Chalon sur Saône

La COP21. Pardon ? Oui, mais...

La COP21. Pardon ? Oui, mais...

Incassable président de la C.A.P.E.N. 71 (Confédération des Associations pour la Protection de l’Environnement et de la Nature, une centaine d’adhérents, 24 associations, soit environ un vivier de 1300 personnes bon an, mal an) portée sur les fonts baptismaux en 2004, par ailleurs l’un de ses cofondateurs, Thierry Grosjean -40 ans au service des causes environnementales- ne se fait guère d’illusions quant à l’issue de la COP21 qui va rebattre les oreilles aux peuples, du lundi 30 novembre au vendredi 11 décembre. Chat échaudé craint l’eau froide, et les faiseurs de promesses auront tout loisir de brasser du vent en s’enténébrant…

L’alarmisme est de mise à propos d’un rendu opérant

La C.A.P.E.N. s’applique un précepte qui n’a pas maille à partir avec une certaine logique. « Sa stratégie réside dans le fait que l’on ne peut pas donner des leçons au Monde entier sans commencer à s’occuper de ce que l’on peut faire à domicile. Par conséquent nous nous intéressons à la vie de la cité sous toutes ses formes, alors que nous sommes toujours sans local. On prend notre courage à deux mains, et on évalue les conséquences des impacts humains sur l’environnement. On a une responsabilité locale. Nous avons permis aux collectivités une économie de plusieurs dizaines de milliards d’euros si on additionne toutes les luttes menées. Les luttes servent, on peut gagner, de toute façon on gagnera sur Center Parcs ». Chaque élu doit s’interroger sur ce que sera l’empreinte écologique », déclare la locomotive. Quant au grand raout planétaire, plus qu’à quelques encablures, Thierry Grosjean le définit ainsi : « Les objectifs de la COP21 sont fixés par les O.N.G. Il faut arrêter d’épuiser les ressources naturelles, et les économiser à 80%. » Son discours devient davantage abrupt. «Pour le moment les pouvoirs publics considèrent la COP21 comme de la communication. Nous, O.N.G., on veut des actes, y compris Nicolas Hulot. On sent que la COP21 ne pourra pas être capable d’apporter des solutions au réchauffement climatique. Seule une mobilisation citoyenne pourra le réaliser. On sait déjà que la hausse de la température sera plutôt entre 2 et 3°, avec des conséquences parfaitement visibles. On sait aussi que l’adaptation au-dessus de 4°, on ne pourra pas. Le dérèglement est en cours. Sur les littoraux de certains pays, l’eau risque de monter de 40 cm en moins de 10 ans, ceux-ci savent qu’ils n’existeront plus. Ils sont à la COP21, mais ils ne se font pas entendre. Sarkozy, Hollande, ils ont très bien compris, mais ils n’en tiennent pas compte. » Où le bât blesse-t-il ? « On pense que la COP21 ne marchera pas, car il y a une collusion des Etats avec les plus grands pollueurs depuis le début du XXème siècle. Les grands groupes essaient de freiner de tout leur poids, ils n’ont pas la moindre envie de faire, car ce n’est pas leur intérêt. Il y a une évidence scientifique. Parfois on triche, comme Volkswagen, qui n’est que le petit bout d’un iceberg. .. »

 

 

Des résultats réduits à peau de chagrin en cas d’absence de mobilisation

Thierry Grosjean ne manque pas une occasion de stigmatiser les incongruités du schéma directeur, car sous des dehors philanthropiques, se terre le revers de la médaille. «Pour cette COP 21 il y aura une noria d’avions pour y venir, on va encore utiliser des moyens de transport à user normalement avec une extrême modération. On a repeint l’organisation interne en vert ! Le commun des mortels a bien conscience que ce sont des élites qui vont loger à Paris et leur donner des leçons. » Le rapport de force semble par trop inégal. »Tant que les gens seront les dindons de la farce, on aura du mal à changer les mentalités. Ils ont une petite partie des responsabilités, mais ce sont les grands décideurs, surtout. Il faut faire pression sur eux afin de leur dire de changer le logiciel actuel du système, tout un échafaudage idéologique. C’est dans la façon de penser.  On essaie de culpabiliser. Il est évident que les modes de vie devront changer. On ne peut pas faire confiance aux dirigeants, englués dans la logique des marchés, des accords transatlantiques…En revanche, quand l’intelligence politique arrive au pouvoir, ça change la donne. Obama, par exemple, vient d’affirmer son refus à la construction d’un pipe-line. On sait que s’il n’y a pas de véritable pression populaire, la COP21 n’aboutira à rien. »

 

