Faits divers

TRIBUNAL DE CHALON - Une séparation qui part vers le harcèlement

TRIBUNAL DE CHALON - Une séparation qui part vers le harcèlement

L’entente de ce couple - mariage en 2017- ne fut qu’assez peu cordiale. Procédure de divorce en cours. Ils sont séparés mais il la harcèle tant et si bien, en dépit d’une interdiction de contact, qu’elle a une ITT de 30 jours pour préjudice psychologique important. Elle obtient à la suite une ordonnance de protection : il est passé outre.

Il a violé le 31 mai dernier l’ordonnance de protection délivrée le 16 avril. Un message, à 00h35, « Prépare-toi, à bientôt sale p. » Il est immédiatement arrêté, placé en détention provisoire le 2 juin. Il est jugé ce jeudi 3 juin en comparution immédiate. Il devait l’être le 12 juillet prochain, pour les faits de harcèlement, le parquet demande qu’on le juge ce jeudi, il est d’accord. La présidente Caporali fait montre d’une capacité à intégrer un nombre impressionnant d’informations et les restitue aux juges assesseurs avec le débit qui la caractérise par ailleurs, impressionnant lui aussi. 

Harcèlement par tous moyens

De toute façon les errances des deux futurs ex-conjoints sont attestées par des mains courantes et des plaintes. Quant au harcèlement... Il avait tenté de l’embrasser alors qu’elle ne le voulait pas. Il pouvait lui envoyer jusqu’à 80 messages le même jour. SMS, WhatsApp, Messenger, mails : autant de portes et de fenêtres pour l’atteindre, la toucher. Il alterne les messages d’amour et de chantage au suicide. Fin janvier il vient taper et sonner chez elle, en février il se cache dans la cage d’escalier. Son empressement a raison de la quiétude de la femme qui présente au médecin légiste le tableau d’un être fragilisé parce que jamais tranquille. Lui, du box, conteste pas mal de choses.

Il tente de renverser la vapeur 

Il parle de sa fille, « je ne l’ai pas vue depuis deux mois ». « C’est faux », démontrera maître Bouflija. La présidente revient à la charge, il finit par lâcher que « oui, même si c’est grossi ». N’a-t-il pas été excessif ? Pas tant que ça, d’après lui, « elle ne dit pas tout ». Il insinue des choses, le tribunal le recentre sur les faits qu’on lui reproche. Il évoque la carte de séjour de sa femme, joue la carte du mari manipulé et exploité à des fins intéressés, « je vais pas vous faire un dessin ».

Wow

La présidente revient sur les termes du certificat médical. Il répond qu’elle a fait « beaucoup de crises de nerfs », que sa personnalité est fragile, au minimum. Le genre de dossier où ça déballe méchamment. La présidente rebondit sur son attachement à sa jeune femme, qu’il a dit et répété l’aimer. « Cette relation était toxique », dit-il. Soit. Pourquoi alors avoir voulu à revenir à tout prix ? « Comme j’ai dit à ma psy, je préfère prendre des claques et des crachats mais être heureux avec elle. » Wow.

« Intrusif » - il ne trouve pas, car tout s’explique 

Dans la foulée il change son violon d’épaule parce que finalement « j’ai rencontré quelqu’un »... On en reste un peu estomaqué d’être ainsi embarqué sur un Troïka. Un juge aux affaires familiales est dans la boucle, les passages de bras, comme on dit, étaient organisés après l’interdiction de contact, l’autorité parentale lui a été retirée. Le 30 mars il l’attend en bas de chez le dentiste. « Intrusif » dit la présidente. Il avait récupéré une ligne téléphonique de sa femme, il recevait les SMS de Doctolib à l’intention de sa femme.

