Saône et Loire

Qu'est-ce qu'il les aime ses lamas, Johnny, mais qu'est-ce qu'il les aime !

Qu'est-ce qu'il les aime ses lamas, Johnny, mais qu'est-ce qu'il les aime !

Pour l’état-civil, il est Didier Donin de Rosière. Dans la vie courante, il convient plutôt de s’adresser à Johnny, on saura pourquoi d’ici quelque temps. Contre toute attente, il a éprouvé voici peu un gros coup de foudre pour les lamas et les alpagas, lequel va crescendo.

D’origine sud-américaine, ses quadrupèdes, rassemblés sous l’appellation « Les lamas de Johnny », ont trouvé refuge à Saint-Didier d’Aussiat, une commune située au nord-ouest du département de l’Ain, entre Mâcon et Montrevel-en-Bresse. Leur  compagnon de route leur voue un culte, à travers cependant le prisme de l’agrément.

 

A quand remonte cet élan passionnel, et à la suite de quoi ?

«En fait, ce n’est pas si vieux que ça, c’est consécutif à la perte de mon emploi. J’ai perdu mon travail en 2018, au bout de trente-sept ans d’ancienneté, de bons et loyaux services. Donc, me retrouvant à Pôle emploi et à mon âge (il a eu 61 ans le 28 décembre 2021 N.D.L.R.), j’ai vu que je n’avais pas la possibilité de retrouver du travail. Ou plutôt si, j’aurais pu en avoir dans la même branche, la sécurité privée, mais ça ne m’intéressait plus. N’ayant pas de bagage et étant autodidacte, j’ai commencé à me renseigner à droite et à gauche pour voir comment je pourrais me recycler, me reconvertir, mais dans le milieu animal. Je pensais déjà quand même être au contact des animaux au niveau professionnel, et du coup j’ai fait des enquêtes-métiers. Je suis allé voir le zoo de Touroparc, le Parc des Oiseaux de Villars-les-Dombes, etc…j’ai fait trois-quatre sites pour questionner les dirigeants, et voir comment on pourrait travailler dans ce milieu. Durant ces enquêtes-métiers je suis allé voir un élevage de lamas à Saint-Trivier-sur-Moignans, c’est avant Belleville-sur-Saône. La dame m’a gentiment reçu, et quand j’ai vu de près tous ces animaux, autour de moi, j’ai craqué ! Jusqu’à présent je n’éprouvais pas d’attirance, si, je les trouvais sympas, j’aimais bien leur prestance, mais bon, mis à part le fait de les voir à la télé un peu comme tout le monde…Je me suis dit que j’avais un parc avec de la place donc pour les accueillir. Une chose m’a incité aussi à les prendre à l’époque, c’était de ne plus avoir à entretenir le parc, parce que tondre un hectare ça me prenait une journée avec un petit microtracteur. Avec deux lamas je me suis dit que ça allait aller tout seul, et  effectivement ça l’a fait. Au début j’ai pris deux lamas, après j’ai commencé à réfléchir. Je les ai emmenés en balade sur des petites routes, ainsi que dans le bois qui n’est pas loin de chez moi, et dans ma tête a mûri cette idée d’utiliser ce parcours pour proposer aux gens une balade. J’ai regardé les démarches pour être autoentrepreneur, elles sont très simples pour monter une autoentreprise, mais j’ai quand même eu l’assistance de la société BGE à Bourg-en-Bresse, qui aide les autoentrepreneurs. Il y a eu un business plan pour voir si je pourrais en vivre. Ca m’a permis de démarrer, à la mauvaise période car ça remonte au 1er mars 2020, il fallait bien que je me lance. Donc de mars 2020 jusqu’à juillet 2020 ça n’a pas été terrible, il n’y avait pratiquement rien, et après, ça a démarré. Maintenant, avec le bouche-à-oreille ça fonctionne bien. L’été dernier ça a super bien marché. C’est donc grâce à la perte de mon boulot que j’ai eu cette passion pour les lamas, je les adore et de plus en plus, vraiment. J’ai découvert ces animaux atypiques avec un fort caractère, comme moi, ça me va super bien ! Eux, c’est chaud ou froid, il n’y a pas d’eau tiède. J’ai mis un système vidéo depuis peu, puisque j’ai toujours une petite hantise que l’on s’attaque à mes alpagas, car il y a toujours des personnes malintentionnées. On pourrait les voler, ou alors leur faire du mal…J’ai mis deux caméras, et quand je suis dans mon petit salon devant ma télé, à droite j’ai un grand moniteur, et je vois tout le parc. Ca me permet de voir leur attitude notamment la nuit, et avec l’infrarouge j’ai constaté qu’ils ne dormaient pas, ou alors que d’un oeil. »

