Faits divers

Mort d’un point de vente de cannabis, rue Messiaen à Chalon

Mort d’un point de vente de cannabis, rue Messiaen à Chalon

Le jeune trafiquant avait confectionné une carte de fidélité pour accrocher sa clientèle. Son petit bizness lui permettait de vivre. Les magistrats lui ont reconnu des qualités indéniables pour mener des affaires.

La BAC de Vitry-sur-Seine avait passé le renseignement à celle de Chalon : un de ses informateurs signale un trafic rue Messiaen, il a donné le prénom du trafiquant. Celui-ci, jugé à la barre ce lundi 27 juin, a tout d’un jeune ado et la voix d’un homme. Il est né en 2003, à Chalon. Il faisait sa pub via un compte Instagram et ses clients étaient gratifiés d’une carte de fidélité, de celles dont cette société raffole, tant il est difficile de résister à un petit bonus, un petit plus. On a les privilèges qu’on peut, ce jeune homme a tout compris.

Il avait une nourrice

Il a compris bien des rouages mais il s’est fait arrêter le 3 mai dernier, attendu que ce commerce-là est illégal et s’appelle, pour cette raison, « un trafic ». Les policiers ont fait des surveillances vers le point de vente, et quand ils ont eu assez d’éléments pour la procédure, ils l’ont interpellé avec son coloc. Le prévenu stockait ses produits chez sa voisine, rémunérée environ 250 euros par mois pour garder sagement ses sacs, il avait ses clés et il venait chercher ce dont il avait besoin. La police y a trouvé du cannabis et des cachets qui auraient réagi au premier test comme contenant de la cocaïne mais dont l’analyse en laboratoire atteste que ce sont des comprimés de molécules permettant de combattre les allergies ou l’asthme. « Il ne les avait pas mis à la vente, parce qu’il ne savait pas ce qu’ils contenaient » explique maître Halvoet. D’où ils provenaient ? Mystère.

Des petits cadeaux aux bons clients

Il reconnaît 6 mois de trafic avec une croissance exponentielle, grâce à son animation commerciale sur Instagram. Outre les cartes de fidélité, il offrait à ses bons clients des cartes à gratter de la Française des jeux. Ses emballages étaient soignés. Il les achetait sur un site puis les customisait, il avait créé un logo, tout. « Toute cette énergie, cette créativité, vous êtes-vous dit que vous pouviez les investir dans une activité légale ? » lui demande la présidente Catala. 
Le garçon est cash. « Oui, mais c’était plus facile que de travailler et puis ça payait ma conso, j’étais à fond dans le truc. » Ces deux derniers mois il avait un fichier de 115 clients et empochait 500 à 600 euros par jour. Avec ça il payait sa marchandise, sa nourriture, ses factures, etc. Il en vivait, donc. Fils unique, parents divorcés, il a eu un bac pro et un BEP cuisine mais ça ne lui dit plus rien après une première expérience. Il aura 19 ans dans quelques semaines, il est dégourdi, à lui de voir.

Réquisitions 

Anne-Lise Peron salue elle aussi « un certain talent pour le marketing » mais souligne également l’amateurisme du garçon, « il laissait beaucoup trop de traces ». La substitut du procureur balance entre le casier vierge du prévenu, sa franchise, son amateurisme, et les 10 ans de prison encourus pour le trafic de stupéfiants, les dégâts sur la santé des autres, l’économie souterraine que ça alimente, etc. Elle requiert la peine de 10 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans avec la poursuite du suivi AIR (démarré pendant le contrôle judiciaire). « Un suivi qui lui profite, il en a besoin », dira l’avocate du prévenu.

Défense 

Maître Halvoet évoque des relations intra familiales compliquées qui finissent par le détacher du noyau et le mènent à se loger rue Messiaen, puis à se démerder. Pas de permis de conduire, pas de ressources, peu de relations familiales, il trafique. Ça fait deux ans qu’il prend du cannabis. Son père a découvert la situation après l’arrestation de son fils. Il ne souhaitait pas le retour du fils à son domicile mais s’est démené pour lui trouver une solution d’hébergement en dehors de la ville. L’avocate fait le récit d’un parcours de vie « très complexe ». Maman fragile, beau-père violent avec lui, saisine du juge aux affaires familiales, le fils doit prend la porte, fissa. Relations pas simples avec son père et sa compagne. Il vit des ruptures trop violentes alors qu’il n’est pas encore assez armé pour se débrouiller tout seul, du moins légalement. « Aujourd’hui il aspire à autre chose », conclut son avocate qui le décrit « terrifié » lors de son déferrement. Elle pense qu’il se berçait d’une bonne dose d’inconscience.

Décision 

Le tribunal relaxe donc partiellement le prévenu pour la détention des gélules, le déclare coupable de tout le reste et le condamne à la peine de 12 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire pendant deux ans, avec les obligations de : poursuivre avec le dispositif AIR, travailler, suivre un stage de sensibilisation aux dangers des produits stupéfiants, suivre des soins, aucun contact avec l’ex-coloc et la voisine). Il sera accompagné sur plusieurs plans : les formations professionnelles et le travail, l’accession au logement, les soins en addictologie, un juge de l’application des peines le suivra aussi. A charge pour lui de prendre une bonne porte, ou, à défaut, un an de prison.


FSA