Faits divers

Le 24 juillet, à Mervans, une histoire de chaton a déclenché les hostilités et la mort d'un chien

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 27 Juillet 2021 à 21h43

Le 24 juillet, à Mervans, une histoire de chaton a déclenché les hostilités et la mort d'un chien

Ça aurait pu se passer n’importe où en France, mais c’est arrivé à Mervans, route de Louhans. Quoi ? Un différend entre amis qui flambe à toute vitesse en insultes, puis en passages à l’acte.

Victimes principales : une porte, une boîte aux lettres, une lunette arrière de voiture, et puis un chien. Comme a dit le président Dufour : « C’est gratiné ! Et d’un côté comme de l’autre. »

Deux prévenus sont dans le box, escortés par des gendarmes du PSIG de Louhans. Ceux qui se sont coltinés le bazar, le 24 juillet dernier, ce sont les gendarmes de la brigade de Saint-Germain-du-Bois. Il était 23h15, expose le président Dufour, quand ils arrivent sur les lieux, appelés par une voisine alertée par les bruits et les cris.

Tout est parti… c’est difficile à dire. D’après le prévenu principal, un entrepreneur de 45 ans, le fils de ses amis avait fait un stage chez lui, sans difficultés. Mais le jeune homme est allé chez lui récupérer de la ferraille avec un utilitaire dans lequel un chaton serait monté. Le jeune homme ne s’en aperçoit pas et repart avec le minou, lequel s’enfuira à l’ouverture des portes. Le chat est perdu. Le maçon en chef n’apprécie pas, insulte le jeune homme par SMS lequel montre ça à ses parents, et c’est l’ouverture du bal.

Il entreprend de défoncer la porte de ses amis à coups de masse

Les parents répondent. Le maçon perd toute mesure, se met à les menacer de mort, envoie des messages hyper violents. Ses amis, les parents du garçon, l’invitaient néanmoins à passer chez eux : ils faisaient un barbecue, la soirée s’annonçait sympa. Lui, il était avec un pote. C’est le second prévenu. Il a 50 ans et la voix drôlement éraillée. Il habite à Vesoul, il boit trop et n’a plus de permis de conduire depuis une vingtaine d’années, à cause de ça. Il vit donc aux franges et d’après ce qu’il dit à l’audience, ça lui va bien. Sauf que ce soir-là c’est lui qui prend le volant de la Clio, et avec son super pote les voilà partis route de Louhans, où le maçon, un homme charpenté, entreprend de défoncer la porte de ses amis à coups de masse. Les gens sortent, « tout le monde a bien bu », relève le président. Quelqu’un brise la lunette arrière de la Clio, « parce que je porte une chevalière » a dit cette personne.

Alors il a shooté la pauvre bête

Les deux copains repartent, c’est celui qui n’a pas de permis qui conduit (et qui d’ailleurs ne se souvient de rien du tout, donc il semble relax, il écoute, mais il y était sans y être donc il n’a rien à apporter au débat), et, affirme le prévenu principal, « comme il n’est pas d’ici, il est parti en direction de Louhans ! » du coup, le résident de Mervans prend le volant, fait demi-tour et donc repasse devant la maison des victimes. Et là… il dit qu’il n’a pas fait ça délibérément, que le chien a déboulé sans crier gare, qu’il y a avait du monde à gauche et à droite et qu’il ne pouvait pas donner un coup de volant sans percuter quelqu’un, alors il a shooté la pauvre bête que les gendarmes ont trouvé agonisante, et qui décède sans trop tarder.

Pour des gens qui s’aiment, « on fait bien monter la mayonnaise des deux côtés »

Le tribunal doute de cette version, à cause de la teneur des SMS, du style « et encore, on était gentils (…) vous, race de pute, aurez crevé le long de la route, avec le chien ». Dictée vocale, explique le prévenu, mais bon, ça ne change rien sur le fond. « Je m’étais mis à boire, quand j’ai compris ce que j’avais fait, parce que c’est des gens que j’aimais bien. » Le président remarque au passage que pour des gens qui s’aiment, « on fait bien monter la mayonnaise des deux côtés ». La femme du prévenu principal intervient sans y être invitée, le président se fâche, c’est lui qui donne la parole, c’est à lui que revient la police d’audience. En parlant de police, un équipage de la BAC prend place au fond de la salle. Y a du monde sur les marches du palais, la mayonnaise n’est pas retombée. Bref, les trois policiers se montrent.

