Chalon sur Saône

Hosni Zaouali ou les tribulations d'un Chalonnais dans la Silicon Valley

Par Karim BOUAKLINE-VENEGAS AL GHARNATI

Publié le 28 Septembre 2021 à 06h00

Hosni Zaouali ou les tribulations d'un Chalonnais dans la Silicon Valley

Dans la Silicon Valley, les réussites de start-up, ces petites sociétés innovantes de hautes technologies, sont légion. Attirés par le succès, de plus en plus d'entrepreneurs français décident de s'installer aux États-Unis pour vendre leurs produits et leur savoir-faire. Parmi eux, figure le Chalonnais Hosni Zaouali, originaire des quartiers du Stade-Fontaine aux Loups et des Prés Saint-Jean. Aujourd'hui, celui qui est co-fondateur de Tech Adaptika, spécialiste de solutions pour l'enseignement à distance, qui partage sa vie entre Toronto et San Francisco, était de passage dans notre ville. Plus de détails avec Info Chalon.

Ce matin, lundi 27 septembre, le Grand Chalon recevait la visite de deux Français qui ont conquis l'Amérique à leur manière.


Originaire de Brest, Kwame Yamgnane, 46 ans, est un des co-fondateurs d'Epitech en 1999 et de l'École 42 en 2013


Sorti diplômé en informatique de l'Institut universitaire de technologie de Vannes (Morbihan), le jeune homme prend le large en 1997.

Direction les États-Unis, plus précisément la Virginie, où il est employé par une filiale d'Alcatel.


«C'était un autre monde. J'ai appris une façon de vivre et surtout de travailler totalement différente», se souvient-il, nostalgique.


Lorsqu'il revient, deux ans plus tard, dans l'Hexagone, l'informatique devient son nouveau terrain de jeu. Plein d'aspirations, Kwame intègre Epita, une école du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) afin de compléter sa formation d'administrateur réseau. 


C'est là qu'il rencontrera un futur complice, Nicolas Sadirac


Le Brestois ne le sait pas encore, mais après quelques années de galère durant lesquelles il crée une entreprise — «plantée par l'explosion de la bulle Internet en 2001» —, puis enchaîne les petits boulots, il va le retrouver, en 2009, à la tête d'une formation ambitieuse, Epitech.


C'est une véritable réussite : les étudiants, souvent issus de classes sociales plutôt modestes ou ayant peiné dans le système scolaire, sont régulièrement embauchés à 4 000 euros par mois.


De quoi séduire celui qui a été «un gros cancre» et qui veut travailler avec «les exclus du système». 


«Ils peuvent avoir une vision différente. C'est peut-être ça leur chance», explique-t-il. 


Son nom circule désormais largement... jusqu'à atteindre Xavier Niel, fondateur de Free.


Niel, Sadirac et Yamgnane, rejoints par un quatrième passionné d'informatique, Florian Bucher, décident donc de lancer une école baptisée École 42.


L'idée est toute sumple : former 1 000 étudiants, bacheliers ou non, âgés de 18 à 30 ans, qui auront été choisis parmi 4 000 candidats au terme d'un mois de sélection consistant à «bouffer du code quinze heures par jour». 


Pour les heureux élus, pas de diplôme mais un label et un cursus de trois ans, gratuit, financé par Xavier Niel, qui a investi 20 millions d'euros pour la création de l'école et prévoit d'en débourser 50 autres dans les dix ans à venir. 


Le pari est de taille mais «Xavier sait transmettre confiance et autonomie à ses équipes».


Kwame Yamgnane en a été nommé directeur général adjoint. 


Implanté au fin fond du 17ème arrondissement de Paris dans un bâtiment contemporain de 4 200 m2, le lieu est incroyable : des milliers de jeunes au look identique — sweat à capuche et pantalons troués — rivés derrière des centaines d'iMac géants répartis sur trois salles, street art et design pop de partout, serviettes mouillées nonchalamment pendues aux rampes d'escaliers, jacuzzi sur le toit, tireuse à bière et food truck connectés.


Dans les coins de ces classes géantes, quelques bouteilles de coca et autres paquets de chips font office de décor. L'ambiance est bon enfant. En un mot : détendue.


«L'École 42 n'existe nulle part ailleurs. Même les Américains n'ont pas eu cette audace!», déclarera ce passionné par l'initiative sociale.


En 2016, il partira pour les États-Unis avec pour projet d'ouvrir une École 42 dans la Silicon Valley, la terre de l'innovation symbole du soft power américain.


Là-bas, il rencontrera entre autres un Chalonnais, Sylvain Chavry.


C'est à l'occasion d'une conférence à l'Université Stanford qu'il fera la connaissance d'Hosni Zaouali, un autre Français installé à Toronto en 2008.


«Je vous avoue qu'au départ, c'était un peu difficile. Je vivais au sous-sol d'un appartement, mon loyer était de 500 $ (340 euros) par mois et j'ai économisé le moindre petit sous, le moindre petit denier que je pouvais (pour) investir dans ma propre entreprise», racontera ce dernier à Radio-Canada.