Un mode relationnel toxique 

« Je ne pensais pas que ça prendrait de telles proportions. » Soit il est fragile, soit il manipulateur, soit les deux, puisque l’un n’empêche pas l’autre. Il a plusieurs comptes Facebook, pourquoi ? « Elle aussi, elle a trois comptes. » Le tribunal le recadre pour la nième fois, du coup il dit qu’il était désespéré. Il use du même mode relationnel qu’avec sa femme, l’amour en moins. A chaque fait, et dieu sait qu’ils sont nombreux, auquel il est confronté, soit il se défausse sur sa future ex, soit il invoque son malheur à lui.

« P » comme… pourriture 

On apprend que le « p » de « sale p » dans son récent message, voudrait dire « pourriture ». Et finalement ça serait pas une menace ? « On dirait, oui. » Mais vraiment ce n’est pas ce qu’il voulait faire. Il avait pris « des cachets », il était « désespéré », mais ensuite s’est aperçu qu’il était « un imbécile ». Il baratine, c’est fou. Il a ce talent qu’ont les profils comme le sien, de savoir spontanément répondre toujours un peu à côté, et en incriminant l’autre mais par allusion, toujours. 

« Je suis passé à autre chose » (sic)

Forcément, l’audience est longue. « Après ça j’ai tout supprimé, je suis passé à autre chose. » C’était il y a 4 jours mais on n’est plus à ça près. « Ça a y est dans ma tête c’est fini. Faut que je travaille pour mes enfants. Je suis seul, j’ai pas de famille. (Etc.) » Puis, au sortir d’une grande tirade : « Je voudrais jamais lui faire du mal. » Elle a 30 jours d’ITT. Son casier à lui est néant, il a trois enfants, dont la dernière, qui n’a pas 3 ans, avec la victime.  Il est sans emploi, mais doit démarrer la semaine prochaine, tiens donc, une mission comme électricien. Les mois précédents il ne travaillait pas.

« Madame a peur. Il faut la protéger. »

Manipulateur, donc menteur, c’est le portrait qu’en dresse maître Sarah Bouflija qui rétablit quelques faits : il a toujours pu voir sa fille, il est à l’initiative de la requête de divorce, il a été violent physiquement à plusieurs reprises, et il a harcelée son épouse à l’en rendre malade, et « comme par hasard il se trouvait toujours à proximité de chez elle ». « Elle a une vingtaine d’années, il en a bientôt 50, elle est esseulée sur le territoire, il y a une volonté d’emprise. Elle a cru à ce mariage. » L’avocate explique que le comportement et le positionnement du prévenu sont inquiétants. « Madame a peur. Il ne respecte aucune décision judiciaire, il faut la protéger. »

« Monsieur ne comprend pas les limites »

Anne-Lise Perron, substitut du procureur, reprend tous les éléments choquants entendus au cours de l’audience, la position du prévenu qui se victimise en toute occasion. Elle relève également toutes ses contradictions et « ses explications plus ou moins nébuleuses ». « Monsieur ne comprend pas les limites. Les faits sont graves car il prend en otage sa petite fille. Et j’ai l’impression que monsieur ne se remet absolument pas en question. Ses propos sont assez effarants. Il ne respecte ni la loi pénale ni les décisions de justice. A mon sens, monsieur est un danger pour madame. » 

Réquisitions et défense

La procureur requiert une peine mixte avec le maintien en détention pour 8 mois ferme. Maître Bibard plaide « la modération », et à l’image de son client, plaide le brouillage de l’image, « c’est gris des deux côtés ». Il insiste sur « la détresse psychique de son client », « sa souffrance aiguë ».

Décision : DDSE et 2 ans de probation

Au terme de presque 3 heures d’audience, le tribunal condamne cet homme à une peine de 12 mois de prison dont 6 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Obligations de soins, de travailler, d’indemniser la victime. Interdiction de contact et de paraître à son domicile. Le tribunal ordonne l’exécution provisoire : cela veut dire que ces obligations et interdictions prennent effet ce 3 juin à 18h15. Les 6 mois ferme sont aménagés en détention à domicile sous surveillance électronique, monsieur rencontrera bientôt un juge de l’application des peines. Dans l’intervalle, s’il entrait en relation avec madame, il pourrait être incarcéré.

FSA