« J’ai fait l’con ! J’ai fait l’con ! »

Dans le box, celui qui menaçait de tous les finir, de les tuer « avec l’accord des gendarmes » (sic, sic et re-sic), se défend. « J’ai fait l’con ! J’ai fait l’con ! Je pense à la connerie que j’ai faite… pour rien ! Des amis ! On se prenait dans les bras, on a pleuré des morts ensemble… Je suis désolé pour eux. » Le président rebondit : « Avez-vous essayé d’écraser monsieur ? – Non ! Je les aime trop. » Ses SMS jouent contre lui, « on revient te terminer, bisous », « pour un chaton, il y aura des morts, moi on me menace pas ».

Deux casiers judiciaires

A son casier, 13 mentions. De 1997 à 2013, du côté de Saint-Dié, puis à partir de 2015 à Chalon. Vols, outrages, menaces de mort, violence, violence sur conjoint, abus de confiance. Le prévenu estime que c’est grâce à sa femme et à ses enfants qu’il a « ouvert les yeux, il y a 5 ans ». Sa fille aînée a 15 ans. Son pote, lui, n’a pas d’enfants mais 4 condamnations : conduites sous l’empire de l’alcool, et conduites malgré l’annulation du permis. Les mêmes infractions qu’aujourd’hui. Contre lui, la vice-procureur requiert une peine mixte dont la partie ferme serait aménageable, contre le prévenu principal, elle demande 18 mois de prison dont 6 mois seraient assortis d’un sursis probatoire de 2 ans, avec un mandat de dépôt.

Les victimes étaient « très alcoolisées », par SMS on se menaçait « des deux côtés »

Maître Duquennoy en profite pour faire remarquer que le prévenu qui ne se souvient de rien serait passé en correctionnelle si le parquet n’avait pas décidé d’une comparution immédiate pour l’autre. L’avocat rappelle que les victimes étaient elles aussi « très alcoolisées », et que par SMS on se menaçait « des deux côtés ». « La lunette arrière de la voiture brisée à cause d’une chevalière, et la blessure au bras de monsieur (le prévenu principal), me font douter de la véracité des propos de la famille qui est victime à l’audience. » Il demande que le tribunal réduise le quantum des peines requises. Le prévenu de Vesoul n’a rien à ajouter. L’autre se lève : « Je m’excuse (il s’adresse au couple victime), ta femme, pareil. »

Reconnus coupables de tout ce qu’on leur reproche

Le tribunal condamne celui qui a un ticket CEA/pas de permis, à la peine requise : 12 mois de prison dont 6 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, obligations de soins (addicto), de suivre un stage de sensibilisation à la sécurité routière, il a interdiction de conduire pendant 1 an. Les 6 mois ferme sont aménagés à la barre en détention à domicile sous surveillance électronique. 
L’autre est déclaré également coupable de tout ce qui lui est reproché, dont la mort du chien. Le tribunal le condamne à une peine de 18 mois de prison dont 9 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans. Le tribunal décerne mandat de dépôt pour les 9 mois de prison ferme et ordonne la confiscation du véhicule (qui appartient à sa femme, laquelle va être bien embêtée).

Une crainte sans objet et le soutien de sa famille

Le grand type va donc être incarcéré. A-t-il des problèmes de santé ? Oui. Lesquels ? Il est allergique à pas mal de médicaments, dont il a une liste chez lui. Mais, pire, dit-il, il peut réagir gravement au contact avec des gens ayant ingéré ces médicaments. Voilà une information que la médecine ne saurait cautionner : ça n’existe pas, ça. 
Sa famille, un bébé compris, va s’agglutiner avec beaucoup d’émotion et un peu d’hystérie contre les parois du local des véhicules des forces de l’ordre et de la pénitentiaire. L’équipage de la BAC a silencieusement garé son véhicule à quelques mètres. Et puis voilà.

Florence Saint-Arroman