Chalon sur Saône
Lambert Wilson en Misanthrope majuscule qui aura tout pour plaire ce samedi 11 janvier à Chalon
Publié le 11 Janvier 2020 à 11h03
Plongeon éclaboussant dans le temps, assurément. Revitalisation d’une conceptualisation moliéresque, idem. Dans un Espace des Arts de Chalon-sur-Saône où plus aucune place n’attend preneur, Lambert Wilson et ses compagnons de cordée garantiront ce samedi 11 janvier à 20h par le truchement de la pièce « Le Misanthrope » des Théâtrales que ce qui fut, est encore. Ardemment. Brillamment. Interview de lambert Wilson pour info-chalon.com
Incarner Le Misanthrope : un privilège jouissif, un luxe incomparable, une imprégnation douloureuse, ou somme toute, un rôle comme un autre ?
«Les trois premières possibilités, sauf la dernière, si je réponds brièvement. Ce n’est pas un rôle comme un autre, d’abord c’est énorme, c’est l’un des plus grands rôles du répertoire français. Ce rôle est extraordinaire, compliqué, mais indispensable je pense dans la parcours d’un acteur. Pour moi le luxe vient du fait que je peux exprimer grâce à Alceste ce que je pense de l’Humanité, des hommes en général, et de l’amour aussi. C’est un luxe d’avoir une si belle langue pour exprimer tout cela. »
Appeliez-vous de vos vœux la fait de jouer Alceste dans ce contexte ?
« Oui, uniquement depuis le film de Philippe Le Guay « Alceste à bicyclette ». Le premier acte avec Fabrice Luchini m’a donné vraiment envie de faire le reste du personnage, donc j’ai attendu six ans je crois avant de pouvoir me l’offrir. »
Quel est votre degré d’appréciation concernant Molière, et Le Misanthrope est-il le nec plus ultra de son œuvre ?
« Je pense que s’il fallait garder deux auteurs, je préfère en garder deux, il y aurait Shakespeare et Molière. Rue Richelieu à Paris, quand je passe en scooter devant la statue de Molière, je le salue systématiquement, parce que c’était un génie pur qui a su prendre une photographie extraordinaire des hommes de son temps. Son œuvre est universelle, elle est intemporelle. Le Misanthrope fait partie, on va dire des cinq grandes pièces, mais il y en a d’autres, comme Tartuffe, L’Ecole des femmes…C’est fou la richesse ! On me propose de reprendre un autre Molière, il y a Dom Juan, c’est fou ce qu’il y a ! Le Misanthrope est sans doute l’une des plus exigeantes au niveau de sa langue. Elle se passe dans un salon, c’est une pièce sur la conversation, ce n’est pas un western, mais un anti-western. »
Depuis le XVIIème siècle quelque chose a-t-il changé sur le fond ?
« Depuis l’année dernière les choses ont changé. C’est-à-dire que nous avons répété en janvier 2019, et je trouve que l’Humanité s’enferre encore plus dans son aveuglement, dans sa destruction, dans sa folie de consommation, de pollution, de non-respect de l’Univers. Je pense que c’est pire qu’il y a un an, donc imaginez... Après, il y a des choses intemporelles de la nature de l’homme que Molière avait vues, qui sont toujours d’actualité…mais nous avons commis bien des délits depuis le XVIIème siècle… »
Eternité aidant, le public vient-il au mieux se recentrer sur des fondamentaux de l’existence ?
«Je l’espère. Je pense que le public vient au rendez-vous de la langue. C’est une célébration par un metteur en scène allemand, Peter Stein, de ce qu’il y a de plus sublime dans la langue française : sa rareté, sa construction, sa sophistication, son intelligence, son esprit. Ca c’est ce qu’on vient trouver. J’en ai parlé avec lui car il est linguiste, il considère que le français propose une sophistication qui existe dans peu d’autres langues. »
Quand on voit toutes les interprétations qu’il y a eu au fil du temps, comment parvenir à laisser une empreinte durable ?
« Il faut s’en moquer, je n’ai pas de souci d’empreinte, de postérité, et j’essaie de faire le mieux possible. Je ne veux pas voir ce qui s’est fait avant, et je ne veux pas me poser la question de ce que je vais laisser. A chaque soir suffit sa peine ! »
Etre inclassable, pour un artiste, ne s’avère-t-il pas le plus beau des compliments ?
« Je crois, parce que j’aime surprendre, et je pense que le plus grand danger qui menace un acteur, c’est de créer une sensation d’ennui, de déjà-vu. A mon sens, l’acteur a pour mission de perpétuellement surprendre le public, même en lui reproposant des choses qu’il aime, mais il faut toujours proposer quelque chose d’autre. Bon, j’ai joué « De Gaulle » cet été, qui va sortir au mois de mars, je fais de la musique en ce moment, avec une série de concerts en compagnie d’un orchestre symphonique…J’ai fait des choses très variées pour me surprendre, et surprendre le public, sinon ce serait ennuyeux. »
De toutes les disciplines artistiques que vous avez tutoyées, laquelle mettriez-vous sur un piédestal, et pour quelles raisons ?
« Le chant, la musique. C’est ce qu’il y a de plus exigeant, de plus sublime. La musique me provoque des émotions qui sont inégalables, et je pense qu’il y a une exigence liée à la musique que l’on ne rencontre pas aussi souvent dans le théâtre ou dans le cinéma. Pour moi les musiciens et les chanteurs sont vraiment les artistes que je respecte le plus, et je mettrais définitivement sur la première marche la musique et le chant. »
Que peut-il encore bien manquer à votre fructueuse carrière ?
« Mettre en scène au cinéma, je ne l’ai pas fait. En revanche j’ai mis en scène au théâtre, j’aimerais vivre cette expérience, mais je n’ai pas encore trouvé mon histoire, donc ça me manque. »
Où donner rendez-vous à vos admirateurs pour les semaines et mois à venir ?
« Il y a plein de choses ! A partir du 29 janvier, pour le film « Les traducteurs », de Régis Roinsard, qui avait fait le film « Populaire ». A partir du 4 mars, pour le film « De Gaulle », et puis une série de concerts autour de l’œuvre du compositeur allemand Kurt Weill. Ca, je le fais dans des endroits variés : le 28 mars à la Philarmonie de Paris, ainsi qu’à Lyon, pour les Chalonnais c’est plus près. Ce sera en mai ou juin, je ne me souviens plus exactement de la date. Voilà pour le moment les rendez-vous, et puis on attend aussi la sortie du film « Benedetta » avec Virginie Efira qui, je l’espère, sera sélectionné à Cannes. Donc c’est le film de Paul Verhoeven, pour le mois de mai je l’espère. »
Crédit photo : Svend Andersen Propos recueillis par Michel Poiriault
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