 

De quel cheptel disposez-vous à l’heure actuelle ?

« Il ya trois lamas et trois alpagas. J’ai deux alpagas, et un autre en pension qui vient de l’élevage, parce que l’éleveuse a reçu dernièrement un nouvel alpaga qui va servir d’étalon, et ce nouvel alpaga est là maintenant depuis trois mois. Il a priorité pour les saillies dans l’élevage à la place de celui que j’ai pris en pension. Celui-ci est un peu mis sur la touche le temps que le nouvel alpaga remplisse toutes les femelles alpagas, et quand ça sera réalisé mon pensionnaire retournera à l’élevage, une fois que l’autre aura terminé son  travail. C’est pour éviter la consanguinité. »

 

Quelles sont les différences entre alpagas et lamas ?

«Déjà, ils font partie des camélidés tous les deux. L’alpaga, plus petit,  est un cousin du lama. Un alpaga doit faire au maximum dans les soixante-dix kilos, il a une laine beaucoup plus réputée que celle du lama, c’est une des plus fines au monde, qui ne gratte pas, ne démange pas. C’est le nec plus ultra. La laine de lama, c’est moins coté, moins intéressant. Au niveau du caractère, ces deux races ont sale caractère, l’alpaga est plus farouche que le lama, il est plus facile de dresser un lama qu’un alpaga. Les lamas, dès le début ont été domestiqués par l’homme pour transporter les marchandises, pour la viande, alors que les alpagas ont juste été parqués en fait pour ensuite utiliser leur laine uniquement. On n’utilisait pas les alpagas pour transporter les marchandises, ils avaient moins de contacts avec l’homme. C’est resté dans leurs gènes, donc ils sont beaucoup plus distants. Je les emmène en balade, ils font le boulot, mais ils sont très durs à attraper, ils n’aiment pas les caresses. En revanche, on peut tirer quelque chose du lama, mais ça reste quand même  imprévisible. Il faut toujours se méfier, ils ont des attitudes brusques, et peuvent changer de caractère, mais vraiment instantanément. Ils peuvent être très paisibles, et d’un seul coup il y en a un qui va s’énerver, foncer sur les autres, leur cracher dessus, leur rentrer dedans. On se demande ce qui leur passe par la tête, ce sont des caractériels. Je donne les consignes avant de partir en balade : ne jamais passer derrière les animaux, ils bottent comme les chevaux. Je suis assuré bien sûr, et jusqu’à maintenant  je n’ai jamais eu d’accident, ces animaux sont toujours calmes avec les gens et les enfants. Hormis les crachats, c’est arrivé une fois qu’un petit papi avec une bonne petite tête se soit fait cracher dessus à bout portant sans raison valable, je n’ai jamais compris pourquoi. Ca ne collait pas avec le lama ! »

 

Quels sont  les buts des sorties ?

