Culture

Guillaume Meurice sur le point de saucissonner avidement moult pans entiers des modèles sociétaux à Chalon

Guillaume Meurice sur le point de saucissonner avidement moult pans entiers des modèles sociétaux à Chalon

Avoir la faculté d’être tout ouïe devant les foisonnants traits d’esprit de l’humoriste Guillaume Meurice jaillissant de son propre geyser, c’est l’aubaine du public qui s’en sera donné les moyens. Prévoyant, car têtes en l’air pleurez à chaudes larmes, toutes les places sont d’ores et déjà allouées pour ce samedi 8 avril à 20h, en la salle Marcel-Sembat de Chalon-sur-Saône. Croquez donc à pleines dents dans son interview.

Vous êtes natif de Chenove, donc vous êtes pratiquement un régional de l’étape. Chalon, est-ce que cela vous parle ?

«Oui, j’ai grandi en Haute-Saône, après je suis venu à côté de Dijon, à Ch’nove comme on dit, et après j’ai déménagé assez tôt en Haute-Saône. Donc la Saône ça me parle, les boucles de la Saône. Chalon-sur-Saône, j’avoue que je connais un peu moins, mais j’ai des amis dans la région, donc je vais en profiter pour aller les voir. »

Cette fois c’est vous qui parlerez aux Chalonnais ce samedi  8 avril. Que leur direz-vous en face à face ?

« Je joue un personnage qui se présente à l’élection présidentielle, avant c’était 2022, maintenant c’est 2027. Je fais une parodie de meeting politique, ce qui me permet de dérouler tout un programme. Ce qui est pratique dans cette configuration c’est de pouvoir aborder tous les thèmes de société : je parle de police pas mal, j’ai même rajouté des choses. C’est un spectacle qui s’adapte au fur et à mesure en fonction de l’actualité ; il y a aussi la justice, l’éducation, l’écologie. »

Est-ce bien sérieux, l’humour ?

«C’est une vaste question ! On essaie de faire des choses sérieusement sans se prendre au sérieux, c’est un peu le principe. Normalement non, ce n’est pas fait pour être sérieux, mais est-ce qu’on peut dire des choses quand même, est-ce qu’il y a des choses cachées derrière les blagues ? Peut-être, on ne sait pas…Ca reste un spectacle d’humour, donc la promesse que je fais aux gens c’est qu’ils vont se marrer. Après, effectivement, je suis comme tout le monde, en tout cas tous les humoristes font avec leur obsession. Celle que j’ai, c’est quand même pas mal l’organisation de la société. Comment ça se fait que les êtres humains qui sont censés être les animaux les plus brillants de la biosphère arrivent même à mettre en péril leur propre survie ? Ca a tendance à me passionner. »

Pourrait-il être enseigné à l’école ?

«Ah ça c’est une question que je me suis beaucoup posée, il y a quelques écoles de one-man-show qui existent, on m’a même proposé de participer à des sortes de master class ou de faire des interventions, mais je ne sais pas, je suis un peu réticent. Je pense que le théâtre ça s’enseigne, après l’humour c’est un ingrédient du théâtre. Des cours de théâtre j’en ai fait, ça m’a beaucoup servi, c’est intéressant de creuser d’autres sillons que le comique, se frotter à d’autres choses. Maintenant, faire spécifiquement sur le rire, comment faire rire, ça a tendance à me foutre un peu le cafard. »

L’humour ouvre-t-il le champ de tous les possibles ?

«Je pense que oui, c’est une manière de prendre du recul avec le réel, déjà c’est un moyen de défense, un peu un réflexe, en tout cas que j’ai, et puis une manière de dire au réel qu’il ne me fait pas peur, que je rigole de lui. C’est un peu un défi l’humour, surtout quand on fait de l’humour sur l’actualité, surtout en ce moment, mais ça je pense qu’on pouvait le dire à toutes les époques. Il y a une phrase de Victor Hugo que j’aime bien : »...étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait… ». Ca me parle assez. J’ai toujours été comme ça, même gamin avec ce côté un peu frondeur, le défi à l’autorité, ce genre de choses, enfin c’est pareil. L’idée de l’humour, c’est que ça permet de ne pas subir, ou d’avoir l’impression de ne pas subir. »

Que ce soit un micro-trottoir, une chronique sur France Inter, un one-man-show, vous variez les moyens pour un plaisir maximal ?

