Livres
Info-Chalon a lu pour vous « Rebecca », de Daphné du Maurier
Publié le 01 Mai 2015 à 12h05

Lectrice assidue de cette romancière britannique, Adèle Pantre revient sur la récente réédition de ce qui est sans doute son roman le plus connu : « Rebecca ».
Comme Pierre Bourdieu [1], sociologue dans le sillage duquel ils frayent depuis longtemps, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot sont dans le collimateur de tous ceux que leurs travaux mettent à nu en « vendant la mèche » [2], c'est-à-dire en décortiquant les méthodes que ces derniers emploient pour asseoir leur domination sociale. Comme Pierre Bourdieu donc, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot sont honnis de tous ceux qu’ils étudient : honnis des riches [3] et, plus généralement, de la bourgeoisie. Honnis de ces derniers mais aussi de ceux qui voudraient en faire partie, dont l’objectif ultime est de se voir un jour intronisés au sein de la confrérie des possédants « possédés par ce qu’ils possèdent », comme les appelait Charles de Gaulle [4]. Honnis de ceux dont le rêve, en quelques mots, est de devenir à leur tour des bourgeois.
Il faut dire que, si l’on veut comprendre ce qui demeure peut-être la seule et authentique classe sociale, au sens marxiste du terme, c'est-à-dire un groupe d’individus ayant tous conscience d’avoir des intérêts en commun à défendre, la lecture de leur Sociologie de la bourgeoisie [5] est d’une aide plus que précieuse : capitale ! Sans mauvais jeu de mots évidemment...
Ceci étant, pour saisir avec acuité le fonctionnement de cette classe sociale, sans pour autant se prendre la tête avec les concepts et le langage parfois ésotérique de la discipline sociologique, on peut tout aussi bien se contenter de la lecture de Rebecca [6], de Daphné du Maurier, lumineux et passionnant roman, qui vient tout juste de faire l’objet d’une réédition [7]. Ce qui n’a pas échappé à votre féministe de service, qui profite de ces lignes pour vous recommander au passage Manderley for ever [8], excellente et très récente biographie consacrée à cette romancière longtemps maltraitée. Car Daphné du Maurier a longtemps été considérée par ses détracteurs les plus zélés comme « une conteuse surannée » [9], une très mineure auteure « de romans de gares, de bluettes » [9], une « molle romantique, habile pourvoyeuse de mélodrames, reine du suspense et du roman à l’eau de rose » [9].
Maltraitée pour de bonnes raisons ? Quand elle publie Rebecca, Daphné du Maurier a 31 ans. « Ce n’est pas un succès, c’est un phénomène : 200 000 exemplaires vendus avant la fin de l’année » [9]. Cependant, la critique ne suit pas. Plus exactement, elle lynche et lapide en place publique ce roman qualifié de « roman à deux sous » par le quotidien de référence britannique par excellence à l’époque : le Times. Peut-on dire pourquoi ? Tout simplement parce qu’un roman populaire, pour tous ceux qui se piquent d‘être cultivés et fins esthètes en matière de littérature, et prétendent donner le la de ce qui mérite d’être lu, ce ne peut jamais être que de la m…, digne du plus féroce mépris. Bien évidemment, toute ressemblance avec nos critiques de l’élite germano-pratine officiant dans les actuelles Pravda à prétention culturelles, est purement fortuite…
Ceci rappelé, peut-on vraiment comparer Rebecca avec ce que nous expulsons chaque matin de notre corps avec une régularité de métronome ? Vous l’avez sans doute compris en me lisant plus haut, certainement pas. Avec ce roman particulièrement bien écrit, Daphné du Maurier a écrit là un livre faisant irrémédiablement d’elle une auteure d’une remarquable finesse, débusquant comme personne, sous le vernis des apparences, la violence intemporelle et impitoyable envers ceux qu’elle écrase de son mépris d’une classe sociale – la bourgeoisie -, qu’elle soit anglaise ou française, du siècle précédent ou du nôtre. Le tout sous une forme qui ne manquera pas de ravir les amateurs de roman policier, ou en donnera le goût à ceux qui n’en avaient pas encore tâté. Ce qui me conduit à vous dire que, loin de la merde en barre décrite par une critique condescendant et par ailleurs misogyne, Rebecca flirte bien plus avec les étoiles de la littérature qu’avec les égouts putrides où devraient croupir les critiques de ceux qui, aveuglés par la trop haute considération qu’ils ont d’eux-mêmes et de leur culture, ne sont pas fichus de reconnaître un quasi-chef d’œuvre quand celui-ci passent entre leurs mains prétendument expertes.
