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Infochalon a lu pour vous « Les défricheurs » d’Éric Dupin

Infochalon a lu pour vous « Les défricheurs » d’Éric Dupin

Pendant deux ans, le journaliste Éric Dupin, observateur critique de la gauche en mouvement, est allé à la rencontre sur les routes de France d’un peuple discret et méconnu qu’il a baptisé les défricheurs. En quête d’un mode de vie plus sain et détaché de la société de consommation, ces innovateurs sont porteurs d’idées et les réalisent. Ils réinventent l’habitat, l’agriculture, l’éducation, l’économie à leur échelle et rêvent d’une société plus solidaire, tout en cultivant au calme leur jardin personnel.

Favoriser épanouissement personnel et initiative. Réinventer une société du bien vivre. Trouver l’équilibre après une vie d’excès. Donner du sens. Ralentir. Ou tout simplement essayer de vivre selon ses principes ? Les personnalités rencontrées dans tous les coins de France par l’essayiste présentent florès de motivation. Pour manger, bouger, se loger ou se nourrir, tous ont tenté, avec plus ou moins de réussite des expériences innovantes.

Dans un style concis, sobre et toujours humain, le journaliste a cherché à comprendre les motivations de ses interlocuteurs. Il s’interroge aussi sur la durée des expériences croisées. Quelques mois, des années, le temps d’une vie ou plusieurs générations. L’homme s’est beaucoup arrêté en Savoie ou dans la Drôme. Il a aussi repéré plusieurs interlocuteurs en Bourgogne. Il évoque des débats lors du défunt festival de la transition de Cluny, s’est entretenu avec les maraîchers bio du Domaine Saint-Laurent à Château et pour son chapitre « cohabitations choisies », a discuté habitat partagé avec « Terre des possibles » à Saint-Pierre-Le-Vieux. Ces Saône-et-Loiriens qui peuplent les pages du livre ont une expérience et un enthousiasme à partager, des réflexions à transmettre, des doutes également. Du puzzle de l’économie sociale et solidaire à l’agrobiologie, l’auteur joue au trait d’union, se demandant si ces expériences collectives isolées peuvent être transposables et faire société. Prudent, Eric Dupin qui ne se départit jamais d’un esprit critique salutaire, marque les limites des diverses réalisations mais pointe surtout l’appel d’air que cet aréopage hétéroclite de chemins de vie apporte au reste de la société. Fuyant la politique politicienne, ces écologistes pragmatiques et novateurs ne se laissent guère polluer par les tentatives de déstabilisation : ils avancent. A leur rythme. Sans Éric Dupin, beaucoup auraient continué leur « révolution douce et tranquille », presque cachés. Cela aurait été dommage. Loin de se poser en donneurs de leçons dogmatiques, ces humains assument leurs choix de vie et ouvrent une porte.

« Les défricheurs, Voyage dans la France qui innove vraiment » Éric Dupin, éditions La Découverte, 19,50 €.

 

Florence Genestier

EXTRAITS

« J’ai eu le loisir d’admirer sincèrement la cohérence qu’ils parviennent à assurer entre leurs paroles et leurs actes. Voilà qui change de tous les discours moralisateurs et hypocrites qui saturent l’espace politique et médiatique. Et quel plaisir de rencontrer des personnes positives, enthousiastes malgré des conditions de vie souvent spartiates. »

 

« On se souvient de ceux qui prétendaient, il y a un siècle environ, « construire le socialisme dans un seul pays » : serait-il plus raisonnable, de nos jours, de bâtir l’écologie dans quelques communes ? »

 

« Les militants de terrain de l’écologie sont plus qu’on le croit, de précieux promoteurs de sociabilité. Leur volonté d’impliquer les populations dans leurs démarches concourt au lien social, célébré à la mesure de  sa déréliction ».

« La réconciliation des innovateurs de terrain avec l’action politique suppose que celle-ci renouvelle profondément ses manières de penser et d’agir »

 

« On n’ira nulle part sous une forme de rupture. Les révolutions, les catastrophes, cela crée de la panique, on va chercher l’homme providentiel, c’est le contraire de ce que l’on voudrait faire ! [dit Cyril Dion, cofondateur du mouvement des Colibris avec Pierre Rabhi]. La bonne stratégie consisterait à multiplier les lieux alternatifs, les prises de conscience, l’éducation populaire dans les petites communautés pour que les gens ne se tournent pas vers les « logiques autoritaires » quand le temps virera à l’orage ».