Politique de gauche
Jeudi le groupe Socialistes et apparentés va porter une proposition de loi d’urgence pour lutter contre la désertification médicale
Par Gabriel-Henri THEULOT
Publié le 18 Janvier 2022 à 11h03
Dans le cadre de la niche parlementaire, qui permet une fois par mois depuis 2008 à un groupe d’opposition ou minoritaire, tant au Sénat qu’à l’Assemblée Nationale, de fixer l’ordre du jour d’une séance, le groupe Socialistes et apparentés va présenter ce jeudi 20 janvier une proposition de loi d’urgence pour lutter contre les déserts médicaux.
Avec deux mesures fortes : une obligation de présence des médecins dans les déserts médicaux durant 3 ans et un encadrement de leur installation dans les zones sur-dotées.
A quelques jours de sa discussion dans l’hémicycle, Cécile Untermaier, députée socialiste de Saône-et-Loire, qu’accompagnait Jean-Luc Fonteray, président du groupe Gauche 71 au Département, a évoqué samedi matin au cours d’un point presse cette proposition de loi. Un rendez-vous auquel n’a pas pu participer le sénateur et conseiller régional Jérôme Durain, en raison de la Covid-19.
Une trop grande disparité entre les zones sur-dotées et les zones sous-dotées
Dans un premier temps la parlementaire a fait un état global de la situation. Depuis 30 ans le nombre de médecins formés chaque année a doublé, passant de 5 000 en 1990 à 10 000 en 2020, et à partir de 2025 le nombre de médecins généralistes devrait se stabiliser. Mis en place en 1971, le numerus clausus ne peut donc être accusé, un demi-siècle plus tard, de la désertification médicale. Ce qui ne va pas, c’est la grande disparité entre les zones sur-dotées et les zones sous-dotées. En 2021 il y avait 2,5 fois plus de médecins par habitant dans les premières que dans les secondes. Et 11 fois plus d’ophtalmologues et 24 fois plus de pédiatres. Dans certains départements il n’y a plus de psychiatres, ni de gynécologues. Conséquences de ces déserts médicaux, il y a 10 millions de personnes qui sont sans médecin et 8 millions qui ne les consultent qu’1 à 2 fois par an et qui renoncent donc aux soins. D’après le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM), le nombre de médecins pour 100 000 habitants est de 341,50 en Provence-Alpes-Côte d’Azur tandis qu’il n’est que de 221,80 pour les collectivités d’Outre-mer et de 222,90 pour le Centre-Val-de-Loire. La Bourgogne-Franche-Comté arrivant en 9e position sur 13 des régions métropolitaines les mieux loties avec 264,80.
Tout le monde ne bénéficie pas des aides
La désertification médicale touche de plus en plus de territoires. Il y a donc urgence à agir et cela passe par une véritable politique d’incitation à l’installation. Il y a des aides mais tout le monde n’en bénéficie pas. Et Cécile Untermaier de prendre l’exemple de la Bresse bourguignonne, un territoire qu’elle connaît bien. Hormis le secteur de Cuiseaux, celle-ci n’est toujours pas considérée comme une zone d’intervention prioritaire (ZIP). Pour la députée, le temps presse, car il n’y a plus que 31 médecins fin 2021, tandis qu’ils étaient encore 45 en 2018. Il est nécessaire de réviser l’arrêté de “zonage médecin”. C’est le sens du courrier adressé par la parlementaire le 15 novembre dernier à Pierre Pribile, le directeur de l’Agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté.
Comment arrêter la désertification qui progresse à la vitesse grand V ? Cécile Untermaier a une solution toute simple. Et si dans les zones sur-dotées on ne faisait que remplacer les médecins qui s’en vont et qu’on n’acceptait plus de nouveaux... Avec en parallèle la mise en place d’un indicateur territorial dans les zones sous-dotées.
Le Département ne peut pas tout faire
Pour sa part Jean-Luc Fonteray a fait état de la situation en Saône-et-Loire. Faisant remarquer que, s’il fait tout ce qu’il peut, le Département ne peut pas tout faire. L’élu socialiste a ainsi rappelé que depuis 10 ans le Conseil départemental intervient par le biais de bourses d’études, de chèques installation, de soutien aux maisons de santé pluridisciplinaires… Et surtout qu’en 2017, fort d’une décision unanime, il a créé un centre de santé départemental (CSD), qui, cinq ans plus tard, est une réussite appréciée, mais qui n’empêche pas que la désertification médicale reste un problème du quotidien en Saône-et-Loire. L’offre de soins demeure déficitaire sur le territoire. Le nombre de médecins pour 100 000 habitants étant de 78,2, soit 15% inférieur à la moyenne des départements, d’autant que le taux de vieillissement de la Saône-et-Loire est lui de 30% supérieur à la moyenne des départements.
Suivant l’exemple de la Saône-et-Loire, de nombreux départements vont créer un CSD. Ce qui inquiète le conseiller général de Cluny. « La généralisation de CSD déplacera la concurrence interterritoriale pour le recrutement des médecins, des communes entre elles aux départements entre eux, un siphonage qui va amplifier l’inégalité de répartition. Nous allons assister à une surenchère financière et logistique, avec une inégalité accentuée au préjudice des départements sous-dotés ».
Une pétition en ligne
« L’État doit agir pour un égal accès aux soins en France et donc en Saône-et-Loire » estime Jean-Luc Fonteray. Avant d’ajouter « L’État doit être volontariste face à la pénurie de médecins pour laquelle la suppression du numerus clausus ne produira aucun effet immédiat. L’État doit organiser la régulation territoriale de l’installation des médecins ».
De son côté, Cécile Untermaier a l’intention de mettre en ligne une « pétition citoyenne », arguant qu’ « il y a besoin d’une politique nationale pour coordonner tous ces efforts ».
Gabriel-Henri THEULOT
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