Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Il avait menacé de faire sauter une grenade dans la cathédrale Saint Vincent

Celui-là même qui samedi matin vociférait dans la cathédrale Saint-Vincent, ivre, et encore une bouteille à la main, « je te sors la grenade, et je vais tout faire sauter », geste à l’appui en direction de sa sacoche, est tout perdu ce lundi 30 avril en comparution immédiate quand la présidente lui demande s’il accepte d’être jugé dans l’instant ou veut un délai pour préparer sa défense.

Du box, il roule des yeux candides vers sa mère qui murmure un « oui ». Mais un « oui » à quoi ? Etre jugé, demander un délai ? Ahmed X, 37 ans et dégrisé, flotte… puis demande un délai.

Un gros casier, beaucoup de petites peines : menaces, violences, vols

Le dossier ne sera pas jugé sur le fond aujourd’hui, mais le tribunal va devoir décider si Ahmed X attendra le jugement dehors et sous contrôle judiciaire, ou en prison. L’issue ne fait guère de doute vu les préventions : « menace réitérée de destruction dangereuse pour les personnes », « port sans motif d’arme blanche » (un canif), « vol d’un bien culturel dans un édifice affecté au culte ». Préventions auxquelles un lourd casier donne d’ores et déjà un relief particulier, un peu cartonné : il est en état de récidive légale pour les trois préventions, il a 27 condamnations au compteur, dont « 3 pour menaces – de mort, de crimes ou de délits-, et 7 pour vols » synthétise Caroline Locks, substitut du procureur, et puis des violences. Le casier s’ouvre en 1999 (il est né en 1980), « Qu’en pensez-vous ? lui demande la présidente Delatronchette. – Madame, j’étais dans une mauvaise période où j’étais un peu perdu, j’avais un certain mal-être. – C’est une période qui a duré… remarque la juge. »

A Saint-Vincent, le calme mais la peur

Dans la salle, une des victimes. Le père Thierry de Marsac, en charge de la paroisse de la cathédrale Saint-Vincent, entend se constituer partie civile. Il n’a pas la parole à l’audience, puisque le jugement est renvoyé, mais on échange un peu entre deux portes car le rôle est chargé aujourd’hui, et l’attente, longue. Le prêtre dit que tout le monde est resté calme devant l’irruption avinée du grand Ahmed. Calme oui, mais l’esprit saisi, à cause des menaces et de remarques parfaitement surréalistes sur la lecture fondamentale en ce lieu de culte (« c’est le Coran qu’il faut lire »), par le souvenir encore vif de l’assassinat du père Jacques Hamel en l’église de Saint-Etienne du Rouvray. L’esprit saisi par l’incertitude : la scène va-t-elle basculer ou en rester à l’état de sinistre farce ? Qui se trouve là, qui est cet homme ?

 

Il serait en CDD chez Emmaüs

Cet homme de 37 ans vit chez ses parents, y est domicilié en tous cas, dans la Loire, et sa mère a fait le déplacement jusqu’au TGI de Chalon-sur-Saône. Il est célibataire, sans enfant. Il est manifestement alcoolique. Il était venu à Chalon après le travail, « avec un ami, pour voir un ami », et s’est inopinément permis un after à la cathédrale Saint-Vincent, il a fait très peur à ceux qui étaient présents. Il a pris le bréviaire, tout en conseillant au prêtre d’aller lire autre chose, et à l’audience il annonce qu’il travaille en CDD comme « chauffeur-livreur, employé polyvalent » … chez Emmaüs à Roanne. Une vraie ratatouille. On ne sait même pas si c’est vrai, il devra en justifier lors de son jugement.

 

Un imaginaire désormais nourri d’actes barbares

 Ahmed X a un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation parce qu’il est en sursis mis à l’épreuve, « lui, il a mes contrats de travail ». Un enfant. Un enfant d’un mètre quatre-vingt-dix et d’environ 100 kg, qui aligne les peines pour des infractions et des délits qui tournent en boucle, comme lui. De Roanne, explique la présidente, sont arrivées « de nombreuses mains courantes », se plaignant d’Ahmed, toujours alcoolisé, qui menace et fait n’importe quoi, « des incivilités » dit-on au tribunal. A la cathédrale Saint-Vincent, c’était aussi des menaces et des incivilités, mais alimentées par un imaginaire nourri d’actes barbares, d’une toute puissance sans limites, de celle qui choque et sidère, et qui tue parfois. Ahmed n’est plus un enfant, depuis longtemps, et qu’il croise son histoire personnelle, malheureuse, erratique, que son casier judiciaire dessine, avec la violence nue à laquelle notre société est confrontée, va infléchir encore son destin, sur une pente descendante. « Un guignol, un imbécile », plaidait maître Varlet la semaine dernière (apologie du terrorisme), maître Diry pourrait sans doute le plaider aussi, mais le prévenu risque de voir les effets de son comportement lui échapper. On se demande du reste s’il sera en capacité d’en répondre quoi que ce soit qui tienne la route, il a dû oublier beaucoup de choses, l’alcool reste cependant une circonstance aggravante et non l’inverse.

 

Un mauvais rictus, l’esquisse d’un geste menaçant

Quand ce grand enfant intègre qu’il va rester détenu jusqu’à son jugement (pour s’assurer de sa présentation, et éviter les risques de renouvellement des infractions) il proteste : « Mais non madame, je ne vais pas réitérer. Madame, je vais perdre mon travail. » Il parle posément puis il se lève. Un mauvais rictus déchire alors comme un éclair son lange, et Ahmed X crache comme un chat en direction de la substitut du procureur, esquissant le geste menaçant, les deux bras tirés une seconde vers l’arrière, comme avant de prendre un élan.

Il sera jugé fin mai.

 

FSA