Saône et Loire économie

Cardotech Sainte-Hélène, une PME décapante

Cardotech Sainte-Hélène, une PME décapante

Implantée depuis 1998, peu après sa fondation, dans la petite localité de la Côte Chalonnaise, rencontre avec le fondateur Daniel Chainard, sa fille Sandrine gérante actuelle et Dominique Vittot, responsable industriel et commercial.

Bien indiquée depuis la sortie du village, on trouve sans peine la petite usine, dressée dans le hameau de Vallerat. Si l'endroit est incontestablement bucolique, avec des pâtures à perte de vue en contrebas de la route, la localisation d'une telle activité en ces lieux peut malgré tout surprendre. Seules la RCEA et sa nuée de semi-remorques, au loin, viennent troubler la quiétude ambiante.

Daniel Chainard, retraité depuis une dizaine d'années, attaque les présentations et nous en donne les raisons. « Mme Devineau-Juillet, ancien maire, nous a trouvé le terrain. C'est vrai que ce concept d'usine à la campagne, et non au sein d'une vaste zone industrielle en milieu périurbain, est beaucoup plus répandu à l'étranger. Notamment Allemagne voire Italie du nord, où il existe un réseau de PME dynamiques. » De fait il sera beaucoup question de nos cousins germains au cours de l'entrevue, à la fois concurrents redoutables mais aussi partenaires commerciaux de premier plan. Une référence.

Bien avant cela il y a les Vosges, la Haute-Saône. Les scieries et le travail du bois en général. Il est déjà question de diversification. La brosserie industrielle entre dans le champ du traitement de surface, par abrasion.

La métallurgie représente la plus grande part de l'activité, et des liens de plus en plus étroits se nouent avec Ugine-Gueugnon, poids lourd incontournable et pas seulement au niveau local. Au plus fort du partenariat, l'ambassadeur de la cité forgeronne pèsera jusqu'à 80% du chiffre d'affaires. Les autres clients notables se nomment Industeel ou encore Framatome.

C'est le temps de l'aventure et des découvertes pour la jeune PME chalonnaise après scission (cf. en fin d'article), qui s'exporte jusqu'en Thaïlande au tournant du siècle, à travers une représentation locale.


Passage de témoin en douceur : une femme pour la 4ème génération

Sandrine Chainard a 30 ans passés lorsqu'en 2001, elle rejoint Cardotech à l'appel de son père. Son expérience de dix ans en transport-logistique, acquise à bonne école à la Sobotram, lui est précieuse. Elle a déjà touché à tout, de la comptabilité-trésorerie aux achats, en passant par la gestion de stock. C'est donc en gestionnaire avisée qu'elle débarque. Le père peut désormais se consacrer à la prospection de nouveaux marchés.

Hélas l'embellie ne dure guère, et la crise de 2008 fait des ravages. Le chiffre d'affaires s'élève cette année à 1,8 million d'€, et sera fortement impacté par l'effondrement de la sidérurgie européenne, puis la réorganisation qui a suivie. Daniel se retire.

En 2010 Dominique Vittot, directeur commercial et industriel d'expérience, rejoint l'aventure. La restructuration se poursuit, il faut diversifier coûte que coûte ! Cela passe inévitablement par le bois, un retour aux sources en somme...

 

La brosse produit tendance, décalé et esthétique

Lorsque je débarque sur le parking de l'usine en ce début novembre, un engin de terrassement s'affaire. C'est que Cardotech, à travers la voix de sa gérante, a plusieurs projets à court terme : « Nous sommes en train d'aménager une aire de pique-nique pour les salariés (au nombre de 15), il y aura en plus verger, potager collectif et aire de compost. C'est l'un des aspects concrets de la RSE ». Cette certification, ou responsabilité sociétale des entreprises, est bien plus qu'une simple marque employeur à l'heure où les réseaux sociaux, et les commentaires y fleurissant, ne cessent de prendre de l'ampleur.

