Faits divers
TRIBUNAL DE CHALON - Port d’un BAR : le traqueur sera tracé pendant 2 ans
Par FSA
Publié le 01 Février 2024 à 21h36
« Oui, oui, j’étais contre le divorce » dit énergiquement le prévenu. Il était contre... Il a loué des voitures pour suivre son épouse, placé des trackers dans ses vestes, dans son sac, et le 27 janvier la police s’est déplacée.
Le mis en cause est placé en garde à vue pendant que son épouse est orientée à l’hôpital. Elle a griffé monsieur et lui a mordu le doigt ? Elle est placée à son tour en garde à vue. Au final c’est lui qui est poursuivi, il est placé en détention provisoire en attendant son jugement.
Le prévenu est né en 1986 en Algérie, ce fait compte dans sa façon de voir les choses, on le constatera. Il doit répondre, ce jeudi 1er février à l’audience des comparutions immédiates, de violences sur sa femme, le 27 janvier dernier, mais aussi d’atteinte à l’intimité de la vie privée par localisation, du 8 au 24 janvier.
La caution belle-mère, la caution religion, beaucoup de cautions
Alors, il répond... il parle beaucoup, avec force, fort. Au bout de 25 minutes, la présidente l’amène à dire s’il trouve tout ça normal... Il dit « Non c’est pas normal ! », mais il parle de son épouse... Jaloux ? Énormément. Il n’en dormait plus, n’en mangeait plus, dit-il, en arrêt depuis le 12 janvier pour « anxiété ». Pourtant l’agresseur c’est lui. Il a beau justifier tout de ses actes par le fait que « c’est elle qui... », naturellement ça ne peut pas marcher, d’autant moins qu’il s’enferre. Après la caution belle-mère, « je lui ai dit, ta fille, voilà ce qu’elle fait... Elle savait que j’avais mis des traceurs, etc. », la caution religieuse : « Par rapport à notre religion, c’est mes droits. Après, par rapport à la loi ici, je sais pas. »
Violences sur la voie publique, sous l’œil d’une caméra
Ils se sont rencontrés de 2011, mariés en 2012, trois enfants. Il travaille comme chauffeur-routier. La scène de violences a eu lieu avenue des Aubépins. Une caméra a tout filmé. Un médecin a relevé les blessures et lésions sur la femme. Même si l’ITT est inférieure à 8 jours, il y en a beaucoup, sur tout le corps, sans compter une fracture des os propres du nez. Elle s’est défendue, on l’a dit, mais la présidente relève que le rapport de forces n’était pas en la faveur de la femme.
La doublure : un peu du diable dans ce détail
La présidente Noirot essaie de situer le degré de volonté de surveillance et donc de coercition du prévenu sur son épouse. « Les traceurs étaient dans les poches des vestes ou dans les doublures ? - Dans les doublures. - Il a fallu découdre un peu ? - Oui. »
Aveuglé par « une rage » nourrie « par sa souffrance »
Que l’homme ait été, comme l’a plaidé son avocat, le bâtonnier Seriot, aveuglé par « une rage » nourrie « par sa souffrance », aveuglé aussi « par une conception jusqu’au-boutiste du mariage » (et, on l’ajoute, certainement humilié d’avoir à rendre compte de tout à des femmes, trois juges et une vice-procureur, ndla), que cet ensemble soit de nature, donc, à éclairer ses actes, il n’empêche qu’il a passé bien des limites.
Il s’était persuadé qu’elle avait un amant. Il s’est persuadé qu’un « divorce religieux » lui interdisait désormais de lui adresser la parole (info, intox, on ne sait pas) ? Tout pour « rationaliser » des actes que la loi interdit. Alors le coup de la doublure du vêtement, c’est un indicateur.
« Madame est une personne : monsieur lui conteste cette qualité »
Angélique Depetris, vice-procureur, suit la plaidoirie de maître Dijoux pour la victime. L’avocate a repris tous les éléments à charge, la procureur donne sa lecture du profil du prévenu : « Au début du XXe siècle, les femmes étaient des majeurs incapables, on en est toujours là avec monsieur. Il pense que sa femme est un objet. Madame est une personne : monsieur lui conteste cette qualité. Il considère que c’est son droit voire son devoir que de la surveiller. Mais madame n’est pas sa possession. Elle est libre de ses mouvements, elle est même libre d’avoir un amant. Monsieur a l’art de contourner les questions et malgré cela il sort des énormités à l’audience. »
« A partir du moment où il sent qu’il n’a plus la maîtrise de sa chose… »
Puis, s’adressant toujours au tribunal : « Vous ne pouvez qu’être inquiets. A partir du moment où il sent qu’il n’a plus la maîtrise de sa chose, les violences s’aggravent. Ça nous renvoie à d’autres dossiers dont l’issue a pu être fatale. » La magistrate requiert la peine de 18 mois de prison dont 6 mois seraient assortis d’un sursis probatoire pendant 3 ans, avec interdiction de contact et de paraître au domicile de madame et port d’un BAR, un bracelet anti-rapprochement. Maintien en détention pour les 12 mois ferme.
Le dossier « ne caractérise pas du tout une terreur au long cours »
Maître Seriot tempère le niveau de risque, du moins plaide qu’on ne peut condamner le prévenu sur une estimation, que le dossier « ne caractérise pas du tout une terreur au long cours », « son casier est vierge », et que le tribunal doit juger une scène de violence et cette surveillance de son épouse.
L’avocat reprend la révélation des démarches de l’épouse en vue d’un divorce : monsieur l’a appris par un mail de la CAF pour qui les époux étaient séparés depuis octobre dernier. « Il n’est pas préparé à ça, ça le bouleverse. Il est confronté brutalement à une situation qu’il ignorait. »
L’ancien bâtonnier estime qu’une peine de prison entièrement assortie d’un sursis probatoire serait plus adaptée que la prison, d’autant plus que son client est prêt à s’éloigner de Chalon, son travail le lui permet aisément.
La victime demande que monsieur n’ait plus le moindre contact avec elle
A noter que la victime a dit avoir eu peur pendant cette période mais plus maintenant, qu’elle demande toutefois que monsieur n’ait plus le moindre contact avec elle. Elle dit aussi qu’une dépense l’intriguait et qu’en allant chercher de quoi il s’agissait, elle a vu l’achat de quatre trackers. Elle a alors téléchargé une application et en a trouvé trois. L’ambiance était au minimum toxique.
BAR et retrait de l’exercice de l’autorité parentale
Le tribunal dit le prévenu coupable, le condamne à la peine de 24 mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, ordonne l’exécution provisoire du cadre de la mesure (qui devient donc effectif immédiatement) : obligation de soins psychologiques, interdiction de tout contact ainsi que de paraître au domicile de la victime, et port d’un bracelet anti-rapprochement qui va lui être posé avant la levée d’écrou, dès cet après-midi. Obligation d’indemniser la partie civile.
Le tribunal prononce en outre l’interdiction de percevoir la pension de réversion, cas échéant, et ordonne le retrait de l’exercice de l’autorité parentale.
« Monsieur, lui explique la présidente, il va falloir dès ce soir trouver un hébergement à plus de 4 kilomètres du domicile familial, pour que le bracelet ne sonne pas. »
L’association France-victime va se déplacer au palais de justice pour rencontrer la victime et lui expliquer le principe du BAR. Elle aussi va vivre avec un fil à la patte pendant deux ans.
FSA
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