TRIBUNAL DE CHALON - 99,72 grammes de cocaïne... il espérait en tirer "un petit billet"
Par Florence SAINT-ARROMAN
Publié le 07 Octobre 2021 à 22h51
Le prévenu, 20 ans, reconnaît les avoir achetés, pour les revendre. Il sait bien que « c’est interdit », mais « c’est de l’argent facile. Je me suis dit, pourquoi ne pas essayer de gratter un p’tit billet ? » il allait en tirer 6 à 8 000 euros.
Il a 20 ans, il est né à Chalon et y vit toujours, chez sa mère. Il a un BEP mais n’a jamais travaillé. En août dernier, il passe et obtient son permis de conduire. C’est ainsi que le 28 août, il file au volant d’une Clio. Il aperçoit la BAC et bifurque. Immédiatement l’équipage le rattrape. Ça ne se passe pas bien. Les policiers de la BAC le connaissent. Lui il porte quasi 100 grammes de cocaïne sur lui, « j’étais stressé ». Il jette son pochon une fois dehors, résiste à l’interpellation. Il fera une longue garde à vue, à l’issue de laquelle il est placé sous contrôle judiciaire, pour être jugé ce jeudi 7 octobre. « A court délai, explique Clémence Perreau, substitut du procureur, parce qu’il encourt une peine de 10 ans de prison. »
Les questions pleuvent, le prévenu est débordé
Les policiers se constituent parties civiles, pour rébellion et violences. Le prévenu conteste les violences, reconnaît le reste, sauf avoir lui-même consommé de la cocaïne. Le test salivaire était positif, l’analyse sanguine demandée par son avocate revient négative. Il sera relaxé sur ce point, et aussi pour les violences sur deux des policiers. Toutefois l’audience prend un tour auquel sans doute il ne s’attendait pas. Les quatre juges (les trois juges de la composition collégiale et une auditrice qui préside) se relaient, les questions pleuvent, et vont loin. Le prévenu paraît débordé et ne sait pas quoi répondre.
« Donc Momo vous fait crédit. Vous le connaissez bien, dites-vous, mais c’est juste ‘Momo’ »
« Monsieur, ça vaut combien, ce que vous portiez ?
- 4 000 à 5 000 euros. Mais je ne l’avais pas payée !
- Ah. Donc Momo vous fait crédit. Vous le connaissez bien, dites-vous, mais c’est juste « Momo ». Un dealer ne fait pas crédit de cette somme à quelqu’un qu’il ne connait pas. Dites plutôt que vous ne donnerez pas son nom par peur des représailles, faut pas nous prendre pour plus bêtes qu’on ne l’est. En tous cas, ça vaut 6 000 à 8 000 euros, ce que vous avez sur vous. Or vous n’avez pas le moindre sou, vous ne l’avez pas payé, vous avez donc tout intérêt à vous enfuir, à pousser les policiers. »
« Monsieur, vous avez une dette importante. Vous allez faire comment ? »
« Monsieur, les menaces que rapportent les policiers sont très précises… (« Tu fais le cow-boy là maintenant, mais sans ton insigne, t’es rien. T’inquiète pas, on te retrouvera, j’ai le bras long. »)
- Ils peuvent se mettre d’accord. J’ai une relation avec eux qui n’est pas très… Ils me connaissent. »
« Monsieur, vous avez une dette importante. Vous allez faire comment ?
- Je ne sais pas. Je ne l’ai pas croisé (il parle de son fournisseur). Je ne cherche pas à sortir, depuis ça.
- Et si on vous dit de vendre pour rembourser ? Si on vous menace ? Si on menace votre famille ?
- (balbutie) J’irai voir les forces de l’ordre.
- Vous avez pensé à déménager ?
