Faits divers

Sous contrôle judiciaire depuis juin 2019, il voudrait aller travailler en Suisse, mais…

Par Florence SAINT-ARROMAN

Publié le 10 Décembre 2021 à 10h48

Sous contrôle judiciaire depuis juin 2019, il voudrait aller travailler en Suisse, mais…

Le garçon se tient à la barre, sans avocat. Il a 27 ans, est né et vit à Chalon où le 1er mai 2019 il est impliqué avec plusieurs autres dans des faits de violence (avec arme et en réunion) avec ITT supérieure à 8 jours. Depuis juin 2019, il vit sous contrôle judiciaire mais vient, ce jeudi 9 décembre, demander au tribunal la modification du cadre.

Cette affaire était partie à l’instruction, et dès juin 2019, lui - comme plusieurs autres - est placé sous main de justice. Libre, mais pas de tout. Il a l’interdiction de sortir du pays, certaines rues de Chalon-sur-Saône lui sont interdites, et il a un suivi socio-éducatif assuré par l’association enquête et médiation (AEM). Interdiction lui est faite d’avoir le moindre contact avec les co-auteurs comme avec les victimes. Il ne doit ni détenir ni porter une arme. Et puis, il doit pointer une fois par semaine au commissariat.

L’enquête est bouclée, le juge d’instruction a renvoyé plusieurs d’entre eux devant le tribunal correctionnel mais le jour de l’audience n’est pas encore fixé. C’est dans ce contexte que le mis en cause devenu prévenu vient faire ses demandes de modifications. Que veut-il ? Il ne veut plus devoir pointer aussi souvent, « parce que j’ai jamais raté une semaine ». Et puis il voudrait que le tribunal lève l’interdiction de quitter le territoire : il a trouvé une annonce pour du travail. En Suisse, chez Nestlé. A-t-il un justificatif ? Non, il n’en a pas, il a juste eu un entretien par téléphone, mais sa « conseillère » à l’AEM (il dit ce mot, de conseillère) lui aurait conseillé, justement, de se présenter devant le tribunal avant d’avancer dans ses démarches professionnelles.

Le tribunal voudrait bien le croire, mais ça ne marche pas ainsi : d’abord il présente des justificatifs, et ensuite le tribunal envisage sa demande. Quant au pointage… La présidente Landemaine en a le relevé ainsi qu’un rapport de l’AEM qui dit qu’il ne pointe plus qu’une fois par mois. « Madame, je vais vous expliquer : je montrais ma carte d’identité au policier (on pointe à l’accueil, il y a un classeur et chacun émarge sur la feuille à son nom, ndla) en la collant sur la vitre. » Il fait le geste avec ses bras. « Et comment justifier de votre pointage ? » lui demande la présidente. L’AEM se dit favorable au maintien en l’état du contrôle judiciaire.

C’est tout le problème quand on ne prend pas d’avocat : sur la question du travail, un avocat lui aurait dit que sans justif c’est peine perdue ; sur la question du pointage, il aurait pu regarder de plus près car le jeune homme est crédible, du moins dans son attitude. Lorsque la substitut du procureur reprend le tout et affirme qu’il ne pointe plus, le jeune homme fait non de la tête mais doucement, sans volonté de démonstration, sans ostentation, il fait doucement non parce que peut-être qu’il dit vrai.

« Peut-être », parce que ce qu’il appelle « respecter à la lettre » ne correspond pas à ce que la justice entend par là. La justice exige un cadre respecté au cordeau, on imagine que pour lui de l’à peu près ça doit suffire : il en a marre d’être surveillé ainsi, de devoir rendre des comptes en permanence à des gens dont la vision des choses ne coïncident pas avec la sienne. Le tribunal décide de maintenir le cadre de son contrôle judiciaire en l’état, « et vous invite à revenir une prochaine fois avec des pièces à l’appui de vos demandes ».

FSA