A ce propos, est-ce un hasard si les romans de Daphné du Maurier n’ont jamais cessé d’être réédités et sont même devenus des classiques, que l’on donne « à lire aux collégiens et lycéens, sans toujours prendre la mesure de leur charge subversive » [9] ? Car, n’en doutez pas, l’œuvre de Daphné du Maurier est profondément subversive. Autant que les travaux de Pierre Bourdieu, de Michel Pinçon et de son épouse Monique Pinçon-Charlot, qu’un horripilant chien de garde de la bourgeoisie s’évertuait il y a peu encore à discréditer [10], sans même se rendre compte de la vanité et du ridicule de son entreprise [11]…
Coïncidence ? C’est au lecteur qu’il revient sans doute de trancher. Dans tous les cas, Info-Chalon ne doute pas un instant que ce dernier saura reconnaître la nature exacte de ce que j’aurais ici tenté de lui mettre entre les mains. Et bien plus sûrement que ne le font les prétendues vigies littéraires, passées ou actuelles.
Adèle PANTRE
[1] Sur ce sociologue, voir l’excellent documentaire de Pierre Carles : Pierre Bourdieu. La sociologie est un sport de combat, CP – productions, 2007, 150 mn
[2]L’expression est de Pierre Boudieu. « [La sociologie de Bourdieu] se veut (…) une sociologie du dévoilement : il est, selon ses propres mots, celui qui « vend la mèche ». Cette posture a une conséquence : si la sociologie dévoile, alors elle va déranger les tenants de l'ordre. Par exemple, nous dit Bourdieu, en montrant que le milieu scientifique est aussi le lieu d'une concurrence entre des carrières, des laboratoires, le sociologue contrarie ce petit monde. Le risque d'une telle logique est de figer le sociologue dans une posture héroïque : les critiques adressées à Bourdieu sont souvent, et a priori, dénoncées comme l'expression de ceux qui cherchent à préserver leurs privilèges » (http://www.scienceshumaines.com/dans-les-coulisses-de-la-domination_fr_429.html)
[3] V., sur ces derniers, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Le président des riches. Enquête sur l’oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy, Zones, 2010, 223 p, 14 euros
[4] Cité par Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle (tome 1), Le livre de poche, (1994) 2009, p 232
[5] Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Sociologie de la bourgeoisie, La découverte, coll. « Repères », 2000, 121 p
[6]Daphné du Maurier, Rebecca, Le livre de poche, 444 p, 6,30 euros
[7] Daphné du Maurier, Rebecca, traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff, Albin Michel, 544 p, 25 euros (http://www.albin-michel.fr/Rebecca-EAN=9782226314772)
[8]Tatiana de Rosnay, Manderley for ever, Albin Michel / Héloïse d’Ormesson, 464 p, 22 euros
[9] Emmanuelle De Boysson, « Daphné du Maurier. La rose noire », in Le Magazine littéraire, avril 2015, p 25
[10] Philippe Val, Malaise dans l’inculture, Grasset, 304 p, 20 euros
[11] Sur ce point, lire l’excellent point de vue de Christian de Montlibert : « Phlippe Val et la haine de la sociologie », Le Monde, 22.4.2015, p 15



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