Agglomération chalonnaise

BÉNABAR, Indocile heureux : « Chroniquer sans complaisance, mais aussi sans pathos »

Par Nathalie DUNAND

Publié le 23 Mars 2022 à 14h01 , mise à jour le 27 Mars 2022 à 14h59

BÉNABAR, Indocile heureux : « Chroniquer sans complaisance, mais aussi sans pathos »

Drôle et profond, tendre et indocile : le chanteur Bénabar assume ses contradictions avec panache et fantaisie. Toujours accompagné de ses fidèles musiciens et techniciens, il repart sur les routes pour une tournée qui fera escale à Chalon-sur-Saône, le mercredi 30 mars. On a hâte !

Bon, on ne va pas tourner autour du pot : si le second degré vous échappe, alors Bénabar aus-si ! Comme pour Félicie.

Depuis les textes truffés de perles d’humour de cet auteur-compositeur-interprète jusqu’à sa personnalité, tout oscille entre la profondeur du regard posé sur le quotidien et l’autodérision. Si vous avez déjà vu les vidéos de son site officiel, vous comprendrez : Bénabar, c’est le bon vivant, avec un humour ironique à souhait, même quand ses histoires nous remuent. Mais pas que. C’est aussi un observateur de la vie, et ses mots font mouche. Comment fait-il ? Eh bien, nous lui posons la question.

Nathalie : Après 2 ans sans concert, vous retrouvez le public. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Bénabar :
C’est davantage que du bonheur, c’est un besoin. Faire de la musique sans rencontrer le public, ça n’aurait aucun sens pour moi, ça frôle le morbide. Et je ne parle pas de promo, je parle de ce qui se passe entre nous et les gens. Leurs réactions, leurs émotions vibrent et circulent de l’un à l’autre. C’est comme le théâtre, on écrit pour être joué. Je trouve ça émouvant en fait. Et c’est la base de toute ma démarche artistique.

Nathalie : Aimer la scène, les tournées, c’est votre côté bon vivant ?

Bénabar : C’est vrai que ça va ensemble. Avec toute l’équipe, on prend la route, on se déplace partout, même dans les villes qui n’ont pas de zénith. Et puis, on fait attention à l’endroit où on va manger. On met un point d’honneur à abuser des produits locaux ! (rire)

Nathalie : Dans la chanson « Monogame » – pour une fois un texte qui n’est pas de vous, mais de Pierre-Yves Lebert –, vous rendez hommage aux couples qui durent. La fidélité, c’est quoi pour vous ? Par exemple avec vos musiciens ? 

Bénabar : Avec les musiciens, techniciens compris, on se connait depuis 20 ans. C’est important, parce que pendant une tournée, on vit côte à côte, sur la scène et sur les routes. J’aime bien cette idée de bien vieillir ensemble, se connaitre et se remettre en question ensemble. D’une manière générale, ça me touche beaucoup cette façon de voir la vie, ne jamais avoir peur du quotidien, de la routine. Contrairement aux albums, où là, j’aime la nouveauté.

Nathalie : Vous avez sorti 2 albums en 1 an : Indocile heureux et On lâche pas l’affaire. Est-ce que ça signifie que vous écrivez sans cesse ?
Bénabar :
Oui, il y a toujours un projet à gauche, à droite. Pas toujours quelque chose qui mérite d’être écouté. Mais la dynamique et l’écriture sont là. Je prends des notes, j’aime bien chroniquer.

Nathalie : Est-ce qu’on peut dire que dans ce dernier album, On lâche pas l’affaire, vous sortez d’une zone de confort ? Que vous vous dévoilez, vous vous sentez plus libre ?
Bénabar :
Je n’ai pas vraiment de zone de confort, tout est un peu inconfortable pour moi et ça m’a toujours porté dans la création. Mais peut-être qu’en effet, avec les gens avec lesquels j’ai travaillé, comme Bertrand Lamblot, j’ai un peu moins de pudeur, je me suis autorisé plus de choses qu’avant.

Nathalie : Dans la chanson « Indocile heureux », vous vous moquez gentiment de certaines prises de position, des faux engagements. Y a-t-il des thèmes que vous évitez ?