« J’aime bien explorer différentes sortes, essayer de m’amuser avec toutes les formes possibles. Je fais même des documentaires, là je scénarise une BD avec une amie dessinatrice. En fait je suis assez curieux de nature, j’ai même fondé un groupe de musique, mon spectacle d’avant c’était un groupe de musique. Il faut dire aussi que j’ai la chance avec la petite exposition médiatique dont je bénéficie de pouvoir trouver un écho assez favorable à chaque fois que je lance un projet, et puis on m’en propose également beaucoup, donc ça me permet de développer pas mal de choses, mais c’est vrai que ça me plaît. Ce n’est pas que si je ne faisais pas ça je me lasserais, mais comme j’ai l’opportunité de le faire, je le fais. »

Avez-vous la sensation qu’au fil du temps votre humour évolue, gagne en maturité ?

«Oh là, alors ça je n’en sais rien (rires) ! J’imagine que oui, parce que comme j’évolue, j’espère en tout cas que mon humour, je ne sais pas trop comment on pourrait le définir, en tout cas mon point de vue, s’aiguise ou se précise. C’est marrant, car souvent quand on commence dans l’humour, le premier spectacle qu’on fait, comme c’est le premier et qu’on ne sait pas s’il y en aura d’autres, on a tout de suite tendance à vouloir mettre tout dedans. Souvent c’est le défaut des premiers spectacles, c’est que c’est assez fouillis. C’est vrai que dans mon premier spectacle j’abordais déjà pas mal de thématiques, parce que je mettais tout ce que j’avais à dire sur le moment. Avec le temps on gagne peut-être un peu en sagesse et on se dit : si je n’utilise pas cette thématique-là dans ce spectacle, je peux en parler ailleurs, faire un autre projet. Peut-être que j’ai gagné là-dessus. De la même manière que quand on fait une chronique quotidienne, c’est moins compliqué qu’une chronique hebdomadaire, parce qu’une chronique hebdomadaire ça devient la chronique de la semaine, donc on a tendance à se mettre un peu la pression en se disant : bon, qu’est-ce que je vais raconter aujourd’hui, qu’est -ce que je vais dire cette semaine…Alors que quand on a une chronique par jour, on se dit qu’il y a deux-trois thèmes, et puis voilà, au pire si je ne les fais pas, je les ferai la semaine prochaine. Il y a moins de pression sur un seul moment. Les spectacles c’est pareil, j’ai l’impression que quand on en fait plusieurs d’affilée on prend un peu une certaine forme de confiance en soi, et on se dit que si on laisse une thématique de côté  on pourra toujours s’en servir plus tard.»

A-t-on la fibre humoristique très jeune, dans son ADN, ou alors même le réfractaire peut-il s’y mettre ?

«Je suis assez convaincu que c’est l’éducation et l’environnement qui nous construisent quand même en majorité. Je ne parlerai pas d’ADN ni même de fibre, ça dépend ce qu’on appelle fibre, mais j’ai grandi dans un contexte où on se marrait beaucoup. Je n’avais pas la télé quand j’étais gamin, donc les repas de famille étaient assez animés, on débattait, on rigolait. Mes parents avaient une Maison de la presse quand ils ont déménagé en Haute-Saône justement, et j’ai le souvenir d’un endroit assez jovial  où ça rigolait beaucoup, où ça se vannait beaucoup, donc il fallait avoir du répondant. C’est plutôt ce contexte-là qui m’a servi pour aujourd’hui j’imagine. C’est assez simple en fait l’humour, on dit souvent que c’est hyper compliqué de faire rire, je ne vais pas faire le mec genre c’est trop facile, mais l’idée, c’est qu’on a tous des choses qui nous font rire. Il faut écrire et proposer des choses qui nous font rire nous, et les partager, avant de chercher à faire rire untel ou untel. »

Quand on humorise comme vous le faites, est-on tenté d’aller de plus en plus loin ?

«Ca dépend ce qu’on appelle loin ! Désolé, je joue un peu sur les mots, mais les limites que je me suis fixées, déjà ce sont celles de la loi, que je trouve pas mal foutues : la diffamation, l’injure publique…Souvent il y a des choses très, très marrantes, donc ce ne sont pas des choses que j’utilise. Ma limite, c’est la vie privée. Je me dis que si je suis au courant que telle ou telle personne, admettons, est en couple avec telle ou telle autre personne, si cette personne-là n’en fait pas la publicité et ne s’en sert pas dans sa communication, c’est un terrain sur lequel je ne vais pas. Ca me semble assez juste, assez proportionné. »

Crédit photo : Odile Huleux (les deux premières), et Magali R.

                                                                                                  Propos recueillis par Michel Poiriault

                                                                                                 [email protected]