Faits divers

TRIBUNAL de chalon : L’alcool en CI, « il faudra un jour parler très sérieusement de ces soins » dit Maître Trajkovski

TRIBUNAL de chalon : L’alcool en CI, « il faudra un jour parler très sérieusement de ces soins » dit Maître Trajkovski

Elle roulait sur son scooter, et puis elle a chuté. Des policiers sont venus pour la secourir. Elle les a jetés, insultés, elle ne se rappelle plus de rien, elle était ivre. B. X. est alcoolique, et la justice était déjà passée par là : des obligations, de se soigner, et de travailler. De la nasse dans laquelle elle se débat, elle fait au mieux : elle voit son médecin, et puis elle cherche des missions d’intérim, mais ce matin-là, le 16 octobre, l’agence intérim qui la faisait bosser lui annonce que sa mission prend fin alors qu’elle devait durer, et puis un coup de fil d’un oncle qui venait causer héritage, alors qu’elle a perdu son père il y a 26 ans déjà, ça a fait trop. Alors elle a bu, et puis elle a chuté.

 Elle est née en 1979 au Creusot, elle vit à Saint-Marcel. Depuis le 17 octobre elle est incarcérée à la maison d’arrêt pour femmes de Dijon. Dans la salle, sa maman et son beau-père, un couple vieillissant tout tourné vers le box, vers le souci d’elle. L’alcoolisme, ça vous maintient en enfance comme pas deux. Elle s’excuse, elle a « honte ».

 

A son casier, vol, outrages et CEA, bien sûr, les fameuses « conduites sous l’empire de l’alcool » qui font le lit des audiences.3 sursis mis à l’épreuve déjà, c’est-à-dire autant de suivis. Du reste « je m’étais bien calmée quand même », dit-elle, « oui mais le problème d’alcool n’est pas réglé », lui renvoie la présidente Aussavy. « Le problème d’alcool », l’expression politiquement correcte qui laisse penser, et on s’y habitue à force de l’entendre, que ce problème pourrait se résoudre à partir d’une expression qui ne veut pas dire grand-chose si on y regarde de près : « j’ai un problème d’alcool ».

 

« Pouvez-vous aider le tribunal à prendre une décision qui permettra de ne plus vous revoir ?
- J’ai besoin de soins, répond la prévenue.
- Vous avez eu 3 SME ! Comment vous les suiviez ?
- Ben… je les suis, quoi… Je travaille, je vais aux rendez-vous, et je vais voir le médecin, tous les 2 mois.
- Vous en parlez avec votre médecin ?
- Non.
- Pourquoi ?

- J’ai honte. »

 

« Contre cette addiction excessivement importante, tout a été fait, sauf l’essentiel. » Maître Malinka Trajkovski en a un peu marre du défilé alcoolique reconduit sans cesse : « Il faut permettre à ceux qui sont malades de comprendre de quoi ils souffrent, et d’engager des soins sérieux. D’ailleurs, dit-elle aux magistrats, il faudra un jour parler très sérieusement de ces soins, car ma cliente voit son médecin traitant et en justifie, donc elle respecte l’obligation, mais l’essentiel n’est pas fait. La solution, et elle vous est plaidée souvent, quand quelqu’un a un casier au leitmotiv CEA, c’est une démarche volontaire, efficace, et sérieuse dans un soin thérapeutique. Il faut une hospitalisation, une cure. » 

« Démarche volontaire » : quand on se tait parce qu’on a « honte » et qu’on biaise en permanence, comment arriver à un tel niveau d’engagement ? « Il faut une injonction, car, et elle l’a dit, d’elle-même ça n’est pas possible, c’est trop compliqué. »

L’avocate évoque les circonstances particulières qui le 16 octobre au matin ont précipité B. sur la bouteille, puis sur le bitume, puis à la maison d’arrêt, et cela fait craquer quelque chose : la jeune femme prend les yeux rouges d’un coup, écrase de grosses larmes, un agent de l’escorte lui tend spontanément un kleenex.

 

Le tribunal condamne B. X à 12 mois de prison dont 8 mois assortis d’un sursis mis à l’épreuve, avec une obligation de « soins sérieux », « vous avez entendu votre avocate, faites une cure », elle devra indemniser les policiers qu’elle a insultés (200 euros chacun), et puis le tribunal révoque intégralement un sursis antérieur de 6 mois, lui interdit de conduire pendant 6 mois, et confisque son scooter.
Maintien en détention : B. X a 10 mois de prison en tout à purger à la maison d’arrêt pour femmes de Dijon.

 

« 10 mois, 10 mois, souffle son beau-père dans la salle, il est très ému. 10 mois… elle va tout perdre, elle va perdre son logement, et moi je ne peux pas l’aider financièrement, elle va être expulsée, oh ! » et il soupire sous cette peine.
La maman avait apporté quelques effets à sa fille mais ne peut les lui remettre, car l’escorte dépend de l’administration pénitentiaire, et ne peut prendre quoi que ce soit sans en avoir l’autorisation préalable : la vie administrative, à l’instar du diable, est aussi dans les détails.

Florence Saint-Arroman