Bénabar : A priori, je n’évite pas de sujet. Mais les chansons engagées me font très peur. Une chanson n’est pas un manifeste ni un tract. Alors, je n’ai pas à proprement parler d’interdit sur la politique, disons que je n’ai pas trouvé d’angle.

Nathalie : Ce qui est singulier dans vos chansons – et c’est la patte Bénabar – c’est ce mélange de légèreté dans les musiques festives et une vision de la vie parfois un peu sombre. Vos textes sont tout à la fois drôles et poétiques. Je pense au duo avec Renaud « Chez les Corses ».

Bénabar :
J’aime bien chroniquer sans complaisance, mais aussi sans pathos. On peut dire des choses profondes tout en divertissant. D’ailleurs, l’idée du divertissement m’obsède artistiquement. C’est comme le cirque : c’est une discipline grave et profonde, mais quelque chose de spectaculaire aussi ; ou comme le courant réaliste en littérature ou en peinture : on y parle du quotidien et c’est tout sauf une facilité ou quelque chose de prosaïque, de terre à terre.

Nathalie : Ce fameux duo avec Renaud, qui fait partie de vos amis, est autobiographique, je crois ? On sait qu’il refuse les duos maintenant, mais il a pourtant accepté ?

Bénabar :
Oui et j’ai beaucoup d’admiration et de gratitude qu’il ait accepté de faire ce duo. Je crois que la chanson l’amusait. Et puis c’est amusant de parler des Corses, Phil et Martial, parce que ça fait partie de nos vies à tous les deux. C’est Renaud qui me les a présentés, on est devenus amis.

La chanson est autobiographique mais, comme toutes les histoires que racontent mes chansons, l’objectif principal, c’est qu’elles puissent émouvoir quelqu’un, pas rester bêtement nombrilistes. Rendre les vécus universels est une grande partie du boulot.

Nathalie : Bénabar, êtes-vous pessimiste, bon vivant ? On peut être les deux, comme le clown triste…
Bénabar :
Oui, les deux, ça va d’ailleurs souvent ensemble. Je fais partie des pessimistes qui luttent contre leur penchant naturel. Je compense avec mon côté bon vivant. Ce n’est pas si contradictoire que ça. J’aime le côté rigolo de la vie, avoir un point de vue amusé sur les choses. Il y a plein de comiques qui ont une vision sombre de la vie. C’est pas pour rien que je fais ce métier-là, en fait.

Nathalie : Une question clin d’œil. J’ai lu que vous aviez pris des cours de chant. C’est pour être à la hauteur d’un ténor comme Renaud ?

Bénabar : (éclat de rire) Ben, je trouve que Renaud chante mieux qu’il y a quelques années ! Mais oui, pour en revenir à mes cours de chant – d’ailleurs, j’en ai un tout à l’heure – c’est important pour moi. Je me laissais un peu aller ces derniers temps, je m’abritais derrière le côté interprète.

Nathalie : Vous allez bientôt faire l’Olympia. Est-ce une salle particulière pour vous ?

Bénabar : Non, franchement. Et ce n’est pas pour être populiste, mais pour moi, jouer à Paris, c’est pas plus important que jouer à Chalon-sur-Saône ou ailleurs. Ce qui m’émeut, c’est la tournée, voir des villes, des gens, le public. Donc non, l’Olympia ne me bouleverse pas plus que ça.

Nathalie : Dernier mot, Bénabar. Manolo, votre fils, touche sa bille, comme on dit, avec sa guitare. Est-ce qu’un jour, il accompagnera son père sur scène ?

Bénabar : Je sais pas, ça dépend vraiment de lui. Je crois que c’est important que les enfants fassent leur propre chemin. On n’en est pas encore là. Pour l’instant, il m’accompagne aux soirées entre copains, on sort les guitares et on massacre joyeusement le répertoire des chansons françaises (rire).

Propos recueillis par Nathalie DUNAND
[email protected]

BENABAR – INDOCILE HEUREUX
Mercredi 30 mars 2022 à 20 h 30
Salle Marcel Sembat
Tarif normal : 48 €
Réservation sur le site du producteur Anim 15 : ticketmaster.fr
Facebook Bénabar : https://www.facebook.com/Benabarofficiel
Clip « Chez les Corses » : https://www.youtube.com/watch?v=JV9ai2zkOyk