Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - « Pour moi, c’est pas un coup de poing, c’est un retour de main »

TRIBUNAL DE CHALON - « Pour moi, c’est pas un coup de poing, c’est un retour de main »

Ils étaient venus en Bourgogne pour goûter la douceur de la retraite, et puis voilà pas qu’ils se sont disputés une cagette de pommes de terre, ou un entonnoir, et voici que monsieur, 63 ans, est à la barre.

Qui a dit que vieillir était facile ? Seuls ceux qui vieillissent peuvent le dire. Pour ce monsieur, on sent bien que les bases étaient fragiles, nécessitant des aménagements pas forcément porteurs, et, qu’au fur et à mesure du temps qui passe, angoisses et peurs prennent le dessus. L’alcool est entré dans la boucle. Il s’en défend énergiquement mais sa femme maintient fermement que si. « Il niait, alors j’ai fait quelque chose qui ne se fait pas, mais bon, j’ai fouiné et j’ai trouvé ». Elle a bien trouvé des bouteilles planquées et le vin, de toute façon, se comptait en cubis, au final. 

« Ça fait deux fois, monsieur »

Si monsieur est convoqué librement à l’audience des comparutions immédiates (juge unique, donc c’est une autre procédure en fait, mais on juge sans attendre, ndla), c’est qu’il est en état de récidive légale. Condamné en mai dernier pour des violences conjugales à 5 mois de prison assortis d’un sursis probatoire pendant 18 mois. « Ça fait deux fois, monsieur », insiste le président Dufour. Ce 17 mars on lui reproche d’avoir, le 10 mars à Frontenaud, poussé sa future ex-femme, l’avoir fait tomber, et lui avoir donné un coup de poing dont les traces étaient visibles au nez et à la lèvre. 

« Pour moi, c’est pas un coup de poing, c’est un retour de main »

Ce n’est pas acceptable, mais monsieur tortille, à la barre. Quelle est sa position, lui demande le président. « Le souci, c’est que je me rappelle pas comment ça s’est passé. - Vous aviez bu ? - Non, mais... - Vous reconnaissez avoir donné un coup de poing ? - Pour moi, c’est pas un coup de poing, c’est un retour de main ou je sais pas comment. » Bref, il finit par reconnaître mais rejoint néanmoins la cohorte de ses congénères qui décidément n’assument ni ce qu’ils sont ni ce qu’ils font ou disent. Son ex-compagne le confirme : « C’était sa façon de vivre. ‘J’ai pas dit ça’, ou ‘j’ai pas fait ça’. »

Il ne veut pas vraiment savoir, il ne veut pas trop savoir

« Il y a quand même un problème, monsieur », lui dit le président. « Oui, mais j’arrive pas à le définir. » C’est sûr que lorsqu’un coup de poing se définit par « un retour de main », c’est qu’on a des problèmes de définition. Ou des difficultés à nommer les choses par leur nom. Et ça revient au même : se défiler, se soustraire à des réalités auxquelles on ne veut pas faire face, ou auxquelles on ne peut plus faire face. Vu l’état de santé physique mais aussi forcément psychique du prévenu, on peut comprendre qu’il y a des raisons à cela.

C’était pas malin, m’enfin ils étaient deux dans le jeu

Maître Diry évoque un autre facteur qu’il appelle « la responsabilité de la maturité ». Il estime que madame, déjà victime en mai et qui devait déménager ses affaires en étant accompagnée, s’est quand même pointée seule au domicile de monsieur pour trier des affaires. Et c’était pas malin. De même qu’il n’était pas malin de la part de monsieur - mais cohérent avec l’ensemble de son attitude - , de dire aux gendarmes qui voulaient lui parler, qu’il était parti à Paris voir sa fille, puisque c’était des salades. Donc, ça raconte des craques, et puis ça dit au juge : « J’ai dit ça, mais sans penser à mal. » Joueur. Joueurs. 

Décalages

Marie-Lucie Hooker, substitut du procureur, dessine en deux traits ce que Benoît Diry plaidera sous l’angle des « décalages ». « Monsieur et madame sont séparés, mais selon monsieur, ils sont restés en bons termes, alors que selon madame, pas du tout : il lui fait du chantage, a des difficultés à lui restituer ses affaires, etc. » Elle requiert une peine mixte et la révocation partielle du sursis prononcé en mai dernier. 

Peine aménagée en détention à domicile

Le tribunal déclare monsieur coupable, le condamne à la peine de 8 mois de prison dont 4 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, avec interdiction de contact et de paraître au domicile de madame, obligation de soins. Ordonne l’exécution provisoire (ces mesures s’appliquent immédiatement), car la partie ferme (6 mois) est aménagée en détention à domicile sous surveillance électronique. Le président enfonce le clou : « Vous aviez déjà un pied en prison, hein », alors, gare.

FSA