Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - « Monsieur, jeter une paire de ciseaux ouverte sur son enfant, c’est un geste grave »

TRIBUNAL DE CHALON - « Monsieur, jeter une paire de ciseaux ouverte sur son enfant, c’est un geste grave »

, dit la présidente Caporali au prévenu qui se tient devant elle, ce lundi 18 janvier. Lui, 54 ans, ouvrier agricole, se tient bien droit, jamais ne hausse le ton, sa franchise désarme : « J’arrivais pas à les gérer. »

On lui reproche des gestes violents à l’encontre de trois de ses sept enfants, l’année dernière, et au final on se demande si lui-même n’est pas en passe de devenir un parent maltraité.

Le père est déboussolé au point de souhaiter qu’on lui retire l’autorité parentale

C’est une audience à juge unique. Les faits sont graves, mais ce n’est pas une comparution immédiate, c’est une convocation à moyen terme, autant que possible la justice ne laisse pas traîner les affaires de violences intra familiales. De toute façon, tous les services sociaux sont de la partie désormais, et pour mettre les enfants à l’abri, un rapport est venu « m’interdire de recevoir les petits ». Le père est déboussolé, au point de souhaiter qu’on lui retire l’autorité parentale, car d’autorité, il n’en a point, ou que trop peu, et ses garçons qui grandissent lui en font voir. « X m’a donné plusieurs fois des coups de pied, de poing. C’est pas normal de taper son père. »

« Ils sont tellement délurés, ils sont toujours sur leurs consoles, ils connaissent la violence ! »

Tout roulait tant bien que mal avant, mais depuis la séparation du couple, c’est comme si le ciel lui tombait dessus, encore et encore. La juge : « Je peux entendre que gérer sept enfants tout seul à la maison, c’est difficile. Mais les menacer d’un couteau parce qu’ils ne font pas leurs devoirs ou ne vont pas se doucher… ? – J’ai jamais cherché à leur faire du mal. Je disais que j’allais leur couper l’oreille en pointe, comme on disait avant. Ils sont tellement délurés, ils sont toujours sur leurs consoles, ils connaissent la violence ! » Cet homme est contraint, depuis sa mise sous contrôle judiciaire, de voir un(e) psychologue. Il dit que ça « m’apporte en grand réconfort en paroles », et ça se sent à l’audience. « Déjà, avant, c’était pas simple. Quand il fallait hausser la voix, j’avais pas la parole qui portait. »

« Mes enfants, ils sont gentils comme tout »

Il dit encore que l’aîné l’a mis sur le carreau, l’an dernier. Ce padre qui n’en peut mais, cumule tous les travaux possibles pour nourrir son monde et l’emmener en vacances. Mais aujourd’hui « mes enfants me tournent le dos, ils m’ignorent quand je leur parle. Je pense que je vais demander à être déchu de mes autorités parentales. » Pourtant, dit-il également, « mes enfants, ils sont gentils comme tout, même les garçons ». Maître Marceau connaît bien la situation car il a assisté le père devant le juge aux affaires familiales. « C’est bien dommage que monsieur n’ait pas d’avocat aujourd’hui. Il est maladroit, mais je veux bien comprendre qu’il ait été dépassé. »

« Les garçons manquent de respect envers leur père, c’est vrai, mais »

L’avocat raconte la partie manquante de l’histoire : « Le problème naît d’un désir d’émancipation de madame. Monsieur au travail, madame aux fourneaux (et ajoute-t-on, madame aux grossesses, accouchements, sept enfants, hein - ndla). Dans une vie de famille sclérosée, ce désir est mal perçu. On savait très bien qu’il avait des difficultés à s’occuper des sept enfants, d’abord parce qu’entre eux, il y a la synergie de leur fratrie, et ensuite parce qu’il était absent, il était beaucoup au travail. Et ça donne ce gloubi-boulga familial où tout le monde en veut à tout le monde. Les garçons manquent de respect envers leur père, c’est vrai, mais la réaction de monsieur est contre-productive. Le lancer de ciseaux reste dans la mémoire de la fratrie. C’est un père qui s’est toujours reposé sur son épouse, mais qui devant le JAF a bombé le torse en se disant capable de s’en occuper une semaine sur deux. Payer 7 pensions alimentaires, ça lui paraissait impossible. » Julien Marceau donne le montant de la PAL réclamée par madame à l’origine. Multiplié par 7, ça peut faire peur. L’avocat explique au prévenu que c’est le juge qui fait une balance entre les revenus et les charges et adapte le montant en fonction des situations. Qui peut le savoir à l’avance quand on ignore tout du fonctionnement de la justice ?

« Je ne doute pas qu’il aime ses enfants, mais quand il est dépassé, il fait n’importe quoi »

« C’est un papa qui n’est pas intrinsèquement violent. Je ne doute pas qu’il aime ses enfants, mais quand il est dépassé, il fait n’importe quoi. Il n’est pas du genre à s’épancher, il est un peu bourru. » L’avocat demande des dommages et intérêts en reconnaissance du préjudice causés aux trois garçons. C’est le collège qui a signalé la situation après que la maman en ait parlé, à l’occasion d’une convocation concernant l’un de ses fils. « On a conscience de voir quelqu’un en détresse, poursuit Aurélie Larcher, substitut du procureur. Mais l’utilisation d’armes (couteau, ciseaux, et un pot de yaourt, ndla) est inqualifiable et injustifiable. » Elle requiert 6 mois de prison assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. « Une AEMO* est en cours, il ne faut pas couper les ponts avec ses enfants. »

Deux ans de probation

La présidente explique au prévenu la peine requise, il a la parole pour sa défense. « Je suis désolé des faits et gestes. »
Le tribunal le condamne à une peine de 6 mois de prison entièrement assortis de 2 ans de sursis probatoire. Obligations de soins psychologiques (« Autant pour comprendre la portée de ses actes et ne pas récidiver, que pour avoir un accompagnement dont il a besoin » disait le parquet), d’indemniser les victimes, et de suivre un stage de sensibilisation aux violences intra-familiales, « le coût du stage ne sera pas à la charge de monsieur » précise la présidente Caporali à madame le greffier.

 

« Pendant le confinement, y en a un qui pissait par la fenêtre, deux autres qui tapaient contre les murs, les voisins se sont plaints à la mairie. Les garçons me tapaient dessus, je ne peux pas me laisser faire. C’est pas bien, ce que j’ai fait, mais c’est les seuls moyens que j’ai trouvés. »

 

FSA

*AEMO : action éducative en milieu ouvert

(La présidente a relevé un élément (supplémentaire) en défaveur de la garde alternée : chacun des parents réside désormais dans deux villages différents de la côte chalonnaise. Cela fait qu’une semaine sur deux les collégiens sont privés de leurs potes, c’est compliqué pour leurs activités extra-scolaires, etc. D’un autre côté la mère a besoin de souffler de temps en temps.)