- Non. De toute façon ils sont au courant que je me suis fait attraper. »
« Je voulais me faire un billet… »
Et le jeune homme, corpulence un peu épaisse, cheveux noirs rassemblés en catogan, de répéter : « Tout ça, ça m’a traumatisé, perturbé. Je ne veux plus toucher aux stups. Je vis seul avec ma mère, elle n’a pas de revenus. Je voulais me faire un billet… » On lui fait remarquer que les 99.72 grammes de cocaïne représentent beaucoup de billets. Réponse : « J’en aurais eu qu’une petite partie. »
« Depuis 2017, vous faisiez quoi ? On fume ses joints, on joue à la Playstation… »
Perturbé pour perturbé, ce qui ennuie le tribunal c’est qu’il ne fasse rien. « Vous avez 20 ans, monsieur ! Faudrait penser à vous positionner un peu. Depuis 2017 (obtention d’un BEP en maintenance industrielle), vous faisiez quoi ? On fume ses joints, tranquillement, on joue à la Playstation… » Le prévenu souffle : « Pas que. » Un assesseur : « Votre mère vous a nourri, blanchi ? – Oui, elle travaillait comme serveuse, mais là elle ne travaille pas. » Un autre assesseur : « Vous êtes mis en examen (pour une affaire de violence), ça ne vous empêche pas de revendre. Pourquoi cette surveillance judiciaire ne vous a pas empêché de commettre ces faits ? Votre première obligation est de ne commettre aucune infraction, alors, pourquoi ? Pourquoi ça n’a pas suffi ? » Le jeune homme ne sait plus comment répondre.
« Quand il a vu la BAC, il a su qu’il avait perdu »
Clémence Perreau, pour le ministère public, demande une relaxe pour l’usage de stupéfiants, et requiert, pour le reste, une peine de 10 mois de prison dont 5 mois seraient assortis d’un sursis probatoire de 2 ans. Juste avant elle maître Bibard a parlé pour les trois policiers : « Il a refusé de donner aux enquêteurs le nom de son fournisseur du produit - pour 8 000 euros à la revente, il a refusé de donner le code de déverrouillage de son téléphone portable : avec un tel comportement jamais il ne me fera croire que les policiers mentent ! Quand il a vu la BAC, il a su qu’il avait perdu. C’est une très belle affaire menée par les policiers de la BAC de Chalon. »
« La présomption de mauvaise foi »
Maître Lépine ferme la marche et, avec autant de fermeté que l’avocat des parties civiles, va plaider « la présomption de mauvaise foi » pour un jeune homme qui n’a pas menti sur le non usage de cocaïne, donc pourquoi mentirait-il sur le reste ? L’avocate s’appuie essentiellement sur l’absence de l’exploitation de la caméra de surveillance n°53. Elle a reçu un procès-verbal en dernière minute, elle lit. « ‘Le 6 octobre 2021, sur réquisition judiciaire’ – une réquisition établie en août ! - … ‘caméra n°53, école Saint-Exupéry, église’… la consultation des images ‘n’apporte rien à l’enquête’… On se moque de monsieur, et on se moque de moi aussi. Ce PV ne veut rien dire. On se moque du monde et c’est malhonnête. Donc le doute existe (sur les violences, ndla). Par contre, un suivi et un encadrement lui sont nécessaires. »
5 mois ferme, 2 ans de probation
Le tribunal relaxe le prévenu pour l’usage de stupéfiants et pour des violences à l’encontre de deux policiers, le déclare coupable du surplus et suit les réquisitions. 10 mois de prison dont 5 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, obligation d’indemniser les trois policiers, obligation de travailler. Ces mesures sont actives dès maintenant car les 5 mois ferme sont aménagés en détention à domicile sous surveillance électronique.
« Je ne pensais pas me faire attraper »
Le jeune homme ne fait quasiment rien de sa peau depuis 4 ans, « pourtant, monsieur, en maintenance industrielle, il y a du boulot ! – Ça ne me plaisait pas… » Il avait commencé une formation sur 2 ans, il a tenu 8 mois. « C’est pour ça, je vais intégrer la Garantie jeunes, parce qu’on peut faire des stages, et… - On se croirait au tribunal pour enfant, comme si vous aviez 15 ans. » Sur le transport des 99.72 grammes de drogue, il avait dit : « Je ne pensais pas me faire attraper. »
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