La PME collabore d'ailleurs avec l'agence d'Alexis Tricoire, designer renommé, pour l'aménagement de ses espaces végétalisés. Un partenariat trouvant pour origine, les brosses non utilisables issues des premiers réglages. Et les productions maison sont de véritables vedettes ayant déjà participé à plusieurs expositions artistiques, notamment au jardin de Chaumont sur Loire (41). Qui a dit qu'une brosse circulaire en fil d'acier laitonné, lui donnant son aspect caractéristique, ne pouvait être une sculpture contemporaine du plus bel effet ?

 

Pandémie Covid : +40% de chiffre d'affaires !

Une actualité encore plus immédiate, d'ordre sanitaire, nous rattrape. Si les inquiétudes sont toujours là pour l'économie alors que 2022 pointe le bout de son nez, Cardotech n'a vraiment pas à se plaindre. Le chiffre d'affaires, qui s'élève à 2,8 millions d'€ à l'issue de l'exercice 2020, a en effet bondi de 40% depuis la survenue de l'événement !

C'est d'autant plus remarquable que les choix industriels opérés, pourraient exposer la société à de sérieuses difficultés. Dominique Vittot apporte son éclairage de technicien. « Nos machines sont plus souvent en réglages que production ! ». Sandrine Chainard poursuit : « Nous n'avons pas de catalogue, on s'adapte au cahier des charges client. » Traduction : Cardotech produit beaucoup en petites séries, voire à l'unité. Des brosses exportées vers l'Asie, Chine, Thaïlande et Inde en tête, destinées pour 40% à l'industrie sidérurgique, 25 la plasturgie, 20 enfin le travail du bois. Le reste part dans l'agroalimentaire, BTP (béton) et, comme signalé plus haut, le nucléaire. A Sainte-Hélène on voyage aux quatre coins de la planète, en pratiquant quotidiennement la langue de Shakespeare !

La relève semble enfin assurée puisque le fils de Sandrine, futur ingénieur ENSAM, intégrera l'entreprise une fois son alternance achevée, en septembre 2023.

L'occasion de conclure sur le grand mal minant le monde industriel contemporain : les difficultés de recrutement et la nécessité de former autrement, en interne. D'où l'intérêt de séduire et se faire connaître du plus large public possible, soigner sa réputation en participant notamment à des salons, afin d'attirer et garder les meilleurs éléments !

 

Cardot, un nom plus que centenaire

Alors que Paris inaugure sa Tour Eiffel, Ernest Cardot fonde en 1889 une brosserie métallique et industrielle.

Notre inventeur dépose plusieurs brevets de brosses circulaires sous la marque « Hercule » et met au point le balai Rip-Rop, qui sera repris par O'Cedar. Belle référence ! Ses innovations sont primées lors de concours et expositions internationales.

1921 : décès d'Ernest, son épouse reprend l'affaire avec son fils, lui-même prénommé... Ernest.


1943 : ce dernier, résistant, disparaît au cours d'une opération. Sa femme Marie-Hélène assure la direction, avant de transmettre les rênes à sa nièce Ginette et son mari, André Chainard. Celle-ci souhaitant se consacrer plus avant à sa carrière politique, qui la propulsera... à la vice-présidence du Sénat !


1954 : André installe l'entreprise Avenue de Paris, à Chalon. Suite à sa disparition accidentelle en 1962, Ginette devient la 3ème génération de femmes à reprendre la direction de l'entreprise, qu'elle cède 20 ans plus tard à ses fils Daniel et Armand, en 1984.

 

Armand reste dans la cité de Niepce, et conserve la gamme tous publics sous la raison MFBI Cardot. Celle qu'on trouve en grande surface et magasins de bricolage, dont articles de ramonage -les fameux « hérissons » !-, alors que Daniel créée Cardotech en 1996. Avant de passer le relais à Sandrine fin de décennie 2000, pour ce qui est ainsi la 4ème génération de femmes à la tête de cette longue lignée !

Julien BERTRAND