Faits divers

A Simandre, les violences intra-familiales n'ont pas d'âge

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 27 Juillet 2021 à 21h47

A Simandre, les violences intra-familiales n'ont pas d'âge

Un prévenu âgé et sous assistance respiratoire, une victime âgée elle aussi, et frappée de troubles neurologiques. Il est poursuivi pour violences habituelles sur sa femme, la prévention couvre 6 ans.

Quand le troisième âge rencontre l’institution judiciaire c’est toujours terrible.

Faut pas s’y laisser prendre, prévient la vice-procureur, « l’attitude de monsieur à l’audience n’est pas révélatrice de celle qu’il a eue devant le procureur, ainsi que de celle qui apparaît dans la procédure ». Faut pas se laisser attendrir, donc. C’est que le prévenu, âgé de 73 ans, vit sous assistance respiratoire. Alors, forcément, le voir ainsi à la peine, ça soucie. Il est poursuivi pour violences habituelles depuis 2015, sur son épouse. Ça, c’est la prévention, c’est le cadre que la justice a posé. La prévention s’arrête le 8 juillet dernier. Le 15, ce monsieur était placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de contact avec sa femme. C’est toujours violent de voir des gens âgés se cogner à l’institution judiciaire, ça génère un sentiment particulier.

« Il n’est pas normal que ça soit à elle de quitter son domicile »

Ce lundi 26 juillet il pense qu’il va être jugé mais son avocate (barreau de Dijon) fait faux bond, et lui, péniblement assis sur une chaise, voudrait être défendu. Maître Gemma qui intervient pour la victime, s’oppose au renvoi, estimant que le conseil de monsieur avertissait bien tard de sa défection, sans en informer la victime, etc., et puis l’avocate attire l’attention du tribunal sur l’état de santé de la victime, qui se dégrade. Elle souffre de troubles neurologiques, elle a dû quitter son domicile il y a deux semaines, pour sa protection, certes, mais les changements de lieux la perturbent encore plus, et puis « il n’est pas normal que ça soit à elle de quitter son domicile ».

« C’est au violent de céder la place à la victime »

La procureur justifie que le parquet avait pris cette option parce que l’affaire devait être jugée très rapidement. Madame Saenz-Cobo s’oppose elle aussi au renvoi. Si l’avocate de monsieur n’a pas eu de copie de la procédure c’est parce qu’elle l’a demandée moins de trois jours avant l’audience et qu’il ne faut pas exagérer, d’autant plus qu’elle n’a pas la correction d’expliquer en quoi elle ne peut pas venir assister son client. Par contre, si le tribunal ordonnait le renvoi de l’audience, alors il faut modifier le cadre du contrôle judiciaire de monsieur, lui interdire de paraître sur les communes de l’Abergement de Cuisery ainsi qu’à Simandre, de sorte que madame soit tranquille et rentre chez elle.

« Madame, vous pouvez héberger votre frère ? – Pendant combien de temps ? »

« Où pouvez-vous aller ? » demande le président Dufour au prévenu qui écarte les bras en signe de « je ne sais pas ». « La dame qui vous accompagne, c’est qui ? – Ma sœur. – Madame, vous pouvez héberger votre frère ? – Pendant combien de temps ? – Pendant la durée du renvoi, jusqu’à fin septembre. » Madame veut bien, mais ne veut pas du chien. « Le chien restera dans la maison, alors. » Le prévenu a la parole, et dans l’effort imposé par l’insuffisance respiratoire, articule : « Ma femme a toujours eu ce qu’elle a voulu. Une voiture, une (inaudible), un (inaudible). Tout ce qu’elle a voulu, elle l’a eu. » Si on en croit la position de la justice, elle a eu bien au-delà de ce qu’elle pouvait souhaiter.

« Le tribunal trouve l’attitude de votre avocate particulièrement cavalière »

Le tribunal ordonne le renvoi à fin septembre, considérant qu’être défendu est un droit fondamental de tout justiciable, en revanche « le tribunal trouve l’attitude de votre avocate particulièrement cavalière ». Monsieur a, outre le cadre fixé lors de son placement sous contrôle judiciaire, l’interdiction de paraître à l’Abergement de Cuisery ainsi qu’à Simandre. Il va passer chez lui prendre quelques effets et ne plus y remettre les pieds. Le partage des biens se fera au moment du divorce, l’assignation en est déjà rédigée, précise maître Gemma.

« Vous, vous devez quitter les lieux dès ce soir »

« Vous récupérez vos affaires, et vous partez, dès ce soir », résume le président. Le prévenu objecte qu’il a des bonbonnes d’oxygène chez lui, que ça pèse lourd, qu’il ne peut pas ainsi les déménager. Sa sœur : « ça peut attendre demain ? » Le président : « Non madame, ça ne peut pas. » Puis, au prévenu : « Pour les bonbonnes, vous verrez avec un livreur ou un coursier qui passera les prendre. Vous, vous devez quitter les lieux dès ce soir. »

Le prévenu se lève, titubant. Sa sœur se précipite vers lui. Il s’accroche à ce qu’il peut. Faut pas s’y fier, insistait la procureur.

Florence Saint-Arroman