Quelques années plus tard, en 2011, Hosni fonde Voilà Learning, un service d'aide aux devoirs qui offre des services de tutorat en français. 


Sa mission : outiller les enfants pour qu'ils puissent avoir accès à une éducation de qualité.


Une partie des revenus de cette entreprise sociale serviront notamment à acheter des tablettes et du matériel éducatif pour des jeunes de familles défavorisées, tant au Canada qu'à l’étranger.


Comme l'explique Radio-Canada, «grâce à un outil de vidéoconférence, semblable à Skype, des élèves africains pouvaient apprendre et interagir avec des élèves et des tuteurs canadiens».


Voilà Learning  posera les bases de sa startup actuelle, Tech Adaptika, qu'il a co-fondé en décembre 2019.


Le projet de Tech Adaptika est d’offrir un véritable “campus virtuel” qui permet aux étudiants de reproduire en ligne les bénéfices de la vie sur un campus: travail collaboratif, rencontres avec professeurs et élèves, évènements, etc…


Destiné donc aux universités, aux grandes entreprises, institutions et autres, le campus virtuel a vu son succès quintupler depuis la fermeture des écoles et des universités en raison de la pandémie de COVID-19.


«La COVID a tout changé.  Les universités ont d'abord transféré leurs cours en ligne quand il leur a fallu fermer les campus, avant de se rendre compte que ça ne marche pas: émotionnellement c'est épuisant de regarder quelqu'un en Zoom… Du coup, elles sont venues nous voir pour trouver des solutions pour vraiment réimaginer leur offre», observe Hosni qui a été président Conseil de la coopération de l'Ontario (CCO) pendant quatre ans avant de démissionner pour des raisons personnelles et professionnelles.


Il mettra sur pied une politique de transfert des connaissances en ligne qui sera notamment utilisée en Afrique avec l'équipe du Fonds international de développement agricole de l'ONU, celui qui lui permettra de voyager en Afrique du Sud, en Haïti, au Nicaragua, au Ghana ou encore en Somalie, en 2012.


Une expérience qui l'a ensuite conduit à travailler pour l'Université Stanford, où il avait étudié en 2015 et qui l'a rappelé en 2018 pour devenir consultant et mettre en place un executive program (programme éxécutif) en ligne.


Marié et père de deux jeunes enfants, Hosni Zaouali ne quitte pas pour autant Toronto.


Devenus amis, les deux Français décident de travailler ensemble.


«Il y a autant de manière de monter une entreprise qu'il y a de cultures sur Terre», affirme Kwame.


Ils veulent appliquer la méthode Silicon Valley dans le Bassin Chalonnais.


C'est d'ailleurs pour cette raison que ce lundi 27 septembre, ils se sont rendus dans les bureaux du Grand Chalon.


Les deux entrepreneurs y ont notamment rencontré Annie Lombard, vice-présidente du Grand Chalon en charge de la politique de la ville, des solidarités, de l'emploi et de l’insertion, et Yannick Mahé, directeur de l'Usinerie.


«Toutes les planètes sont alignées pour faire quelque chose à Chalon-sur-Saône», s'enthousiasme Hosni.


«Bien entendu, il faut adapter la méthode à l'écosystème et aux spécificités locales. D'où l'intérêt de travailler avec des acteurs de terrain comme le Grand Chalon», précise Kwame.


«L'idée, c'est que les talents locaux travaillent sur le territoire tout en appliquant la méthode», renchérit son compère.


Pour l'heure, rien de concret donc affaire à suivre...


Si notre ville est une découverte pour Kwame, il en est tout autre pour Hosni puisqu'il a vécu et grandi à Chalon-sur-Saône.


Plus précisément, du Stade-Fontaine aux Loups puis des Prés Saint-Jean.


Après une jeunesse tumultueuse faite de nombreux petits démêlés avec la justice, Hosni qui ne veut pas mal finir, décide de changer du tout au tout.


«Il a fallu faire le bon choix», explique Hosni.


Dès lors, il ne fera plus jamais parler de lui en mal.


Après avoir fait Sports études au lycée Émiland Gauthey et des études, le jeune homme s'envolera pour le Canada en 2001 pour connaître cette formidable ascension qui le mènera des quartiers Nord de Chalon-sur-Saône à la Silicon Valley.


«J'ai découvert que rien est facile dans la vie. J'ai, aujourd'hui, tout ce qu'un gros dealer rêve sans verser dans les trafics : je roule en Tesla, j'ai une maison à 2 millions de dollars, et une entreprise qui emploie aujourd'hui 62 salariés. Ça montre que tout est possible!», déclare le Chalonnais d'origine, «tout est une histoire de perspectives».


Chez Hosni, pas question de se victimiser. De ses années difficiles, résilient, il en a fait une force. «Un camp d'entraînement», comme il le dira lui-même.


«N'abandonne jamais et n'arnaque personne! J'espère que ce seront les nouvelles lois du quartier», dit-il plein d'entrain.

 

 


Karim Bouakline-Venegas Al Gharnati

Hosni Zaouali et Kwame Yamgnane au Grand Chalon