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Info-Chalon a lu pour vous « Chiennes », de Marie Vindy. Un roman qui a incontestablement du…chien !

Info-Chalon a lu pour vous « Chiennes », de Marie Vindy. Un roman qui a incontestablement du…chien !

« Chiennes », le tout dernier roman de Marie Vindy, vient tout juste de paraître. Le sentiment d’Info-Chalon sur ce roman, que la romancière dijonnaise a fait parvenir à votre site d’information en ligne, quelques jours avant sa sortie.

Marie Vindy est chroniqueuse judiciaire pour Le Bien public, pour lequel elle couvre les affaires jugées au tribunal correctionnel, parfois en cour d’assises, autrement dit les délits et les crimes dont ces juridictions ont à connaître. C’est donc peu dire que Marie Vindy connaît bien le terrain des turpitudes humaines contemporaines qu’elle détaille par le menu dans Chiennes [1], son dernier roman, qui, une fois refermé par le lecteur, laisse à ce dernier l’impression d’avoir pris connaissance d’une immense synthèse de tout ce qu’une société rongée par les effets délétères d’un libéralisme économique de plus en plus débridé peut générer : violence, alcoolisme, pédophilie, toxicomanie, prostitution, viol, suicide, lâcheté, résignation, omerta, culte du fric.

Une synthèse, donc, mais pas que. En effet, Chiennes n’est pas seulement un inventaire, ad nauseum, de tout ce que la France actuelle sécrète sans discontinuer de désespérant, présenté et détaillé avec une précision saisissante, un réalisme glaçant. C’est aussi une analyse originale des raisons pouvant conduire certains d’entre nous à se muer en fauves, en véritables loups pour l’homme, bref : en prédateurs. Une analyse qui sort en tout cas des sentiers battus.

Pourquoi ? D’abord parce qu’elle se tient  éloignée de l’angélisme béat de tous ceux qui, par idéologie, se révèlent prêts, en recourant à une argumentation pseudo-sociologique, à exonérer de ses fautes tout auteur d’actes portant atteinte à la société, du moment qu’il peut être vu comme la « victime » d’un système impitoyable avec les « faibles » et indulgent avec les « forts » : le système qu’entend combattre une certaine gauche, celle capable de minimiser ou d’excuser le goulag au motif qu’en parler nuirait à la « juste » cause qu’elle défend. Mais surtout parce, dans le même temps, elle ne cède pas à l’essentialisation désormais typique des discours capables de déduire la potentialité délinquante d’un individu de ses origines sociales, ethniques ou de la génétique : le discours de la droite prétendument « républicaine » et de l’extrême-droite, relookée ou non. Bref, parce que, loin de tous ces fatras idéologiques, l’analyse de Marie Vindy procède de l’observation du réel tel qu’il ne va plus et non pas de présupposés, de préjugés, de croyances, visant à faire correspondre le réel en question avec une interprétation préconçue. Ce qui lui permet de rendre visible ce qui ne l’est pas forcément de prime abord, et encore moins quand, voulant lui faire dire ce que l’on voudrait qu’il dise, parce que cela nous arrange politiquement, on se fiche de savoir de quoi il en retourne exactement.

Est-ce à dire que Marie Vindy a tout compris ? Une chose est sûre en tout cas : avec Marie Vindy comme guide, le lecteur voit le réel sous un jour nouveau, du moins fort différent de ce que lui assènent les journaux télévisés et les discours politiques ambiants. Il peut alors comprendre qu’il n’y a pas d’un côté les « bons » et de l’autre les « méchants », qu’il ne suffit pas d’être pauvre pour être honnête, que de naître en enfer n’est pas une raison suffisante pour devenir un démon, qu’être issu de la bourgeoisie des Beaux-Quartiers dijonnais n’empêche nullement d’être une sinistre crapule et que,  tout bien réfléchi, celles et ceux qui choisissent de faire flic aujourd’hui, s’ils ne sont pas forcément des héros, méritent néanmoins notre estime. Surtout, le lecteur peut deviner l’horreur que constitue une société humaine entièrement régie par la loi du plus fort, si le plus fort en question est celui par lequel l’esprit de mort se déploie et non pas, comme chez Nieztsche, celui qui porte la vie, l’amour de celle-ci.

Autant de bonnes raisons qui conduisent Info-Chalon à vous recommander de vous procurer rapidement Chiennes et de le lire comme il se doit : du début à la fin, sans jamais le lâcher.

S.P.A.B.

[1] Marie Vindy, Chiennes, La manufacture des livres, 20.08.2015, 385 p, 18,90 euros