la procureur. Mais monsieur, s'il n'est pas indifférent, ne semble pas avoir pour autant la même échelle de références que le commun, et s'il est franchement préoccupé, c'est de savoir s'il verra ses enfants à lui. Il en a trois, de deux femmes différentes, âgés de 21 à 2 ans. Angélique Depetris requiert une peine de 30 mois de prison, son maintien en détention, une interdiction de paraître en Saône-et-Loire pendant 5 ans.


"Des passages à l'acte infiltrés de bizarreries"


"Il dit : 'on va à la piscine', ça n'est pas commun" dit maître Duquennoy d'un ton égal mais non sans une pointe d'esprit (croit-on). L'avocat plaide la personnalité du prévenu et le contexte (la plaquette de Seresta), rappelle le contenu de l'expertise psychiatrique et ce diagnostic d'héboïdophrénie, qui entraîne "des passages à l'acte infiltrés de bizarreries". Son client, penché vers l'avant en direction du tribunal, veut savoir, lui, si on peut lui éviter l'interdiction de paraître dans le département : "J'ai mes enfants, j'ai pas le choix de venir."


Maintien en détention, puis interdit du département


Le tribunal retient l'altération du discernement, condamne le prévenu à une peine de 26 mois de prison, ordonne son maintien en détention. A sa sortie, il aura l'interdiction de porter une arme pendant 5 ans, et l'interdiction de paraître en Saône-et-Loire. Son sursis mis à l'épreuve et son suivi socio-judiciaire, suspendus pendant le temps de son incarcération, reprendront.
L'homme reste calme, il demande : "L'interdiction de venir ici, c'est même pour une heure ? - Oui."


Florence Saint-Arroman
*Il avait passé des mois en détention provisoire, avant son jugement, cela explique la date de sa libération : il avait purgé sa peine.
(1) https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/heboidophrenie