Culture

Conférence sur la plasticienne Sophie Calle à la Maison des Syndicats

Par Karim BOUAKLINE-VENEGAS AL GHARNATI

Publié le 05 Décembre 2021 à 06h00

Vendredi 3 décembre de 14 heures 30 à 16 heures, les adhérents de l'Université pour tous de Bourgogne assistaient à une conférence consacrée à la plasticienne Sophie Calle devenue l'un des visages emblématiques de l'art contemporain en France. À la fois conceptuel et littéraire, son œuvre propulse l'intime dans la sphère publique. Plus de détails avec Info Chalon.

Sophie Calle est assurément une artiste talentueuse, et pourtant son activité n'a rien à voir avec la création de ce qu'on appelle en général des oeuvres d'art. Certains la disent photographe, d'autres la qualifient de conceptualiste, d'autres encore voient en elle un écrivain, mais aucune de ces descriptions ne convient tout à fait.  

Ce vendredi 3 décembre, l'Université pour tous de Bourgogne (UTB) donnait rendez-vous à ses adhérents dans la salle des congrès de la Maison des Syndicats pour une conférence consacrée à cette plasticienne de génie. 

Pour ce faire, le président de l'UTB, Yves Fournier, a invité Roger Courault, professeur d'histoire, afin d'animer cette passionnante conférence.

Sophie Calle est née à Paris en 1953. Son père, médecin, est aussi collectionneur d'art (notamment de pop art américain), fondateur et premier directeur du Musée d'Art contemporain de Nîmes (le Carré d'art). Il fait découvrir à sa fille les travaux de jeunes artistes français, tels que Christian Boltanski et Bertrand Lavier.

Grande voyageuse, elle se forge d'abord une culture politique et s’engage dans des mouvements militants au cours des années 1970.

De retour en France, elle entreprend des expériences singulières qui prennent la forme d'aventures ou de performances abolissant la frontière entre l'art et la vie. En 1979, Sophie Calle invite une vingtaine de personnes à dormir dans son lit, performance qui donne lieu à la publication du livre «Les Dormeurs», disponible chez Actes Sud. 

Elle suit également des inconnus qu'elle photographie, au fil d'une errance dans la ville. Recentrant sa démarche, elle se met à suivre un homme au hasard, ce qui la conduira jusqu'à Venise, ce qui donnera «Suite Vénitienne» (1980).

Sophie est invitée en 1980 à participer à la Biennale de Paris. Sa carrière débute. En 1981, Sophie Calle s'installe à Malakoff dans une usine désaffectée qu'elle partage avec Christian Boltanski et Annette Messager. Sa première exposition personnelle date de 1983.

Chez ces trois artistes, on retrouve d'ailleurs un même topos : le primat de l'absence, porte ouverte sur le désir. Sophie Calle travaille sur le thème de la trace, de la disparition, du manque. 

Elle réalise des installations qui tiennent parfois du reportage ou de l'inventaire, en se fondant sur son propre vécu, en entrant souvent par effraction dans la vie d'autrui. Son approche relève souvent de celle du détective, en quête d'indices, qu'elle met en relation avec sa vie. En ce sens, elle accorde une place de choix au spectateur, qui devient témoin, parfois voyeur, de son intimité (exhibée). L'œuvre relève du mélange entre fiction et autobiographie. Avec humour, elle prend de la distance avec son propre personnage.

Si l'autofiction constitue la part la plus connue du travail de Sophie Calle, elle n'en représente pas la totalité.

En 1986, l'artiste interroge par exemple des personnes aveugles de naissance afin de connaître leur définition de la beauté. En 1991, dans un musée de Boston, elle demande aux visiteurs de lui décrire des œuvres dérobées, dont l'absence était toujours visible. En 2002, à l'occasion de la Nuit Blanche, la plasticienne  reçoit des visiteurs dans une chambre installée au sommet de la Tour Eiffel, en leur donnant pour mission de la maintenir éveillée. Son travail d’artiste n’a pas une visée psychologique ou thérapeutique, mais il s'agit pour elle de «raconter des histoires».

Une grande rétrospective organisée à Paris en 2004 contribuera à sa reconnaissance publique. 

En effet, par le biais de l'autofiction, chacun peut se sentir concerné par les sujets qu'elle aborde (comme la rupture amoureuse).

Sophie Calle a également représenté la France lors de la Biennale de Venise en 2007. Elle a été récompensée du Prix Hasselblad en 2010. En 2017, en collaboration avec Serena Carone, Sophie Calle investit le Musée de la Chasse et de la Nature en présentant une installation protéiforme (photographies, vidéo, performances…). Elle compile par exemple un siècle de petites annonces publiées dans le magazine Le Chasseur Français. Son travail est exposé dans les plus grandes institutions mondiales, et régulièrement par son galeriste parisien Emmanuel Perrotin.

Devenue l'un des visages emblématiques de l'art contemporain en France, l'œuvre de Sophie Calle, souvent qualifiée d'autobiographique,  répond, du reste, parfaitement à la définition de cet art envisagée par la sociologue Nathalie Heinich, à savoir «un art du récit, fondé sur une fiction personnelle, exposé dans des institutions prestigieuses ou des galeries».

Elle utilise sa propre vie (parfois amoureuse), son territoire et ses rencontres comme matériaux pour construire des rituels, des installations où la photographie et le texte jouent une place prépondérante.

Prochaines conférences de l'UTB à 14 heures 30 dans la salle des congrès de la Maison des Syndicats, lundi 6 décembre, sur le marché de l'art, animée par Françoise Novarina-Raslovleff, présisente de l'association Abigaïl Mathieu; mardi 7 décembre, Flandre et Bourgogne : reflets croisés*, animée par la conférencière Alena Vacek, également animatrice du patrimoine; mercredi 8 décembre, l'Algérie coloniale : l'impasse, par Geneviève Guérin; et pour finir, le vendredi 10 décembre, la deuxième partie de la conférence consacrée aux femmes sculptrices du XIXème siècle, toujours animée par Matthieu Pinette.

* accessible aux non-adhérents de l'UTB pour 5 euros.

 

Karim Bouakline-Venegas Al Gharnati