Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Jeux de dupe autour de la vente d'une PS... et guet-apens devant le cimetière de Charrecey

TRIBUNAL DE CHALON - Jeux de dupe autour de la vente d'une PS... et guet-apens devant le cimetière de Charrecey

Quand le président Dufour commence à cuisiner les victimes, on comprend qu'il y a un loup. Dans le box, ce jeudi 25 février, deux jeunes hommes poursuivis pour violence en réunion, face à eux, posées sur des chaises, deux des trois victimes, de jeunes hommes également, et manifestement, un solide contentieux pas réglé.

Des deux côtés de la barre, on ment. Rien de bouleversant à ce stade. Mentir, minorer, exagérer, c'est l'ordinaire. Mais alors là, ils font fort.

Au départ, des plaintes posées le 8 décembre à la gendarmerie de Chagny. Un jeune homme est victime d'un vol, et ses deux copains et lui ont été victimes de violences, lors d'une scène qui ressemble à un guet apens. La victime principale voulait offrir à son petit frère une console de playstation. Il finit par demander sur Snapchat, on lui envoie une photo d'une PS5, vendue 900 euros. Marché conclu, rendez-vous est fixé devant le cimetière de Charrecey, le 6 décembre dernier.

Plaque d'immatriculation maquillée, des armes


Ils arrivent donc à 3, mais en face ils seront 4, armés. Une arme de poing (qui s'avérera être factice), des manches en bois, une gazeuse. Version victimes : on leur vole les 900 euros, on les gaze, on les menace. L'une d'elle filme un bout de la scène, on y voit le véhicule des agresseurs, dont la plaque d'immatriculation est légèrement maquillée. Le propriétaire de la voiture est dans le box, il a 22 ans, il travaille (CDI), il est locataire, il a un bac pro, son casier judiciaire est néant.


L'auteur principal aurait beaucoup de chance...


A côté de lui, celui que le parquet désigne comme le plus actif dans les violences, on l'a déjà vu passer en jugement. Il est âgé de 21 ans, il a 4 condamnations à son casier. Il est salarié de son père sur un domaine viticole, il est propriétaire de sa maison, "depuis que j'ai 19 ans", précise-t-il, conscient tout de même de battre un record de précocité dans l'accession à la propriété. Il entend à cette audience le même discours que lors de la précédente : tout le monde n'a pas sa chance.


... mais il persiste dans des passages à l'acte


Mais, comme en 2019, on s'interroge sur cette fichue chance, parce qu'il est malgré tout aux prises avec le cannabis, et parce qu'en dépit d'un socle matériel offert sur un plateau, il persiste dans des passages à l'acte violents et délictuels. Comme son copain il a une formation et les diplômes afférents. Le tribunal voudrait comprendre, mais le prévenu n'apporte aucune lumière sur son cas, en revanche dès sa première audition il reconnaît les faits du 6 décembre, à ceci près : ils n'allaient pas vendre une playstation, mais ils allaient chercher des pots de tabac, car la victime principale en vend. Davantage que ça, ils se sont dit : tiens, et si on les lui volait ?


"Y avait des photos diffusées sur Snapchat, avec nos têtes mises à prix"


Ils auraient volé 55 pots de tabac au garçon assis sur le banc des parties civiles. Un mineur est jugé au TPE, le 4ème n'est pas poursuivi (rien ne prouve sa présence sur les lieux). Avant de se battre entre eux, le soir du 6 décembre, les voleurs se sont engueulés, parce que la courte vidéo les incriminait, "et puis y avait des photos diffusées sur Snapchat, avec nos têtes mises à prix". Le vidéaste proteste ! Il n'a jamais diffusé quoi que ce soit. Ils mentent tous et personne n'est dupe, mais que faire ? Du coup, le parquet a requalifié les faits en violence en réunion, laissant le vol de côté : on ne sait pas ce qui a été réellement volé.


"Mes clients disent que les victimes ont des activités illicites"


Maître Leray remercie le parquet d'avoir simplifié ce sac de noeuds. "Comment y voir clair dans ce dossier ? On n'a aucun élément de preuve sur la nature du vol, et mes clients disent que les victimes ont des activités illicites". Charles Prost a requis 8 mois de prison et un mandat de dépôt contre l'ouvrier viticole, et une peine avec sursis pour le co-auteur, dont ça sera la première condamnation. Les victimes, manifestement pas conseillées du tout (ne savaient pas ce qu'est une partie civile) ont demandé des dommages et intérêts farfelus (jusqu'à 9000 euros pour l'un) et surtout n'ont apporté aucun justificatif.


Que signifie "être inséré" ?


L'avocate demande que leurs prétentions sur les préjudices matériels soient écartées. Elle plaide contre le mandat de dépôt : "Vous allez le désinsérer." Ce point est intéressant car suffit-il, pour se dire "inséré", selon ce mot qu'on emploie beaucoup et même trop, d'être propriétaire de son logement et travailleur salarié, alors qu'on a déjà été condamné pour outrages, rébellion, conduite sous l'empire de l'alcool, violence avec arme, violence, vol avec effraction, et cela dans les 3 années qui suivent la majorité ? En toute logique on peut se dire que, contrairement aux apparences, ce garçon se débat avec des difficultés auxquelles les solutions matérielles ne changent rien.


Mandat de dépôt - "Vous n'aurez pas un centime, bande de bâtards !"


Le tribunal déclare les prévenus coupables, condamne celui dont le casier était encore vierge à 8 mois de prison assortis d'un sursis simple, et condamne l'autre à 8 mois de prison, décerne mandat de dépôt. Celui-ci arrache son masque, au sens propre comme au sens figuré, et invective les victimes : "Vous n'aurez pas un centime, bande de bâtards !" Le tribunal a condamné les auteurs à verser 1 000  euros pour leur préjudice moral, aux trois victimes. "Monsieur, vous vous calmez !" ordonne le président. Le jeune homme est hors de lui. "Je m'en fous ! Je perds tout ! Mon taf, ma maison."
Il faut remplir une fiche pour le centre pénitentiaire. "Vous avez des problèmes de santé ?" Et le gosse, déchaîné, de renvoyer : "J'en aurai, là-bas, vous allez voir ! J'en ai rien à foutre, vous pouvez me mettre 2, 3 ans, 5 ans !" Puis, plus raisonnable, il demande à voir un médecin et un médecin-psychiatre à son arrivée en prison.


FSA