Faits divers

« Je l’ai menacée, je l’ai insultée, j’étais désespéré »

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 02 Septembre 2021 à 20h58

« Je l’ai menacée, je l’ai insultée, j’étais désespéré »

« Les mensonges, l’adultère, ça vous rend fou. Vous perdez pied. Et puis, la solitude, du jour au lendemain. Et la colère, ça vous bouffe. »

Sa future ex-épouse est assise sur une chaise, il se tient à la barre. Le harcèlement dont elle fut l’objet a dégradé, lui, ses conditions de vie. Le parquet a engagé des poursuites contre l’époux. 

Monsieur est jugé à l’audience des comparutions immédiates, ce jeudi 2 septembre. Il se présente libre, après une période de contrôle judiciaire qui lui a permis de consulter une psychologue, d’où ses propos sur la colère mais l’audience, en dépit de la rigueur de la juge qui préside, tourne à l’étal de boucher. C’est ça, un divorce qui se passe mal. Et c’est souvent l’indice d’une relation qui n’était pas bonne, avant. Ce dossier l’illustre. Le couple s’est formé il y a environ 17 ans, deux enfants naissent de cette union. En 2020, monsieur et madame se marient. Début mars 2021, elle annonce « par SMS » (« Pourquoi par message ? » s’étonne la présidente Catala) qu’elle a rencontré « quelqu’un ». Le retour de bâton sera féroce. Sur le plan comptable, c’est clair : de mi-mars à mi-avril, monsieur entre en contact avec madame pas moins de 696 fois, puis 1 159 fois au cours des 4 semaines suivantes. 

« La loi pénale dit qu’on ne doit pas harceler, imposer des violences psychiques à l’autre » 

« Je l’ai menacée, je l’ai insultée, j’étais désespéré », a-t-il reconnu en garde à vue. « Qu’être trompé soit violent, tout le monde peut l’entendre, développe madame Saenz-Cobo, procureur. Mais la colère doit s’arrêter à la limite que pose la loi pénale, qui dit qu’on ne doit pas harceler, imposer des violences psychiques à l’autre. » Le parquet avait demandé une expertise médicale pour la victime. Le médecin fixe 10 jours d’ITT. « Perte de l’estime de soi, perte des élans vitaux. »
« C’est quelqu’un qui est dangereux », poursuit la procureur. Ce genre de personnalité ne sait pas s’arrêter, poursuit dans l’emprise et la manipulation. Il y eut des menaces de mort, il y eut des effets personnels de madame déposés dans une benne en déchetterie. Les réquisitions sont longues. « Le caractère malveillant ne fait aucun doute. Quand vous appelez jusqu’à 30 fois à la suite, est-ce qu’on n’est pas dans le harcèlement ? » On songe à ceux, ou à celles, qui sont plus habiles, exercent les mêmes violences, sur les effets personnels, dans les insultes sans témoins, dans les pressions exercées sans relâche dans un seul but : détruire l’autre, mais qui échappent aux poursuites.

Un désastre humain

A l’aune de ce tableau, on s’interroge sur la qualité de la relation, y compris avant ce désastre humain. La procureur requiert une peine de 6 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. « C’est aussi pour protéger la victime. Il est hors de question de continuer à vivre dans cet état-là » dit-elle à la femme. Maître Moundounga Tsigou plaide une requalification des faits (le harcèlement n’est pas caractérisé, dit-il) invoque « le lien sacré du mariage », redit son étonnement à ce qu’on se marie pour se séparer si vite. Comme si tout dans les vies des uns et des autres était guidé par la raison, une raison à la conscience claire... Bref, l’avocat assure que son client a pris conscience de la gravité de ses actes, « contrairement à ce qu’on dit de l’autre côté de la barre ». Et puis il y a les enfants... Le père, sans surprise, exige une garde alternée. Normal, car c’est, dans un tel contexte, un moyen de plus pour pourrir la vie de la mère. Mais madame entend demander la garde exclusive. Les enfants verront leur père, de toute façon. 

Interdiction de paraître au domicile de la victime, interdiction de contact avec elle

Le tribunal relaxe le prévenu de la prévention de harcèlement moral, le déclare coupable d’appels malveillants. Le condamne à une peine de 4 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire de 2 ans (c’est sa première condamnation). Interdiction de paraître au domicile de la victime, interdiction de contact avec elle, « à l’exception des convocations judiciaires ». Obligations de soins et d’indemniser la victime (renvoi sur intérêt civil). Le tribunal ordonne l’exécution provisoire : ces mesures s’appliquent immédiatement.

FSA