« C’est de faire plaisir aux gens, de voir du monde, parce que de par mon caractère je suis un solitaire, et jusqu’à maintenant je n’ai jamais vu beaucoup de monde, en dehors de mon ancien milieu professionnel. Là, forcément je voyais des gens, de plus que je ne voulais pas rencontrer, ici ça me permet de rencontrer des gens intéressants. Dès le début des balades je me suis rendu compte que le contact était excellent, car ce sont des gens qui aiment les animaux, la campagne, donc le contact est très facile et agréable. Les animaux, ça leur permet de sortir, car le parc n’est pas immense, il fait un hectare, mais ils auraient un peu plus ça ne serait pas plus mal. Je dirais qu’ils ont le minimum réglementaire, il faut 2000 m2 par lama, et 1000 m2 par alpaga. Donc là je suis au maximum. Ca leur permet de manger des choses qu’ils ne trouvent pas dans leur parc, de l’herbe bien grasse, donc ils ne se font pas prier pour aller en balade. On constate également les résultats de la médiation animale sur les gens qui en ont besoin, j’en ai de plus en plus qui viennent pour s’apaiser. L’avant-dernière balade, c’étaient des enfants et des adultes trisomiques qui venaient d’une association de Mâcon. Il faisait froid, ils ont fait la balade, et ils étaient tous ravis. Les éducatrices étaient surprises en disant que d’habitude ces personnes étaient renfermées ; de se débrouiller avec leur propre animal leur permet de voir véritablement des progrès. Bon, c’est que le temps d’une balade de deux heures, mais c’est toujours ça de pris. Ca apporte un moment de détente et de bonheur aux gens. Parfois, j’avais presque la larme à l’œil, c’était limite…Une fois j’ai eu des sourds et muets, la balade était géniale, jamais les animaux ne se sont aussi bien comportés, c’était super…les sorties ont lieu toute l’année, chaque jour de la semaine, du moment que le temps l’autorise, c’est-à-dire qu’il ne pleuve pas. Même par temps de pluie j’ai eu des courageux, des passionnés, ils étaient habillés pour la circonstance. J’ai beaucoup de disponibilité, je suis à la retraite. Maintenant il y a six animaux, mais prochainement je vais me retrouver à cinq, il faut que ça ne dépasse pas une quinzaine de personnes, car autrement il n’y aurait pas assez d’animaux pour les enfants et il pourrait y avoir quelques frictions. Je ne suis pas le seul à faire des balades, j’ai vu qu’il y en avait dans les Alpes, les Pyrénées…où les organisateurs proposent un animal par famille. S’il y a deux-trois enfants, un seul animal ça fait juste, alors je préfère qu’il y ait deux animaux par famille, c’est plus équitable, et encore ça dépend de l’âge des enfants. Les enfants paient à partir de 3 ans et demi-4 ans, ils peuvent se débrouiller tout seuls avec un alpaga, ou un lama à condition qu’un adulte le tienne en même temps. Quoique j’ai vu une petite fille de 4 ans qui a fait toute la balade, les 4 kilomètres avec le plus gros des lamas ! Elle s’est super bien débrouillée, il n’y a jamais eu à la reprendre, elle savait le tenir comme il faut. Ca dépend des enfants, s’ils m’écoutent bien et respectent les consignes, s’ils le tiennent bien, lui parlent un peu, ils pourront se débrouiller avec leur animal. Une fois j’ai eu une trentaine d’enfants, un groupe de scouts, dans ce cas-là il se passent les animaux à tour de rôle. Ca ne gêne pas les animaux, qu’il y ait trois-quatre ou une trentaine de personnes, c’est pareil, ils sont imperturbables, stoïques,  les lamas. Rien ne les brusque, ne leur fait peur, ils font leur boulot. Les personnes adultes, c’est 17-18 ans, l’âge de la majorité. J’ai revu mes tarifs depuis le début de l’année, car je n’étais vraiment pas cher. Je dis une heure de balade, mais la plupart du temps c’est plutôt 1h30- 1h45, voire plus quand les gens pique-niquent dans le parc. Donc je me suis mis à 15,00 euros par adulte, et 7,00 euros par enfant. Il faut réserver une semaine à l’avance, surtout quand ce sont les mois d’été, sinon hors haute saison on peut réserver la veille ou l’avant-veille. En hiver, j’aurai peut-être une balade par semaine, et encore, en décembre j’ai dû en faire quatre ou cinq ! En globalisant, allez, il faut réserver quatre-cinq jours à l’avance. Pour les quelques balades faites en début d’année, les gens n’ont pas tiqué, ça passe. Comme c’est en extérieur c’est  par ailleurs sécurisant par rapport au covid, les gens ne vont pas se croiser, et il y a aussi le cadre. J’ai amélioré le concept avec un barbecue à gaz dans le parc, et je vais encore faire des améliorations : je vais mettre un abri supplémentaire pour les animaux, décorer davantage le parc, faire une chasse aux œufs pour les enfants, histoire de les distraire. Les lamas, ça va bien une demi-heure/trois quarts d’heure, après ils passent à autre chose. J’ai mis le poulailler dans le parc, comme ça les poules font des œufs à droite et à gauche, et donc les enfants peuvent les chercher, c’est sympa. »

