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TRIBUNAL DE CHALON - « Comme un insecte qu’on écrase » : 2 ans ferme pour violences conjugales

TRIBUNAL DE CHALON - « Comme un insecte qu’on écrase » : 2 ans ferme pour violences conjugales

« Elle a crié sur moi, alors je l’ai poussée. – Elle est tombée ? – Oui, mais elle est repartie en pleine forme, hein. – Elle était si en forme qu’elle est passée deux fois aux urgences. »

L’homme est tendu. Il a un casier judiciaire conséquent et, alors qu’il ne voyait plus la justice depuis sept ans, le voilà qui doit répondre de violences sur sa compagne. Il est jugé en comparution immédiate ce jeudi 7 décembre. 

Il y a trois jours, le 4 décembre, la police est requise en milieu d’après-midi. Un équipage se rend à Châtenoy-le-Royal chez une femme dont la mère, qui se trouvait chez elle, a été victime de violence. 
La mère vit en principe à Saint-Marcel avec son compagnon, mais loge chez sa fille depuis le 1er décembre suite à une première scène et à un premier coup. Le 4 décembre, son compagnon était venu la récupérer, de force, puisqu’elle ne voulait pas le suivre. 

Des stries sur le visage tuméfié

Alors qu’elle se reposait sur un lit, il est entré, lui a dit « Viens avec moi », elle a dit « non », et deux secondes plus tard se retrouvait au sol, la semelle de la chaussure de son homme imprimée sur sa joue. Les policiers le constatent : côté droit du visage tuméfié, un œil poché, et des stries évoquant la semelle… Placé en garde à vue, l’homme est entendu trois fois mais conteste. Il est placé en détention provisoire le 6 décembre. A l’audience, sa position a changé.

Qu’on comprenne bien 

« C’est vrai que je lui ai mis un coup de pied dans la g… . Je reconnais.
- Pourquoi ? lui demande la présidente Catala.
- Parce qu’elle m’énervait, quoi. »
La présidente y revient : au commissariat, il a dit plusieurs fois qu’elle avait vacillé, l’avait entraîné dans sa chute, mais à l’audience, qu’on comprenne bien, il dit qu’elle est tombée par terre et qu’il lui a donné un coup de pied dans la tête, c’est bien ça ?  « Voilà, tout simplement. » 

En manque de boussole

Après, le prévenu dit que de toute façon, maintenant, il se fout de tout et que s’il reste en prison, il se suicidera, et il évoque sa tragédie : un de ses enfants s’est suicidé. « J’ai perdu mon fils quand j’étais en prison », « je suis déboussolé ».
Il est déboussolé ça se peut mais pour autant, en quatorze ans de vie commune avec madame, il ne semble pas y avoir eu de violences, alors pourquoi maintenant ? Maître Thomas donnera une piste : madame voulait se séparer de lui mais n’osait pas, par peur de ses réactions. Ben voilà, deux fois trois jours d’ITT.

« On était très fusionnels »

« Vous comprenez que madame a peur ? – Mais peur de quoi ? Y a jamais rien eu ! Je suis choqué à mort d’avoir fait ça. – Vous vous êtes fait peur ? – Ah oui je me suis fait peur ! J’ai un remord, maintenant. Je m’en veux, c’est ma femme, quoi. » Le 4 décembre, c’est lui qui a demandé au gendre de la victime d’appeler les secours.
Il finit par dire ce qui lui a fait franchir les limites : « Y a presque quatorze ans que j’étais ensemble. » La syntaxe étonne mais il en donne le sens juste après et c’est cohérent : « On était très fusionnels. » Voilà. La fusion prenait fin, c’était pas supportable. L’empreinte de la semelle de sa chaussure sur le visage de sa femme, comme il dit, le raconte.

Douche froide

Dix mentions au casier. Charles Prost, vice-procureur, en fait son grain, sur la foi de cette semelle comme collée sur le côté droit du visage de cette femme : « Au casier de monsieur, 4 condamnations pour des violences ou des faits de vols avec violence. Une des victimes n’est plus là pour en parler (vol avec violence ayant entraîné la mort : 12 ans de réclusion criminelle en 1994). Il est extraordinaire que monsieur, qui arrive à un certain âge (le prévenu est né en 1965, ndla), n’ait pas compris qu’il est quelqu’un de violent, et vienne dire qu’en cas de condamnation il veut se suicider. » 
Le procureur ne voit pas « l’intérêt d’une peine mixte », requiert 2 ans de prison avec maintien en détention et interdiction de tout contact avec la victime.

Douche tiède

Maître Thomas salue le changement de position du prévenu, d’une phrase ô combien juste : « On voit à quel point le temps est important. » L’avocate dit quelques mots apaisants : « Madame dit bien qu’elle a été heureuse avec lui. » 
Puis : « Il a eu un parcours de vie très cabossé (ou de vie très cabossée, ça marche aussi). Il a perdu son père et ses deux frères dans un accident de la route, son fils s’est suicidé. C’est quelqu’un de fragile. Il est reconnu handicapé à 80 % ce qui est considérable, et il prend toujours un traitement. Le procureur dit qu’il n’a pas exprimé de regret, pourtant moi je les ai entendus, ces regrets. On est sur une problématique très affective, deux ans de prison c’est trop sévère. »

« Comme un insecte »

« Vous dites qu’elle est tombée par terre, et que vous lui avez donné un coup de pied dans la tête, c’est bien ça ?  - Voilà, tout simplement. » La présidente avait ajouté : « Comme un insecte qu’on écrase, quoi. »

Derechef, douche froide

C’est ainsi que le tribunal va au-delà des réquisitions, condamnant le prévenu à la peine de 3 ans de prison dont 1 an est assorti d’un sursis probatoire pendant 2 ans, avec obligations de soins psychologiques ou psychiatriques, interdiction de tout contact avec madame et avec sa fille ainsi que de paraître aux domiciles de chacune, où qu’ils soient, et interdiction de paraître en Saône-et-Loire.
Pour les 2 ans ferme, le tribunal ordonne le maintien en détention. 
« Je vais notifier par oral, parce que vous ne savez ni lire, ni écrire. Vous êtes en capacité de signer ? – Oui. – Alors vous allez signer. » 

FSA