Chalon sur Saône

« La sécurité publique, ce n’est pas que la police » pour Bertrand Pic, commissaire de police à Chalon sur Saône

« La sécurité publique, ce n’est pas que la police » pour Bertrand Pic, commissaire de police à Chalon sur Saône

Le commissaire Bertrand Pic quitte Chalon-sur-Saône pour d’autres fonctions. Il a accordé un entretien à info-chalon.com

Ses hommes ne l’appellent jamais qu’ainsi : « le patron ». Depuis 4 ans et 8 mois, Bertrand Pic est commissaire de police à Chalon-sur-Saône, mais il est partant. Le 7 avril au soir, le commissaire Pic quittera donc ses fonctions de chef de la plus grosse circonscription de sécurité publique du département de Saône-et-Loire, et de DDSP* adjoint. Il partira pour le Jura prendre la direction de la DDSP, avec un regret : ne pas pouvoir dire au revoir comme il l’aurait voulu, en offrant un pot de départ aux fonctionnaires et au personnel du commissariat ainsi qu’aux partenaires inévitablement associés à sa fonction. Un regret, donc, envers ce commissariat auquel il s’est attaché, mais aussi de belles satisfactions professionnelles. 

« J’accorde beaucoup d’importance aux gens avec qui je travaille »


« On ne peut pas être policier que huit heures par jour quand on fait ce métier... Je m’y investis pleinement, et j’accorde beaucoup d’importance aux gens avec qui je travaille. Ils font un boulot difficile, vraiment. J’essaie de prendre soin d’eux, de reconnaître et de faire reconnaître le travail effectué. Je veux qu’ils soient bien ici. Avec l’ancien sous-préfet Jean-Jacques Boyer (nommé à Villefranche en février dernier, ndla), on avait organisé des temps de convivialité au cours desquels on remettait des lettres de félicitations, des témoignages de satisfaction. Et j’ai mis en place une journée de cohésion pour l’encadrement, une journée ludico-sportive, c’était bien. Ce sont des métiers où on est appelé la nuit, le week-end on fait des permanences, on n’est jamais tranquille. Nous ne sommes pas à plaindre, mais il faut être costaud, solide. La pénitentiaire (17 ans de sa carrière) c’est très formateur, pour les gestions de crises entre autres, ça m’a apporté beaucoup. Mais quand on travaille bien, les chiffres sont bons, et s’ils sont bons, alors c’est qu’on n’a pas besoin d’effectif…c’est un point de vue purement comptable qui ne prend pas en compte la situation des femmes et des hommes sur le terrain. Il y a eu des burn out au commissariat, les enquêteurs travaillent à flux tendu. Leur solidarité entre eux joue beaucoup, certes, mais il faut veiller à ce que personne n’aille vers la rupture, vers l’épuisement. Ce n’est pas simple et ils peuvent avoir le sentiment que leur hiérarchie ne se mobilise pas suffisamment » 

4 ans et 8 mois marqués par les Gilets jaunes


« L’expérience la plus marquante c’est le mouvement qu’on a appelé « les gilets jaunes », ça a duré des mois, chaque week-end. Mais dans toute chose j’essaie de voir le positif, et cette période éreintante a permis aux policiers de mieux se connaître, ça nous a rapprochés les uns des autres, au sein du commissariat mais aussi avec les collègues, je pense à ceux de Montceau auxquels nous avons prêté notre concours. Je pense aussi aux gendarmes puisqu’on s’est aidés mutuellement. Il y a eu des moments forts, pas évidents à gérer, on a bien travaillé. Mais d’autres manifestations publiques peuvent être très sympa. Chalon dans la rue, c’est sympa. Et puis on a un très bon souvenir du Tour de France 2019, on était fiers et contents, il faut ça, de temps en temps. »

