Politique de droite

Info-Chalon a lu pour vous "La cause du peuple". Retour sur plusieurs heures passées au sein de l’école « buissonnière »

Info-Chalon a lu pour vous "La cause du peuple". Retour sur plusieurs heures passées au sein de l’école « buissonnière »

Publié juste à temps pour plomber un peu plus celui qui sera dès le premier tour éjecté sans ménagement des primaires de la droite, La cause du peuple, de Patrick Buisson, n’est pas qu’un efficace missile lancé contre Nicolas Sarkozy. C’est également un symptôme - celui de la montée en puissance d’une façon bien particulière d’envisager la France d’hier, d’aujourd’hui et de demain... –, doublé d’un véritable essai politique. Le sentiment d’Info-Chalon.com.

Parlons net : votre serviteur d’Info-Chalon.com n’a jamais eu aucune affinité politique avec celui qui, avant de devenir le conseiller du président Sarkozy, fut longtemps journaliste à Minute, un hebdomadaire d’extrême-droite dont les unes sur Taubira (2), au moment de l’adoption de la loi éponyme, donnent une idée assez précise de la qualité qu’il faut prêter à cette publication… Parlons encore plus net : à présent qu’il en a terminé avec l’essai qu’il a récemment publié, La cause du peuple, votre serviteur peut déclarer qu’il n’en aura jamais, sauf cas de trépanation tournant au vinaigre.

Ceci précisé, votre serviteur d’Info-Chalon.com ne recommandera pas moins la lecture de ce livre à toutes celles et ceux qui font plus qu’aimer la politique, c’est-à-dire croient encore en elle, à la nécessité d’en faire, surtout à l’heure où d’aucuns assènent doctement qu’ « il n’y a pas d’alternative » au monde dans lequel nous vivons, qu’il faut s’accommoder d’une économie et d’une société de marché, vouloir et aimer cela, comme O’Brien voulait faire aimer Big Brother à Winston, dans le plus connu des romans de George Orwell : 1984.

Pourquoi recommander la lecture d’un bouquin écrit par un personnage à la réputation aussi sulfureuse que l’est celle de Patrick Buisson, et qui a peut-être même été rédigé par quelqu’un de plus trouble encore (3), à savoir François Bousquet, journaliste pour la revue néo-droitiste Eléments, ainsi que pour Valeurs actuelles et Le Spectacle du monde ? En réalité, pour de multiples (bonnes) raisons. D’abord, que La cause du peuple ait été entièrement ou pour partie écrit par François Bousquet devrait, comme le disait élégamment Jacques Chirac, nous « en toucher une sans bouger l’autre ». En effet, si l’on devait refuser de lire tous les textes de toutes les femmes et hommes politiques recourant aux services de ce que l’on appelle une « plume », on ne lirait plus grand-chose, tant ces derniers semblent de nos jours incapables de présenter d’eux-mêmes une pensée structurée et cohérente, articulée autour d’un registre lexical dépassant la centaine de mots. Car, qu’on le regrette ou que l’on s’en réjouisse, le personnel politique français en ce début de 21ème siècle n’est plus celui de la IIIème ou de la IVème République… Et si d’aucuns, parmi les dirigeants actuels, pour « faire style », invoquent les mannes de Blum, Clémenceau, De Gaulle, Ferry… comparer ce qu’ils baragouinent, souvent péniblement, avec ce que tonnaient naguère leurs glorieux prédécesseurs revient à comparer les performances d’un Solex ® avec celles d’un avion de chasse… Bref, que La cause du peuple ait été écrit par François Bousquet importe finalement peu dès lors que Patrick Buisson l’a signé et, de ce fait, en assume le contenu. Un contenu aussi instructif  qu’intellectuellement stimulant et qui, pour tout dire, constitue la principale raison pour laquelle il faut prendre connaissance de cet essai relativement volumineux, agrémenté de références bibliographiques souvent solides, parfois même surprenantes.

L’affaire est entendue : Patrick Buisson est humainement un connard, doublé d’un indélicat (4). Ceci étant, ses réflexions et analyses ne sont certainement pas celles d’un con. Outre qu’elles éclairent d’une lumière assez crue les coulisses du quinquennat pour rien de Nicolas Sarkozy, la profondeur des observations et remarques de Buisson font de son ouvrage un document qu’il faut lire, surtout si l’on fait sienne l’idée qu’il est toujours nécessaire, pour mieux le combatte, de connaître son ennemi.

« Connaître son ennemi », c’est, à lire La cause du peuple, ce quoi s’est lui-même employé Patrick Buisson, pour qui des auteurs tels que Marx, Péguy ou encore Jaurès n’ont semble-t-il aucun secret. Il est d’ailleurs assez troublant de constater, au fil des pages, à quel point la pensée socialiste, telle qu’elle s’est cristallisée au cours du 19ème siècle et au début du 20ème, alimente celle de Patrick Buisson, qui l’intègre à la sienne avec une certaine dextérité, ceci pour bâtir une redoutable doctrine réactionnaire, nourrie d’organicisme et puisant abondamment aux sources du catholicisme social. Une doctrine d’autant plus dangereuse que, mise au goût du jour – « uploaded » comme on dit en hipster –, ayant le peuple français pour objet et finalité, celle-ci réunit toutes les conditions pour attirer à elles la masse de celles et ceux que la reddition de la gauche de gouvernement face au turbo-capitalisme et au rouleau compresseur néolibéral a déçus, en mêmes temps que brisés : ouvriers, salariés précaires, travailleurs pauvres, classes moyennes dite « inférieures ».

Vraiment, à lire. Même si l’on n’a pas envie, en achetant ce livre, de rémunérer un Patrick Buisson qui, du temps de Nicolas Sarkozy, s’est semble-t-il bien goinfré (5), au frais de cette République qu’il est souvent, dans La cause du peuple, à deux doigts d’appeler « La Gueuse », comme le faisaient naguère, sous la IIIème République, les néo-monarchistes de L'Action française.

Samuel Bon

(1) Patrick Buisson, La cause du peuple. L’histoire interdite de la présidence Sarkozy, Perrin, 2016, 461 p, 21,90 euros.

(2) Le Monde, 17.09.2015 ; http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/09/17/minute-condamne-en-appel-pour-avoir-compare-christiane-taubira-a-un-singe_4761214_3224.html

(3) V. : La Lettre A, 1.12.2016 ; https://www.lalettrea.fr/action-publique/2016/12/01/buisson-bientot-encense-par-son-negre,108191988-BRL et La Lettre de l'audiovisuel, 19.12.2016 ; www.lettreaudiovisuel.com/rectificatif-4/ 

(4) Atlantico.fr, 14.03.2014 ; http://www.atlantico.fr/decryptage/sarkoleaks-enregistrements-sarkozy-buisson-trois-trahisons-1000895.html

(5) L’Obs, 23.09.2015 ; http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20150923.OBS6336/comment-patrick-buisson-a-pille-l-elysee.html