Cinéma

Une fois vu Party girl, plus rien ne sera jamais plus comme avant

Une fois vu Party girl, plus rien ne sera jamais plus comme avant

Jeudi dernier, la Bobine, en partenariat avec l’Axel, recevait l’un des réalisateurs de Party girl [1], gratifié du prestigieux prix de la « Caméra d’or », lors du Festival de Cannes de cette année. Une soirée inoubliable à Chalon sur Saône.

Au cours d’une vie, chacun d’entre nous est conduit à faire d’innombrables rencontres. Des femmes. Des hommes. Toute une galerie de personnes plus ou moins hautes en couleurs, plus ou moins intéressantes. Si, souvent, rien de décisif ne se passe à leur contact, il arrive en revanche que certains des êtres dont nous croisons le chemin nous heurtent de plein fouet. Au point que notre propre trajectoire de vie s’en trouve affectée. Au point que nous nous en trouvons même momentanément déboussolés. Et si, sur l’instant, nous peinerions à croire que plus rien ne sera jamais plus comme avant, c’est pourtant bel et bien le cas : plus rien ne sera jamais plus comme avant. Qu’on le veuille ou non.

            Pour le cinéphile, mais aussi pour tout un chacun ou presque, croiser la route de Samuel Theiss, c’est un peu faire une de ces rencontres, inoubliables à leur façon. Il faut dire que tout, chez cet homme, a de quoi marquer, pour ne pas dire bouleverser. Aussi bien l’impression de « force tranquille » que sa présence dégage, que sa pensée, qu’il développe avec autant de douceur que de clarté. Une pensée, sinon iconoclaste, pour le moins oxygénée. Car Samuel Theiss, c’est évident, a une autre façon de concevoir l’art cinématographique, qu’il envisage comme un « art collectif », dédié au conflit, le cinéma en étant selon lui le lieu de prédilection.

            Ceci étant dit, au-delà de la personnalité même de Samuel Theiss, c’est surtout son cinéma qui ne peut laisser indifférent celle ou celui qui s’y retrouve confronté. Il suffit, pour s’en convaincre, de voir son tout premier « long », qu’il a conjointement réalisé avec deux de ses amies, Maria Amachoukeli et Claire Burger : l’époustouflant Party girl. Un long-métrage qui, à lire le synopsis, n’est pas, il faut en convenir, le genre de film sur lequel tout un chacun se précipiterait. A moins d’avoir un certain goût pour les histoires d’entraîneuses sur le retour, mères de quatre enfants de pères différents, continuant d’officier dans des rades glauques, surtout quand ceux-ci se situent près de la frontière franco-allemande…

            Vous l’aurez compris, il faut assurément voir Party girl. Ceci posé, qu’a-t-il de si époustouflant ? A vrai dire, si l’on met de côté l’envoutante bande-son – d’obsédantes compositions du groupe Chinawoman entrecoupées de tubes archiconnus, dont le célèbre Still loving you de Scorpions -, Party girl a plus d’une corde à son arc. Il y a, d’abord, cette façon de filmer les personnages. Des personnages attachants. Qui le sont d’autant plus qu’ils sont « joués » par des femmes et des hommes du cru, dont ce n’est pas le métier. Parce que Theiss et ses deux acolytes, souhaitant « donner la parole à une classe sociale peu représentée », celle des prolos lorrains, ont fait le choix de ne pas recourir à des acteurs professionnels. Il y a, aussi, cette façon que le film a de vous laisser aux prises avec un tas d’interrogations redoutables. Sur la marginalité. Sur l’amour. Sur la famille. Sur la liberté.

            Peut-on s’engager sans aimer et aimer sans s’engager ? Pour être une maman, faut-il forcément avoir élevé ses enfants ? Peut-on contraindre sa nature ? Autant d’interrogations que Party girl soulève avec une rare délicatesse : celle dont a su faire preuve Samuel Theiss durant tout le débat qui a suivi la projection de son film, devant un public nombreux et conquis.

 

            Ceci posé, s’il faut certainement voir Party girl, Info-Chalon se doit néanmoins d’avertir ses lecteurs d’une chose : une fois vu le film, vous n’imaginerez sans doute pas un instant que plus rien ne sera jamais plus comme avant. Pourtant, sachez-le, rien ne sera jamais plus comme avant…

 

S.P.A.B.

 

[1] 2014. Durée : 1 h 35.

Bande-annonce : http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19546845&cfilm=228021.html