Châtenoy le Royal

A Châtenoy le Royal, le conflit familial dégénère... et la police a eu du mal à calmer le jeu

L’homme était en repos. Il sort. « Je suis tombé sur un copain, puis un autre copain, et puis voilà, quoi. » Voilà, il avait pas mal bu.

Dans un mouvement d’émotion à la fois sincère et de décompression juste avant que le tribunal ne parte délibérer, le routier de 52 ans éclate en sanglots : « Je suis sincèrement désolé. Je regrette, je regrette. – Je transmettrai, monsieur, répond l’avocat des policiers. – C’est moi, le gros con ! » 

C’est un dossier peu banal de violences intrafamiliales suivies d’outrage, violence et rébellion à l’encontre de deux équipages de la police nationale. Peu banal, car l’épouse du prévenu a eu 6 jours d’ITT, la fille, encore mineure, est victime elle aussi, mais monsieur a pu passer son temps de contrôle judiciaire à son domicile. Cela n’est pas habituel, mais finalement, au vu de l’audience, on voit que c’était sans doute une bonne décision, pourtant la scène fut assez terrible.

Souffrance familiale et un père taiseux

Cette famille souffrait depuis quelques années. Un père et mari « taiseux », un fils en difficulté personnelle qui revient vivre chez ses parents parce que son domicile n’était plus habitable, des problèmes de cohabitation puissance whatmille, jusqu’à ce 26 mai. L’homme était en repos. Il sort. « Je suis tombé sur un copain, puis un autre copain, et puis voilà, quoi. » Voilà, il avait pas mal bu. Des pastis. De copain en copain, ou « d’apéro en apéro » comme dit la présidente Doukhane. Il rentre chez lui en début de soirée. « Il a dû ruminer ses problèmes, il a bu mais il est également en colère et sa femme s’en prend plein la tronche pour des motifs fallacieux, alors que ça fait 33 ans qu’ils sont ensemble », explique maître Mathilde Leray pour sa défense.

Il tente un coup de poing, le policier répond et le fait tomber sur le canapé

« Un conflit d’origine familiale » rappelle le procureur. Tout part de la situation du fils et de ses 4 chiens logés dans la cour. Le fils ne veut pas d’histoires et part. Le père ouvre le chenil pour faire partir les chiens, la mère s’interpose, il la pousse, leur fille intervient, il la pousse. Il ferme le poing, tape dans le carreau d’une fenêtre. Des policiers, alertés, arrivent sur les lieux, trouvent la fille en larmes dans la rue, et voient un homme « de forte corpulence » traîner « une femme » par les bras et les cheveux. Les policiers passent le portail et vont dans la maison où l’homme va leur faire face, en jetant préalablement son épouse au sol. Il tente un coup de poing, le policier répond et le fait tomber sur le canapé.

Un forcené de 140 kg qui mettra, ensuite, des chances de son côté

L’homme résiste à son interpellation, insulte abondamment les policiers, « connards », etc. Il menace sa femme pour qu’elle ne dise rien, du coup on le sort de la maison. Il refuse de monter dans le véhicule, tente un autre coup de poing puis il simule un malaise, en profite pour placer ses mains sous son ventre… Il continue les insultes et signale aux forces de l’ordre qu’elles feraient mieux de s’intéresser « aux noirs et aux arabes ». « C’est l’alcool qui m’a fait dire des bêtises. » Un des policiers avait enclenché sa caméra. La vidéo est à charge. De toute façon, l'homme reconnaît. Il a mis à profit la période de contrôle judiciaire pour aller consulter, de sa propre initiative, un …, un… « c’est comment qu’on dit ? », demande-t-il, se tournant fugacement vers son épouse et sa fille qui, en chœur, répondent : « Un hypnothérapeute. »

L’épouse victime : la meilleure garantie que le prévenu puisse avoir

Le décalage entre le forcené qu’il fut le 26 mai en soirée, et le taiseux qui découvre la parole depuis, est assez net. Suffisamment net pour que Charles Prost, vice-procureur, ne requière qu’une peine de sursis probatoire (6 mois à la clé) : « Un contrôle pour éviter que monsieur ne perde le contrôle. » Maître Bibard intervient pour les policiers. Rappelle que ce soir-là, la situation était « délicate et tendue ». D’autant que le prévenu est chasseur et qu’on a saisi pas mal d’armes à son domicile. « Les policiers ont beaucoup de devoirs mais ils ont un droit : celui d’être respectés. » Maître Leray est brève, estimant que l’instruction et les réquisitions étaient « claires » et que tout le monde a identifié ce qui avait conduit son client à la barre. Sur la naissance d’un homme qui apprend à respirer et à s’exprimer, voire à discuter « de choses banales » comme l’a dit son épouse à la barre (qui au final apparaît comme la meilleure garantie que le prévenu puisse avoir) : « Il fallait établir la communication, on est aux prémices de quelque chose qui tend à l’apaisement » conclut l’avocate.

Ne pas le priver de sa « passion », la chasse

Le routier a la parole et l’émotion le submerge, il dit ses regrets. Mais juste avant, il a demandé au tribunal de ne pas le priver de sa « passion », la chasse. 
Le tribunal le déclare coupable de ce qu’on lui reproche, le condamne à une peine de 6 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire de 2 ans, avec obligation de soins et d’indemniser les victimes (les six policiers, car sa femme ne veut pas se constituer partie civile, et pas davantage pour sa fille).

Là où ça fait mal
La loi fait obligation au tribunal, vu la prévention de « détention sans déclaration d’armes et de munitions de catégorie C », d’ordonner la confiscation des armes saisies et de prononcer l’interdiction de détenir ou porter une arme pendant 2 ans. Et ça, ça blesse ce monsieur, à qui la présidente fait du coup remarquer qu’avec une telle liste de préventions retenues contre lui, il s’en sort plutôt bien.

Florence Saint-Arroman