Être commissaire à Chalon-sur-Saône


« Ce qui m’a marqué ici, c’est la qualité des partenariats, parce que la sécurité publique, ce n’est pas que la police. On travaille sous l’autorité du Préfet et du Sous-préfet, et du Procureur de la République (versant judiciaire). On travaille avec les gendarmes et les pompiers, mais aussi les élus, je pense notamment à Hervé Dumaine (adjoint à la sécurité pour la Ville), aux maires des quatre autres communes  qui sont de notre ressort. Par exemple, on a aidé le maire de Châtenoy-le-Royal à mettre en place sa vidéoprotection. On travaille aussi avec les bailleurs sociaux, l’éducation nationale. Une mention spéciale pour la STAC, car elle est très bien gérée sur le plan de la sécurité. La gestion des transports publics peut vite être un problème dans une circonscription, mais ici, non. Bref, chacun a ses attentes, et nous essayons d’y répondre. La sécurité publique, c’est la police de la sécurité du quotidien. Un exemple : quand un point de deal apparaît, tout le monde doit y mettre du sien, car c’est tout le tissu social qui est affecté, donc concerné. »

Effectif, matériel, et améliorations toujours possibles


« On n’est pas suffisamment nombreux, oui. Mais depuis 2017 on note une vraie amélioration sur ce qui est matériel : les véhicules, une forte progression des équipements individuels, et la réfection d’une partie de nos locaux. Nos agents sont mieux équipés et roulent mieux, c’est important. Je voulais mener, mais cela se fera peut-être plus tard, une réflexion pour organiser un accueil différencié pour les victimes de violences intra familiales. L’accueil est ainsi fait (l’espace y est restreint, et il est impossible de l’agrandir, ndla) que la confidentialité n’est pas optimum. Il faudrait trouver un moyen de distinguer ces victimes particulières pour les orienter plus rapidement et dans le respect complet de la confidentialité. Dans d’autres commissariats, on a installé une sonnette dédiée aux victimes de violences. Cela complèterait le dispositif mis en place avec succès en 2017, avec la présence d’intervenantes sociales du réseau VIF municipal dans nos locaux, avec le service des plaintes. »

La solidarité chevillée au corps (du métier)


Le patron en est fier : « Quand il faut aller au charbon, ils sont là. Le matin où on a appris qu’un « homme au marteau » agressait des personnes dans Chalon, tout le monde s’est équipé et est sorti, dans une mobilisation spontanée face à la menace. Les policiers savent faire preuve d’initiative quand il le faut, ils sont hyper réactifs et il faut l’être ! Il faut savoir passer d’un sujet à un autre, sans répit. » Bertrand Pic termine sur le cœur de sa fonction, ce qui l’anime et tient intacts sa motivation et son investissement : « Le plus difficile, dans la police française, c’est la sécurité publique. Il faut, où qu’on soit, composer avec l’autorité administrative, l’autorité judiciaire et les maires qui ont de attentes. Mon travail, c’est de savoir envisager, évaluer, et anticiper quand c’est possible l’impact, les conséquences d’un fait ou d’une décision, sur l’environnement pris dans sa globalité et en n’oubliant rien, ni personne. Cette dimension du travail fait qu’on est au centre de tout, et que tout ce qui a trait à la sécurité nous concerne. »

Propos recueillis par Florence Saint-Arroman 

* https://fr.wikipedia.org/wiki/Direction_centrale_de_la_S%C3%A9curit%C3%A9_publique
DDSP 71 : http://www.saone-et-loire.gouv.fr/la-direction-departementale-de-la-securite-a3693.html

Avant son départ, le commissaire Pic nous a ouvert les portes de ses services. Partant du principe qu’on ne parle bien que de ce qu’on connaît bien, nous avons accepté sans la moindre hésitation. Nous avons passé quelques jours en immersion, passant d’un service à un autre. A suivre, donc, une mini-série d’articles sur la police au quotidien.

A venir : Le quotidien au commissariat (1) : la salle radio et police-secours