Faits divers

« Je suis instable dans ma tête, dit le prévenu, et elle aussi »

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 18 Novembre 2021 à 20h28

« Je suis instable dans ma tête, dit le prévenu, et elle aussi »

Le prévenu, déjà condamné, avait suivi un stage de sensibilisation aux violences conjugales. La qualité de sa participation avait été saluée par l’association organisatrice. Comme quoi tout est plus complexe que ça.

Dossier infernal, audience infernale. Voilà plus de deux heures, et le délibéré est toujours en cours. Pourtant il ne fallait pas longtemps pour capter, aidé par les déclarations du prévenu lui-même, que ce jeune couple ne tenait pas la route, parce qu’il et elle sont fragiles, instables « dans nos têtes » et nerveux.

Ce ne sont ni les premiers ni les derniers à faire les frais d’une politique pénale de répression des violences conjugales qui fait feu de tout bois, et qui transforme les audiences de comparutions immédiates en étals de désordres mutuels, d’impossibilité de vivre sereinement une relation, de quotidiens violents, oui, mais pas toujours que dans un sens, etc. C’est le genre de dossier, en ce jeudi 18 novembre, qui permet au parquet de requérir un maintien en détention et à la défense de plaider une relaxe. 

Une scène de trop, 5 jours d’ITT

Le tribunal tranche et condamne le prévenu à 11 mois de prison en tout mais aménage sa peine en détention à domicile sous surveillance électronique. Coupable, donc, mais pas incarcéré. Les faits : il est en couple avec une jeune femme depuis février dernier. Chacun vit chez soi, mais elle accueille les deux enfants en bas âge de son conjoint, lorsqu’ils viennent passer le week-end chez leur père. Lui, il travaille, il a un CDI. 
Le 22 octobre en soirée, ils dînent chez le père et la belle-mère du prévenu, à Dracy. Repas tendu, le ton devient agressif. Monsieur décide qu’ils vont rentrer. Les enfants sont dans la voiture. A partir de cet instant les versions de la plaignante et de son désormais ex-conjoint diffèrent. A la charge du prévenu : un certificat médical, les témoignages de son père et aussi de sa belle-mère (a vu du sang dans la bouche de la jeune femme lorsqu’ils sont revenus, dans la même soirée).

État de récidive légale 

Bref. Ils se parlent mal, ils se chipotent sans cesse, ils crient beaucoup, rien ne va. Bref, il est en état de récidive légale, condamné pour violences (réciproques - madame avait fait l’objet d’un rappel à la loi) en mars dernier. Il est donc encore en sursis probatoire. Il a fait le stage de sensibilisation aux violences conjugales auquel il était condamné. L’association souligne son implication et l’intérêt de ses réflexions au cours du stage. Le 23 au matin, madame est allée tambouriner chez lui, voulait récupérer son frigo dans l’instant, il n’a pas ouvert la porte. Elle est allée déposer plainte, poussée par son père, dit-elle. Le 24, on interpelle le jeune homme. 

« Instable dans sa tête »

À l’audience du 28 octobre, il avait demandé un renvoi pour avoir son avocate à ses côtés. Ce qu’il sait de lui : il a vraiment des difficultés à se comporter posément. Il dit bien être lui aussi « instable dans sa tête », voir un psy, en prison, pour parler, et faire le point sur les conséquences qu’il impute aux conditions de son enfance dont il pense qu’elles pourrissent son mode relationnel dans sa vie privée. Il n’est ni le premier, ni le dernier, à devoir en découdre. L’institution judiciaire voudrait qu’il en découse autrement qu’avec les poings et les insultes. Vu les charges, maître Diry n’a pas de mal à plaider pour la victime, ajoutant « il n’a pas compris que les violences verbales, ce sont des violences ».
La substitut du procureur reprend les mêmes éléments, requiert longuement le maintien en détention du prévenu pour 15 mois en tout. A sa suite maître Lépine plaide énergiquement contre ce maintien en détention : « Il a un travail sous contrat à durée indéterminée, il a un logement, je ne comprends pas les réquisitions. » L’avocate renvoie le tribunal aux objectifs du prononcé d’une peine, tels qu’ils sont fixés par la loi. 

11 mois de prison ferme

Le tribunal déclare le prévenu coupable de ce qu’on lui reproche, à savoir des violences physiques sur sa conjointe, révoque 5 mois du sursis probatoire en cours, le condamne à 15 mois de prison dont 9 mois sont assortis d’un sursis probatoire pendant 2 ans, avec obligations de soins et de travailler, d’indemniser la victime, interdiction de tout contact avec elle et de paraître à son domicile.

Peine aménagée 

Ces mesures s’appliquent dès maintenant, car le tribunal aménage la partie ferme en détention à domicile sous surveillance électronique. La période de détention provisoire prend fin et sera décomptée du quantum de la peine. Le président s’adresse au prévenu : « Le tribunal pense que c’est parce que vous avez déjà été condamné que vous vous réfugiez dans une position de déni. »