 

Quel est le coût d’une bête à l’achat, et sur le plan des soins, qu’est-ce que cela représente sur une année ?

«Si l’on prend un lama de base, un lama classique, il faut compter dans les 1500 euros. Si l’on prend des lamas laineux ou demi-laineux, plus jolis avec beaucoup plus de poils, il faut compter dans les 2000 euros (2000 pour un mâle, et 2500 pour une femelle). Ca peut encore aller plus haut si l’on veut des bêtes de concours, mais à partir de 1500 euros on en trouve.  C’est le cas pour l’éleveuse, en plus avec des facilités de paiement. Ils sont classés comme animaux domestiques, il n’y a pas d’habilitations particulières pour avoir des lamas. C’est à peu près le même prix pour les alpagas. On peut trouver des lamas à des prix intéressants, parce que les gens n’en veulent plus, car parfois ce sont des animaux un peu pénibles sur les bords. Il arrive même que des gens veuillent s’en séparer, et ils les donnent carrément. J’ai déjà eu deux coups de fil où les gens voulaient se séparer de leurs lamas, car ils étaient insupportables, ils embêtaient d’autres animaux. Il y avait des chevaux et des poneys, et les lamas faisaient trop la loi, ce qui créait une zizanie dans le groupe. Parfois on voit sur internet des lamas à 500-600 euros, mais bon, il faut voir aussi les numéros, il faut se méfier, ce sont souvent des lamas caractériels, ce ne sont pas des cadeaux. Il vaut mieux les prendre dans un élevage. Pour l’entretien, c’est la nourriture : le foin, je dois peut-être bien passer six-sept cents euros facilement pour l’ensemble des animaux, avec les granulés en plus, ça doit donner dans les mille euros. Je leur achète des sacs d’orge aplatie et de granulés pour lapin, ça c’est leur petit déjeuner. Tous les matins je leur fais ce mélange. Les sacs de 25 kilos j’en passe deux tous les quinze jours, à chaque fois ça me coûte 50,00 euros, ça va assez vite. Sans compter les frais vétérinaires. Il n’y en a pas trop en ce qui me concerne dans la mesure où je fais beaucoup de choses moi-même : les lamas je les tonds, les alpagas, non, c’est un tondeur professionnel car c’est particulier. C’est un jeune breton qui prend son camping-car au printemps, et fait son tour de France. Il vient les tondre, leur tailler les dents, leur couper les ongles. Je tonds sur pattes les lamas, mais les alpagas il faut les coucher par terre, les attacher, leur mettre un sac de sable sur le cou, c’est quand même une technique. Quand il vient il me prend 35,00 euros par animal, ce n’est pas énorme, et puis il n’y a que deux alpagas. Les frais de véto, c’est de temps en temps limer les dents des lamas ; le chef des lamas s’est fait limer les dents dernièrement, car elles poussent tout au long de leur vie, il faut de temps en temps les raboter. Là ça m’avait coûté cher pour une petite séance de dentisterie de 20 minutes : 140,00 euros. Une fois par an il faut analyser les crottes des lamas pour voir s’ils n’ont pas trop de parasites, c’est un labo à Bourg, ça coûte une cinquantaine d’euros. Le vermifugeage je le fais moi-même, les ongles des lamas je commence à arriver à les tailler. Tant qu’il n’y a pas de gros pépins, ça va. »

 

Ses coordonnées :

-06 66 91 11 05

[email protected]

[email protected]

-leslamasdejohnny.com

 

Crédit photo : DR                                                                                                    Propos recueillis par Michel Poiriault

                                                                                                                                [email protected]