Opinion de gauche

"Contre le séparatisme scolaire : stop au financement de l’école privée avec de l’argent public !" plaide le NPA 71

Sept gymnases, deux piscines, et autant de murs d'escalade. En deux temps, trois mouvements, Stanislas est devenu l'emblème de la ségrégation scolaire. Le symbole d'une injustice criante dont l'école publique sort largement perdante. Stanislas et Amélie Oudéa-Castéra ne sont que les arbres caricaturaux qui cachent la forêt du séparatisme scolaire qui se joue au profit de l’école privée. 

Des disparités qui se creusent inexorablement tant les pouvoirs publics, depuis trop longtemps, ont abandonné lâchement l'intérêt supérieur d'une école de la réussite pour tous.

Quel autre pays subventionne des écoles privées à 73% sans leur demander aucune contrepartie sinon de respecter « raisonnablement » les programmes et les volumes horaires ? Ne cherchez pas, la France est l'unique pays qui affiche une telle aberration. Une exception qui trouve ses racines dans la longue et tourmentée confrontation entre l'Eglise et l'Etat « laïc » que la loi de 1905, malgré les apparences, n'est pas parvenue à enterrer irrémédiablement. La loi Debré de 1959, puis l'abandon retentissant de la réforme Savary prônant une école unifiée et laïque en 1984, ont progressivement installé des établissements scolaires privés, sous l'égide de règles contractuelles de plus en plus assouplies avec l'Etat, comme les pivots d'un séparatisme social grandissant. Si ce dualisme « scolaire » reposait pour les défenseurs de l'école libre sur le droit d'instruire leur progéniture dans la religion chrétienne au nom de la liberté de conscience, très honnêtement cet argument ne tient plus guère aujourd'hui. La loi Debré de 1959, qui a institutionnalisé un charitable financement des établissements privés par l’État, a de fait organisé une mise en concurrence de plus en plus déloyale.

 


L'école privée est aujourd'hui l'instrument majeur de détournement de la carte scolaire et un pôle de connivence pour sauvegarder un entre-soi sécurisant pour les classes sociales les plus favorisées. Des classes sociales supérieures qui, pour échapper au brassage social, « profitent » sans vergogne de plus de 12 milliards de fonds publics afin de garantir à leur descendance dorée un entre-soi, un réseau providentiel, alors que l'école de l'égalité et de la fraternité ne peut plus lutter face à une telle injustice, un déséquilibre soigneusement ordonné par une institution censée les contrecarrer. Ces dépenses de dingue, le plus souvent non contrôlées, sont opaques et dépassent les obligations réglementaires. Les moyens de l’enseignement privé abondés de surcroît par des dons défiscalisés surpassent ceux de l’enseignement public sans qu’il ait les mêmes obligations.

 


Certes, tous les élèves qui fréquentent la plupart des établissement scolaires privés sous contrat ne sont pas issus de familles favorisées. Néanmoins, durant ces dernières décennies, si toute cette manne avait été naturellement allouée à l'école publique, celle-ci ne serait certainement pas dans l'état de délabrement dans lequel elle s'efforce de survivre et dont une proportion grandissante de familles souhaitent se détourner. En refusant de toucher au privé depuis les lois Savary et Bayrou (1993), au motif que cela reviendrait à le légitimer, certains ont laissé le monstre grandir dans des proportions insupportables. Pour quel résultat aujourd’hui ? Nul. Cette stratégie est un échec cuisant, n’en déplaise aux marchands de pureté et de liberté.

 


Notre école républicaine souffre plus que jamais de ce ségrégationnisme de classe. Nous devenons les complices ébahis de la non – assistance à une école publique en danger. Le choc de l'échec de la réforme Savary est toujours vécu comme un traumatisme et personne n'ose s'attaquer à cette ignoble injustice. Pourtant toutes les études le démontrent, le chemin de la réussite pour tous nos élèves doit passer par la mixité sociale, l'égalité des moyens. Au fond, nous courrons désormais le risque de voir deux jeunesses grandir sans jamais se rencontrer, séparées parce que l’une est mieux née que l’autre. 

 


Disons-le sans complexe, sans détour, que ceux qui disposent de tous les moyens financiers pour soustraire leurs enfants de ce projet universel d'éducation, qu'ils le fassent librement, en toute conscience, mais sans le soutien exubérant de subsides publiques. Puisqu'ils veulent s'extraire de l'intérêt commun, qu'ils l'assument avec leurs convictions, leurs propres moyens.

 


Le seul mérite de cette séquence où la ministre a été prise en flagrant délit de mensonges répétés est d’avoir suscité articles et enquêtes médiatisant le fonctionnement et le financement de l’enseignement privé, de mettre en lumière des dérives inacceptables.

 


Pour autant, nous pouvons nourrir un profond regret, peut-être même un malaise, face à cette nouvelle illustration du mépris du gouvernement pour « l'école de la confiance et de la réussite ». Nous sommes étonné(e)s, et c'est un euphémisme, navré(e)s et attristé(e)s seraient pour notre part plus appropriés, de constater la léthargie des principales organisations syndicales de l'éducation, des principaux partis de gauche, face à l'occasion inespérée qui s'offraient à eux de réintroduire légitimement, avec force et conviction, le débat sur la question du financement de l'enseignement privé dans notre pays. Un autre rendez-vous manqué qui imprime une nouvelle fois la résignation dans laquelle certain(e)s semblent irrémédiablement confiné(e)s.

 


Jean-Guy Trintignac NPA 71