Culture

Au trente-sixième dessous, chicandier n’en a pas démordu…

Au trente-sixième dessous, chicandier n’en a pas démordu…

« Matin chantant ». L’intitulé de ce spectacle au comique de caractère joué ce jeudi 25 mai en la salle Marcel-Sembat de Chalon-sur-Saône porte à croire de prime abord que l’on se dirige tout droit vers une poésie à n’en plus finir. C’eût pu être ceci, mais, au risque de vous décevoir peut-être, c’est la partie sombre d’individus chancelants qui a eu la prééminence. Et le rire de prospérer dans la fange.

De la basse besogne

Chicandier (Laurent Regairaz pour l’état-civil), incarne selon ses dires « un gros porc raciste-alcoolique-dégeulasse ». Guère flatteuse l’image, et on comprend dans ces conditions que sa femme et sa fille aient irrémédiablement pris leurs distances avec lui. Tombé dans le caniveau, l’hurluberlu sans foi ni loi pousse le bouchon très loin avec ses aides de camp que sont le langage cru, le verbiage et la trivialité, qu’il éructe plus souvent qu’à leur tour. Affublé de tous les vices, dont une sexualité primaire à sens unique, ce citoyen de bas étage se traîne dans une atmosphère glauque où il fait les quatre cents coups, touchant le fond. En quelque sorte ensauvagé, le beauf est une épave dont la déchéance n’a d’égale que la déshérence. On peut le clamer haut et fort : sa vie n’est qu’un champ de ruines ! La caricature est tellement excessive (du moins l’espère-t-on…) que le public se répand en rires gras et impulsifs ne demandant qu’à passer à l’action.

 

Les vieux démons, acteurs, spectateurs, puis…

Sa mise à l’écart le fait cohabiter avec son comparse Mathou Cann (Mathias Cannariato, d’autre part coauteur). Copains comme cochons, qu’ils sont, tant et si bien qu’il n’y en a pas un pour rattraper l’autre ! La dive bouteille ainsi que son addiction pour le poker font des ravages, faisant atteindre des extrémités au ventripotent, dont il est plutôt malaisé de se relever. Sa descente aux enfers l’amène à se fondre dans l’âpreté de la rue en bon clodo qu’il est devenu, et dans le reconditionnement de l’institution psychiatrique. Fatalement, arrive un moment où il s’avère impossible de dégringoler davantage, tandis que l’électrochoc remonte à la surface la raison.  Eurêka ! La prise de conscience a fini par prendre le dessus : il s’achète une conduite, s’exile en Ardèche, adopte le métier de charpentier, partage l’existence d’une nouvelle femme, végétarienne. On se dit alors qu’il devient quelqu’un de rangé souhaitant expier ses fautes passées après avoir botté le train de ses erreurs de jugement. On vous le donne en mille : chassez le naturel, il revient au galop ! Effectivement, c’était trop beau pour être vrai, et cette vie de patachon qui lui sied comme un gant repart de plus belle vers des frasques sans queue ni tête…

 

                                                                                                                 Michel Poiriault

                                                                                                                 [email protected]