Prendre le taureau par les cornes

Histoire de formaliser une opposition constructive, une contre-COP21 a été rendue opérationnelle. « Ce sera une alliance basée à Paris et Montreuil, composée d’un très large spectre avec les organisations syndicales entre autres, les O.N.G. avec plein d’initiatives, de manifs, forums…(l’interview a été réalisée avant les attentats parisiens N.D.L.R.). On veut mobiliser les citoyens et leur dire qu’il sera encore temps. J’y serai présent. On a les moyens financiers, humains, des solutions technologiques. Le choix est encore possible, il est entre nos mains si on veut que quelque chose change. L’encyclique du pape nous a fait du bien, des milliers de jeunes qui viennent à Taizé sont en train de se rassembler. C’est la première fois qu’autant de personnes, toutes tendances confondues, s’impliquent. Elles veulent des décisions concrètes. » Le responsable de la C.A.P.E.N, inflexible, ne lâche pas un pouce de terrain. «Notre philosophie, c’est que tout peut encore être modifié, même si les 2° sont irréversibles. On aura des dizaines de millions de réfugiés climatiques à gérer, sans compter ceux des guerres, mais l’aspect positif, c’est que la nature des changements nous appartient. Toutes les agences de l’eau ont prévu l’impact sur le climat. Des pointures à Dijon ont fait des études : la France ne sera pas la plus à plaindre, cependant il y aura des changements radicaux. Dans le Beaujolais, par exemple, si on reste les bras croisés, on aura du vin algérien.   Il ne faut pas se leurrer, nous sommes dans l’obligation d’opter pour une transformation complète. Ca ouvre un potentiel de créativité, et nous rend relativement optimistes. Sur tous les continents il y a un tas d’initiatives collectives qui se montent pour que ça vienne d’en haut. Des gens se bougent, mais ça ne se sait pas. Morvan Ecologie par exemple a un rôle déterminant avec les forêts ; l’association a racheté plusieurs centaines d’hectares, des éoliennes sont construites en Saône-et-Loire, beaucoup d’associations s’occupent d’A.MA.P., remettent en place des marchés pour des circuits courts, et en général les élus locaux suivent. » Règle d’or : ne pas lambiner en route, ni accorder d’intérêt au saupoudrage. « A côté de ça on ne peut pas se contenter d’une politique des petits pas. Il faut que la prise de conscience soit plus rapide et radicale, pour tout ce qui va enclencher un cycle vertueux. Il ne faut pas laisser le choix aux seules instances économiques et politiques. Dans 5 à 10 ans ça ne sera plus possible.»

 

 

« L’on n’a jamais fait autant de projets destructeurs, coûteux, et qui ne servent à rien »

Avancer à visage découvert est un impératif. «Il y a un point important : rendre visible ce qu’il est possible de faire, redonner l’espoir aux gens, enfoncés dans une certaine désespérance. Vouloir apporter des solutions au dérèglement climatique, ça peut être la clé pour changer la vie quotidienne. Dans ce que souhaitent les O.N.G., il y a des engagements contraignants, une nécessité absolue pour les pays les plus consommateurs d’énergie. Par ailleurs, existe un programme d’économies d’énergie dans l’habitat. Il conviendrait d’accélérer les investissements en faveur de la transition écologique, des énergies renouvelables. A peu près 60% des bâtiments sont de véritables passoires. Ce serait un vrai levier pour l’emploi, avec des économies pour les ménages, la relance de productions locales de matériaux de l’artisanat. Promouvoir d’autre part les produits locaux, transformer les agricultures industrialisées pour aller plus loin, alors que c’est une catastrophe en termes d’occupation d’espace, les sols étant des aspirateurs de carbone…On veut des besoins alimentaires locaux qui réduisent le gaspillage alimentaire. Il y a vraiment des clés pour se sortir de l’impasse, mais on continue de faire systématiquement l’inverse avec une méthode autoritaire. » Selon lui les cas dépassant l’entendement fleurissent. « Notre-Dame-des-Landes, il s’agit du respect des lois de l’environnement. On nous dit qu’il va se faire, alors que tout le monde est conscient de son inutilité ! La L.G.V. Lyon-Turin, c’est 48 milliards gaspillés, sans qu’il soit démontré qu’il y ait une réalité économique ou sociale. 2 L.G.V. dans la région Aquitaine, on passe entre les lois de protection de l’environnement. La France donne des signes de mépris total concernant la vie des populations, et c’est la même chose pour Center Parcs. L’on n’a jamais fait autant de projets destructeurs, coûteux, et qui ne servent à rien, qui représentent un total de 180 milliards ! Un prix Nobel a affirmé que si l’on mettait dans la sauvegarde du climat ce que l’on a mis dans les banques, il y aurait largement de quoi faire ! »

 

Le nucléaire ? Non, merci…

C’est peu dire que l’invétéré militant ne le porte pas dans son cœur. « Le nucléaire ne sauvera pas le climat. La diplomatie française, aidée par le Japon, consiste à imposer le nucléaire comme une solution. Au contraire, c’est un boulet. Beaucoup de gens dans le Chalonnais bossent pour Areva, actuellement en faillite. On sait qu’il y aura de très grosses charrettes de licenciés. Areva n’a plus les moyens de sa politique, même avec l’aide des Chinois. Chez Areva des gens sont conscients du problème… »

                                                                                                              Michel Poiriault