Saône et Loire économie

Le ras-le-bol des producteurs de viande

Le ras-le-bol des producteurs de viande

Forte mobilisation en dépit d’un délai de mobilisation des plus courts… A l’appel des Jeunes agriculteurs de Saône-et-Loire, rejoints par la FDSEA, plus de trois cents éleveurs se sont retrouvés à Villefranche-sur-Saône pour une opération de contrôle des viandes importées…

La mayonnaise a vite pris : moins de 48 heures après l’appel à mobilisation lancé par les Jeunes agriculteurs de Saône-et-Loire et leurs homologues des départements voisins rejoints par les FDSEA, rien moins que de trois cents à trois cent cinquante éleveurs se retrouvés au péage de Villefranche-Limas sur l’A6 le 10 juillet en fin de journée. Rien qu’au point de rassemblement de Mâcon, face à la Maison de l’Agriculture, on sentait bien que la mobilisation était forte, reflet du sentiment de ras-le-bol et de colère dont sont victimes les producteurs, les éleveurs allaitants en particulier. Partout, des visages jeunes parmi ceux des aînés, plus familiers des manifestations.

Il faut dire que le mot d’ordre colle particulièrement au ressenti du terrain : "Stop aux viandes importées ! Nos filières subissent, nos trésoreries en pâtissent !". Et de fait, comme il en sera largement question le lendemain à Blanzy, à la réunion organisée par la FDSEA et les JA sur la crise (lire à ce sujet en page 3 de cette même édition), les producteurs refusent d’être une nouvelle fois la seule variable d’ajustement des conséquences d’une importation non maîtrisée de viandes aux origines parfois douteuses. De fait, les seuls qui paient les pots cassés sont et restent les producteurs, le dernier et déjà le plus faible maillon de la chaîne. Et ça suffit ! C’est le message que la production est venue rappeler alors que se profilaient les premiers départs massifs en vacances de l’été.

Une équation simple

Cette opération s’inscrivait dans la droite ligne de celles déjà menées en direction de la grande distribution ces dernières semaines et des appels à mobilisation de la FNSEA et des JA nationaux.

Il faut dire que l’exaspération des agriculteurs ne cesse de grandir, eux qui ne cessent de dénoncer, en vain jusqu’alors, la pression à la baisse sur le prix payé aux agriculteurs. Et en la matière, l’exemple de la filière bovine est flagrant : depuis l’an dernier, les prix ont diminué de -10 % en moyenne et de 40 centimes par kilogramme de carcasse, ce qui, rapporté à l’animal, représente rien moins que 150 € ! Mais cela ne s’arrête pas là : semaine après semaine, le phénomène s'accentue, avec quelques centimes de moins payés qui, à chaque fois, creusent le trou de trésoreries déjà bien malmenées. Et de fait, le coût de production s’élève à 4,50 € du kilogramme, alors que le prix perçu par les agriculteurs est inférieur à 3,75 €… Pas besoin d’avoir fait Math Sup ou l’ENA pour comprendre le problème. Mais à Paris ou à Bruxelles, nul ne semble pourtant en avoir saisi les enjeux.

De qui se moque-t-on ?

En juin dernier, les JA et la FDSEA 71 avaient déjà mené une action "coup de poing" dans les rayons viande de certains hypermarchés et de certaines chaînes de restauration. Là encore, des erreurs ont été relevées comme de la viande charolaise de type "Laitier"… Mais on se moque de qui ? Où sont les hordes de contrôleurs de l’Etat pourtant si promptes à venir "titiller" les exploitants pour contrôler la traçabilité, le bien-être animal ou les éventuelles anomalies topographiques ?

Le paysans n’a pas le droit à l’erreur, mais côté GMS, l’impunité règne.

Et que dire des restaurants. Là, c’est plus qu’édifiant ! Tout au plus trouve-t-on les steaks hachés d’origine France… Et cela, au cœur même d’une grande région de production, forte de deux bassins : le charolais à l’ouest et le montbéliard à l’est. Bref, la viande française a quitté les frigos des grandes chaines de restauration, sans doute est-elle encore trop chère. Mais où passe donc cette différence ?

Tout cela est mal vécu. Et de plus en plus mal vécu… Seul moyen de changer le cours des choses, la communication négative et le fait d’alerter les médias sur ce qui se passe réellement. En la matière, inutile de "vider" tous les camions, seul un ou deux suffissent pour que les médias en parle, pour que le reste de la filière et les pouvoirs publics mesurent enfin le degré de gravité de la situation et la profonde colère des producteurs… Du moins l’espère-t-on.

Nicolas Durand

 

Consommons français !

« Nous entendons que les jeunes puissent continuer à vivre de leur métier », plaidait Guillaume Gauthier, président des Jeunes agriculteurs de Saône-et-Loire.

C’est en effet non seulement la survie de nombreuses exploitations, mais également la capacité à fournir aux consommateurs une viande avec toutes les garanties de traçabilité et de respect des normes de qualité et de production qui est en jeu.

« Nous entendons aussi valoriser la production française », complétait Bernard Lacour, président de la FDSEA de Saône-et-Loire, rappelant le message que les éleveurs entendent une bonne fois pour toute adresser au gouvernement, aux élus, mais surtout aux consommateurs et aux GMS et à la filière.

Et si l’on parle davantage de viande bovine, force est de constater que toutes les filières sont concernées. Pour preuve, la viande de poulet en provenance de Roumanie qui se rendait droit vers la Côte-d’Azur et les autres lieux de vacances estivaux… Et que dire des fruits et légumes, désormais quasiment tous d’importation, notamment d’Allemagne…

Les paysans osent le dire : il est urgent de consommer français, de consommer local. C’est aussi cela l’économie de proximité. Et cela sera bon pour l’environnement, pour l’emploi, pour la vie même de nos territoires ruraux. Mais, seuls, les producteurs n’y arriveront pas. Il faut changer d’urgence le logiciel qui prévaut tant dans la filière que dans les relations commerciales et même dans la tête des élus… Un vrai chantier, mais, et c’est une bonne nouvelle, les consommateurs sont avec nous. Et chacun est désormais face à "ses" responsabilités.

C’est bien dans ce contexte et cette volonté qu’une rencontre était organisée dès le lendemain avec les partenaires de la filière pour que des orientations axées sur la reconquête du prix d’achat aux éleveurs soit menées sans tarder.